Saintes, le 28 avril 2017
Cher Yannick,
J’apprécie hautement ton indignation et ta détermination à faire battre Marine Le Pen, telles que tu les as exprimées hier sur les ondes de France-Inter. Comme toi, donc, et avec les mêmes réserves, je voterai Macron le 7 mai. Je n’ai pas envie de contribuer, si peu que ce soit, à l’élection d’une émule de Trump.
Toutefois, il me semble que Europe Ecologie - Les Verts et toi-même devriez faire retour sur votre rôle dans le processus qui a conduit à la triste situation actuelle.
En effet, il a manqué 1,8 % des voix à Mélenchon (19,58 %) pour passer devant Marine Le Pen (21,30 %), l’éliminer et être présent à sa place au 2e tour. Il a manqué 15 % à Hamon (6,36 %) pour être dans le même cas. Si l’on se souvient qu’au premier tour de 2012, Eva Joly avait fait 2,31 %, on peut donc raisonnablement estimer que si, toutes choses égales par ailleurs, EELV avait fait le choix de « fusionner » avec Mélenchon ou plus exactement avec la France Insoumise, plutôt qu’avec Hamon, les idées et les valeurs des écolos de gauche auraient été présentes au 2e tour de la présidentielle 2017, au lieu de celles de Mme Le Pen.
D’autant que, des deux programmes : celui de la « France du cœur » (…du cœur et de la Bombe : Cf. Lettre à Benoît Hamon, député de gauche, candidat pour la bombe atomique) et celui de la « France Insoumise », le second était, et de loin, à la fois le plus cohérent, le plus réalisable et le plus proche du programme de EELV. Y compris sur l’Europe, car le « plan A » de Mélenchon est celui qui avait le plus de chance de « sauver l’Europe » en la démocratisant, en la « socialisant » et en l’ « écologisant ». En l’état, l’Europe, telle que Benoît Hamon et Emmanuel Macron entendent la perpétuer, court à la faillite. Elle contribue d’ores et déjà à faire progresser à la fois la mondialisation ultralibérale (capitaliste, humainement impitoyable et écocidaire), la mainmise de la finance sur l’économie et les Etats, et la progression des idées de Mme Le Pen comme d’autres personnages fascistes ou fascisants en Europe. De ce point de vue, il me semble que « l’européisme » de EELV est contre-performant : anti-européen de fait.
Passons. Mais, Yannick, par qui et comment la décision de « fusionner » avec Hamon, c’est-à-dire de t’effacer devant lui, a-t-elle été prise et annoncée à la presse avant même tout vote et tout débat interne ? Même à supposer que ce choix ait été judicieux, était-ce démocratique ?
J’ajoute que, du point de vue de la sortie du nucléaire, qui est, paraît-il, « dans les gènes des Verts », l’accord passé avec Benoît Hamon était un très mauvais accord – tout comme l’avait été l’accord PS-EELV de 2011. (*) Il a repoussé de 15 ans (de 2035 à 2050) la sortie du nucléaire civil et jeté aux oubliettes celle du militaire. A comparer, sur ce dernier point, avec le positionnement de la France Insoumise :
Jean-Luc Mélenchon répond à ACDN et s’engage pour un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires ; Mélenchon pour un monde sans armes nucléaires.
Dois-je te rappeler, Yannick, que peu avant d’être désigné par la primaire pour représenter EELV à la présidentielle, tu avais signé l’APPEL A REFERENDUM sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires ?
Je ne tiens pas à remuer le couteau dans la plaie. La politique est un art difficile et on peut tous commettre des erreurs. Mais il me semble que le seul moyen dont EELV et toi-même disposez encore pour rattraper un tant soit peu vos choix stratégiques regrettables (ils le sont en tout cas à mes yeux), bref pour « sauver les meubles » ou du moins « UN meuble » (de taille) avec l’élection de M. Macron à la présidence ou même celle de Mme Le Pen, ce serait de vous impliquer activement dans la Mobilisation urgente pour obtenir un référendum sur les armes nucléaires.
Mélenchon écarté, il ne reste plus en effet que la voie du référendum d’initiative partagée pour imposer éventuellement (cela dépendra du résultat du référendum…) au prochain chef de l’Etat, quel qu’il soit, un changement de politique militaire et diplomatique. Il faut pour cela obtenir 185 signatures de parlementaires, et il nous en manque 59. Faire du porte à porte auprès des députés et sénateurs actuels avant la fin de la législature est pratiquement le seul moyen d’y parvenir. Les militants EELV ne le pourraient-ils pas ? Toi-même, ne pourrais-tu intervenir, par exemple, auprès de Joël Labbé, sénateur écolo du Morbihan, pour qu’il signe l’Appel à référendum et la Proposition de Loi (PPL) référendaire ? (**)
Vous tous, militant(e)s écolos, oui ou non, « voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? » Un traité que 132 Etats réclament et négocient actuellement à l’ONU, en l’absence de la France… Si oui, faites ce qu’il faut pour être consultés ainsi que tous nos concitoyens !
Une fois de plus, sans doute la dernière, et à toutes fins utiles, je joins les textes à faire signer par vos députés et sénateurs. A vous d’agir.
Quant aux prochaines législatives, EELV ne serait-elle pas bien avisée de rechercher l’union avec la France Insoumise au moins autant qu’avec le PS ? Il y a en tout cas, entre autres, trois questions à poser à tous les candidats à la députation :
1. Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?
2. Vous engagez-vous, si vous êtes élu(e), à soutenir la tenue d’un référendum posant la question précédente au peuple français dans les meilleurs délais après votre élection ?
3. Afin d’éviter un Tchernobyl ou un Fukushima français, vous engagez-vous à ce que la France programme la mise à l’arrêt de tous ses réacteurs électronucléaires et mette en oeuvre au cours du prochain quinquennat la transition la plus rapide possible vers une production d’électricité sans recours à l’énergie nucléaire ?
Cordialement.
Jean-Marie Matagne
PS. Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas encore, trois Français sur quatre veulent abolir les armes nucléaires.
***
(*) Cf. Accord PS-EELV : la soupe et les lentilles seront radioactives.
Ou comment la « gauche écologique » sauve le parc électronucléaire français de la débâcle en s’engageant à prolonger la vie des réacteurs au-delà de 40 ans.
(**) On manque en effet de sénateurs. En avril, 126 parlementaire ont signé la Proposition de Loi pour le référendum, dont 104 députés et 22 sénateurs seulement. Un problème de train, paraît-il... On manque aussi cruellement de députés de droite. Combien parmi eux, se disant catholiques, restent sourds à l’appel du pape ? Et pour finir, combien seront-ils, nos élus du peuple, à rater le train de l’Histoire et à le faire rater à la France ?