En novembre 2003, et à de nombreuses reprises par la suite, le Réseau « Sortir du nucléaire » a fait savoir qu’il détenait un document « confidentiel défense » de la plus grande importance : issu d’EDF, ce document reconnaît que, contrairement à la thèse officielle, le futur réacteur nucléaire EPR n’est pas conçu pour résister à un crash suicide.
Pendant près de trois ans, malgré divers articles dans la presse nationale, l’affaire n’a pas fait le bruit qu’elle méritait : il s’agit tout simplement de l’avenir du nucléaire français. En effet, s’il est construit, l’EPR sera le premier réacteur « post 11 septembre 2001 » et, chacun le comprend bien, il est injustifiable qu’il ne résiste pas à un crash suicide.
Cette évidence a d’ailleurs été bien perçue par les autorités françaises et les industriels du nucléaire (Areva et EDF) qui ont décidé de cacher la vérité aux citoyens. Parmi de nombreux exemples, on peut citer la déclaration de Mme Lauvergeon (PDG d’Areva) le 9 juillet 2005 lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence consacrées au terrorisme : « Le réacteur EPR a été conçu pour résister à tout, y compris les chutes d’avion ». Or, le fameux document Confidentiel défense d’EDF reconnaît que « les hypothèses relatives à l’impact [d’un avion] doivent assurer une couverture « raisonnable » du risque et ne peuvent prétendre couvrir toutes les éventualités ». L’aveu est clair et sans appel.
On trouve aussi dans ce document des raisonnements biscornus comme « Compte-tenu qu’une centrale nucléaire ne forme pas un très grosse cible et qu’elle est nettement moins haute qu’un immeuble de grande hauteur, il est sans doute assez difficile pour un pilote non chevronné de viser très précisément une zone sensible ». C’est fort peu convaincant d’autant que, le 11 septembre 2001, ces pilotes « non chevronnés » ont malheureusement prouvé qu’ils étaient capables de véritables prouesses.
Mieux : « Un impact en vol horizontal stabilisé supposerait un vol a très basse altitude à peu près impossible à envisager sauf peut-être pour certains sites en bord de mer ». Or, l’EPR est justement prévu pour être installé en bord de mer. (*)
Depuis bientôt trois ans, le Réseau « Sorti du nucléaire » brandissait obstinément ce document qui montre que, derrière le « secret défense », se trouve un véritable mensonge d’Etat. L’affaire vient de bénéficier d’un important coup d’accélérateur grâce à l’intervention impromptue, mardi 16 juin 2006, de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Qu’elle en soit remerciée.
Malgré un interrogatoire d’une durée de 15h, la confiscation de nombreux documents, de disques durs et autres CD, les pouvoirs publics n’ont pas de réponse à la question qui les préoccupe : « Qui, à EDF, a procuré des informations au Réseau Sortir du nucléaire ? ».
Face à ce qui ressemble bien à une tentative d’intimidation par l’envoi de la DST, le mouvement antinucléaire a réagi promptement par la publication in extenso du document Confidentiel défense sur les sites web du Réseau « Sortir du nucléaire », de Greenpeace, de parlementaires et de diverses associations en France et à l’étranger.
Nous tenons à bien préciser que, par cette action de désobéissance citoyenne, nous ne mettons personne en danger puisque l’EPR n’existe pour le moment que sur le papier. Pour que les terroristes potentiels ne puissent mettre à profit les informations désormais publiques, il suffit donc... de ne pas construire l’EPR !
Nous l’affirmons haut et fort en direction des pouvoirs publics, la seule décision à prendre n’est pas de pourchasser les militants antinucléaires et leurs informateurs, mais bien d’annuler le projet EPR. Nous ajoutons qu’il faut aussi programmer immédiatement une sortie du nucléaire la plus rapide possible. Car, ne l’oublions pas, les 58 réacteurs nucléaires qui jonchent le territoire français ne sont pas non plus conçus pour résister au crash d’un avion.
Qui plus est, sur d’autres questions fondamentales, l’industrie nucléaire continue de nous mener... en bateau. En effet, contrairement à ce que l’on nous raconte ici où là, force est de constater que, malgré ses 58 réacteurs nucléaires, la France est frappée par :
le réchauffement climatique : la canicule 2003 et la sécheresse désormais chronique sont là pour en attester.
l’explosion de la facture énergétique : +35% en 2005, sûrement bien plus en 2006
A cela, il faut ajouter la propre facture du nucléaire qui va elle aussi être explosive, ne serait-ce que pour le démantèlement des centrales et la gestion (sans solution) des déchets radioactifs.
Pour sauver la planète et, tant qu’à faire, l’avenir du pays, chacun sait bien qu’il faut arrêter de chercher d’illusoires solutions (comme la fusion nucléaire) qui permettraient de continuer à surconsommer et gaspiller l’énergie. Comme l’a reconnu le Président de la République à Johannesburg lors du Sommet de la Terre, si nous continuons ainsi, il nous faudra trois planètes pour y puiser des ressources naturelles. Mais ne suivons pas l’exemple du Président qui a continué à agir à l’opposé exact de ses propres préconisations, en particulier en soutenant les activités injustifiables de lobbies comme ceux du nucléaire, du transport routier, de l’agriculture productiviste, etc.
Il nous faut certes développer massivement les énergies renouvelables, mais la priorité est de réduire de façon considérable notre consommation énergétique. Cela peut d’ailleurs se faire à confort égal, et même en améliorant la qualité de la vie. Par exemple en démultipliant le habitations dites « passives » qui ne nécessitent pas d’être reliées au réseau électrique. Et en interdisant le transport de marchandises sur des milliers de kilomètres : c’est la « relocalisation de l’économie ». Utopique ? Sûrement pas : c’est même la seule option réaliste...
Stéphane Lhomme, Porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire »
(*) En effet, ce réacteur nécessite de très grandes quantités d’eau pour assurer son refroidissement or, avec le réchauffement climatique, il n’y a plus assez d’eau dans les rivières plusieurs mois par an.