Le prix Nobel de la Paix vient d’être attribué ce 11 octobre 2024 à Nihon Hidankyo, l’association japonaise qui regroupe depuis 1956 les hibakusha - les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945.
L’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, qui depuis 2001 rallume chaque année à Saintes, du 6 au 9 août, la Flamme du désarmement nucléaire avec le soutien de la Ville et la participation de ses édiles, salue ce prix, s’en réjouit, et félicite ses récipiendaires.
Par cette attribution, le jury du Nobel a voulu non seulement honorer et remercier, pour la dernière fois peut-être, les hibakusha encore en vie, pour leur action constante en faveur d’un monde sans armes nucléaires, mais aussi souligner l’urgence absolue d’« abolir ces armes avant qu’elles ne nous abolissent », comme le disait déjà le président Kennedy le 25 septembre 1961 devant l’assemblée générale de l’ONU. C’était prémonitoire, à peine plus d’un an avant que la crise des missiles de Cuba ne vienne confirmer ses craintes et placer le monde au bord du gouffre en octobre 1962. Le monde en réchappa de peu, grâce notamment au sang-froid de Kennedy, qui devait être assassiné un an plus tard. Par la suite, cette situation s’est reproduite plusieurs fois sans que les peuples en aient conscience.
Depuis le début du XXIe siècle, le prix Nobel de la Paix a déjà été attribué deux fois pour cette raison : en 2009 à Barack Obama, après son discours du 5 avril à Prague, où il avait affirmé "clairement et avec conviction l’engagement de l’Amérique à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires", et en 2017 à ICAN, la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, qui avait contribué à l’adoption, le 7 juillet, du traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Malheureusement, aucune de ces attributions n’a ouvert la voie d’un monde sans armes nucléaires.
La troisième fois sera-t-elle la bonne ? Rien n’est moins sûr, hélas, dans le contexte actuel. Pourquoi l’humanité reste-t-elle menacée en permanence de son autodestruction ? Pourquoi les cinq Etats nucléaires membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et Parties au Traité de Non-Prolifération conservent-ils et modernisent-ils sans cesse leurs armes de destruction massive et de crime contre l’humanité que sont les armes nucléaires, malgré leur engagement de les éliminer, conformément à l’article VI du TNP ? Pourquoi la France bafoue-t-elle le sien au mépris de sa Constitution ? Pourquoi augmente-t-elle son budget militaire nucléaire au moment où elle réduit ou gèle tous les autres budgets afin de limiter sa dette ? (1) Et pourquoi personne n’en parle-t-il, au Parlement comme dans la presse et les médias ?
Autant de questions qu’on devrait se poser alors que nous sommes depuis janvier 2022 à 90 secondes de l’Apocalypse, selon les savants atomistes. Autant de questions qu’on ne peut résoudre sans une analyse rigoureuse des facteurs et des acteurs de cette situation, où le tragique le dispute à l’ubuesque. Autant de questions qui justifieraient au minimum un débat national, voire une consultation référendaire, comme le propose ACDN depuis près de trente ans et comme le souhaitent au moins 7 Français sur 10, y compris après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les menaces nucléaires proférées par Vladimir Poutine (Cf. sondages IFOP-ACDN d’octobre 2015, mai 2018, septembre 2022).
Voilà qui permettrait aux Français de "participer au renforcement du lien entre la Nation et ses armées, qui passe par l’adhésion des concitoyens aux objectifs et aux choix définis démocratiquement", comme le souhaite la Loi de Programmation Militaire 2024-2030 en son article 2.
D’autant plus que le postulat d’après lequel "la politique de défense de la France est fondée sur le socle de la dissuasion nucléaire, renouvelée dans la logique de la juste suffisance et de la crédibilité", ce postulat sur lequel repose toute la LPM n’a jamais été soumis au choix des Français depuis la création du Commissariat à l’Energie Atomique par le général de Gaulle le 18 octobre 1945.
"Beau mensonge", aurait pu dire Platon, aristocrate adepte des beaux mensonges par lesquels la "race d’or" manipule les autres au nom du bien commun et de son savoir supérieur. Belle arnaque à la démocratie, aurait pu répliquer Socrate.
Et nous, citoyens français du XXIe siècle, qu’en disons-nous ?
(1) A suivre dans notre prochain article sur la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030.