Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
J’aimerais tout d’abord remercier le Parti Humaniste de m’avoir invité à introduire le débat de ce soir sur cette tâche urgente du temps présent : le désarmement nucléaire. Il n’est pas courant qu’un parti politique français aborde la question et la soulève publiquement. C’est à ma connaissance la première fois depuis plusieurs lustres. En faire son objectif politique prioritaire, cela ne s’est même jamais vu.
La force de frappe, secrètement préparée par les gouvernements de la IVe République qui s’étaient succédé depuis la création du Commissariat à l’Energie Atomique par le gouvernement du général de Gaulle fin 1945, est devenue une réalité sous la Ve République, au début des années soixante, après le retour du général au pouvoir et par sa volonté. Elle fut alors contestée, surtout à gauche ; elle a pratiquement cessé de l’être depuis au moins deux décennies, un « consensus » sur la dissuasion nucléaire étant censé régner dans la classe politique comme dans la population française.
En réalité, ce consensus ne peut se perpétuer qu’à condition de ne pas parler des fondements de la dissuasion nucléaire, de son coût, de ses dangers et de ses incohérences. Mais c’est justement ce que nous allons faire ce soir, et j’espère que, s’il y a parmi vous des adeptes de l’arme nucléaire, ils repartiront d’ici avec des convictions pour le moins vacillantes.
J’aimerais en second lieu préciser le sens de ma participation à ce débat. Pas plus que d’aucun autre parti, je ne suis membre du Parti Humaniste, même si j’apprécie ses valeurs et ses objectifs, sans pour autant approuver tout son programme. Je ne suis donc pas là pour lui apporter un soutien électoral, encore moins une caution morale si jamais il était, comme je l’ai entendu dire hier soir sur une chaîne de télévision d’Etat, une secte. Le désarmement nucléaire ne serait-il pour lui qu’un moyen de manipuler les esprits, de recueillir des voix et de collecter des fonds ? Etant un esprit horriblement rationnel, j’attends qu’on m’en apporte la preuve. En attendant, je constate que son candidat à la présidentielle, Alain Ducq, est le seul à avoir introduit auprès du Conseil Constitutionnel, comme je l’avais fait moi-même en 2002, un recours contre les candidats ayant annoncé qu’ils ne respecteraient pas l’article VI du TNP, en stricte contradiction avec l’articleV de la Constitution française. Où est la manipulation ?
Je représente donc ici, simplement, l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, ACDN, association fondée selon la loi de 1901 avec quelques amis il y a onze ans, en mai 1996. Dix ans plus tôt, en janvier 1986, j’avais entendu Mikhaïl Gorbatchev, qui disposait alors de l’un des deux grands arsenaux nucléaires, lancer un étrange appel : « Plus aucune arme nucléaire d’ici l’an 2000 ! ». Mot d’ordre si surprenant qu’il m’a jeté dans l’étude de la dissuasion, de l’armement et du désarmement nucléaires. La question est devenue le principal objet de ma thèse de philosophie, dont il m’a fallu changer radicalement le titre et le sujet. Depuis cette date -il y a donc 21 ans- elle n’a plus cessé de hanter mes jours et mes nuits.
Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est de sa solution que dépend la survie de l’espèce humaine et la possibilité pour cette dernière de résoudre d’autres problèmes majeurs comme la dégradation du climat, la pollution de la nature, l’alimentation et la santé d’une population qui prolifère, et bien sûr, la persistance des guerres ou l’émergence du terrorisme.
Pour vous en convaincre, je dispose d’un quart d’heure. Comment faire pour réfuter en si peu de temps plus de six décennies de matraquage idéologique permanent, qui nous expliquait et continue de nous expliquer que, sans la bombe atomique, sans la terreur salutaire qu’elle inspire, le monde aurait déjà connu ou connaîtra demain une troisième guerre mondiale ? Oui, comment faire ?
J’ai retourné la question et finalement je pense avoir trouvé la solution : c’est de vous lire la lettre ouverte adressée le 5 avril dernier aux candidates et candidats à la présidence de la République et au PC Jupiter. (Si vous ignorez ce qu’est le PC Jupiter, vous allez vite le comprendre.) L’un des candidats au moins semble m’avoir lu, puisqu’il m’a répondu le 18 avril par une lettre de trois pages. C’est justement lui qui a obtenu ensuite le bail pour la résidence jupitérienne. Après avoir entendu ma lettre, vous en saurez donc autant que notre nouveau président de la République. Si vous souhaitez lire la réponse de Nicolas Sarkozy, il vous suffira de vous rendre sur le site Internet d’ACDN.
Lisons donc cette lettre aux candidats à la présidence de la République française...
Vous le voyez, chers amis :
Cette lettre ne s’adressait pas seulement aux candidats d’hier - ni à ceux de demain. Elle s’adresse en fait à tous les citoyens français, européens, à toutes celles et ceux qui se considèrent comme citoyens du monde. Elle s’adresse donc à vous.
Je suis sûr qu’après avoir écouté Jan Tamas et Eric Bastin, nous trouverons ensemble dans la situation actuelle encore plus de raisons de conclure que le désarmement nucléaire est bien une urgence absolue : avec les nouvelles doctrines d’emploi d’armes nucléaires (dites miniaturisées), avec la prolifération nucléaire (effective ou imminente), avec la tentation de guerres préventives, elles-mêmes pouvant être nucléaires (contre l’Iran par exemple), avec les risques de terrorisme nucléaire, avec le déséquilibre introduit par le bouclier antimissiles américain et la menace de retour à la guerre froide, avec dans ce cas le reciblage des villes d’Europe occidentale par les missiles russes, etc.
Autant de raisons, et j’en passe, d’agir pour exiger une initiative rapide de la France en faveur d’un désarmement nucléaire général. Là-dessus, j’aurais bien des propositions à faire. Mais je dois passer la parole à Jan Tamas. Je vous remercie de votre attention.
Paris, le 7 juin 2007