Les riverains ont obtenu un répit, en attendant la fin des recours
Aucune expulsion n’aura lieu à Notre-Dame-des-Landes pendant au moins deux ans et demi. Telle est la conséquence de 5 arrêts de la Cour de cassation, rendus le 29 janvier, qui mettent le dossier en attente jusqu’à la fin des autres recours.
Les pelleteuses envoyées par Vinci vont devoir retourner au garage. Dans la bataille qui oppose les riverains aux promoteurs du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, plusieurs propriétaires et exploitants agricoles ont emporté une victoire, le 29 janvier, sur le terrain juridique.
Les propriétaires demandaient à la plus haute juridiction judiciaire de se prononcer contre les ordonnances d’expropriation prononcées un an plus tôt, le 18 janvier 2012. Leur argument est procédural : ces ordonnances ne peuvent être valables tant que le juge administratif n’a pas confirmé la légalité des arrêtés antérieurs de cessibilité (arrêtés préfectoraux du 13 septembre 2011 listant les parcelles expropriables). Autrement dit, « si on fait tomber l’arrêté de cessibilité, l’ordonnance d’expropriation est privée de sa base légale », détaille l’avocat Etienne Boittin, du cabinet Avocatlantic.
De son côté, la société AGO (Aéroports du Grand-Ouest), concessionnaire du projet (1), souhaitait le rejet immédiat du pourvoi, sans attendre la fin des recours administratifs.
Les juges de la 3e Chambre civile ont donné raison aux propriétaires en décidant de ne rien décider. En clair, ils mettent le dossier en attente jusqu’à ce que les juridictions administratives se soient prononcées. Où en est le recours ? Le tribunal administratif ayant rejeté l’annulation, le 20 décembre 2012, le recours en appel va être formé dès la semaine prochaine devant la cour administrative d’appel de Nantes (entre 12 et 18 mois d’attente). Selon sa décision, il sera encore possible de saisir le Conseil d’Etat (encore 12 mois), puis la Cour de cassation devra reprogrammer l’examen du dossier (encore 6 à 12 mois). Résultat, cette juridiction ne se prononcera pas avant deux ans et demi, selon les avocats, qui saluent une victoire des expropriés contre « la volonté de Vinci de passer en force sans laisser le temps aux juridictions de se prononcer ».
Deuxième conséquence : il ne pourra y avoir aucune expulsion jusqu’au terme de cette procédure, conformément à l’accord signé le 8 mai 2012 par le président Hollande (voir JDLE).
Pour autant, la bataille juridique est encore loin de son dénouement. La justice doit encore se prononcer sur au moins 5 recours : contre le refus de François Fillon -alors Premier ministre- d’abroger la déclaration d’utilité publique (DUP) prononcée le 9 février 2008, contre les jugements et ordonnances fixant les indemnités d’expropriation (cour d’appel de Rennes et Cour de cassation), contre le décret de création du comité de suivi stratégique de la concession (2) (Conseil d’Etat), pour non-respect des directives européennes (Commission des pétitions du Parlement européen) et non-respect du droit à un procès équitable (Cour européenne des droits de l’homme).
L’avocat Etienne Boittin précise qu’entre 7 et 8 nouvelles procédures devraient être déposées dans un délai d’un à six mois, avec le Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CeDpa) et l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa). « La loi sur l’eau nous offre plusieurs perspectives de recours, notamment des questions préjudicielles devant la Cour de justice de l’UE ou des questions prioritaires de constitutionnalité », précise-t-il.
Autant de nouvelles juridiques qui n’arrangent pas les affaires du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, fervent défenseur du projet, déjà sous le coup d’un déboire politico-médiatique lié aux déclarations de Nicolas Hulot, le tout nouveau « envoyé spécial du chef de l’Etat pour la préservation de la planète », dans l’Express du 31 janvier. Selon lui, François Hollande serait « embarrassé ». « Concernant la pertinence du projet, je ne suis pas certain que le président en soit convaincu, mais il ne peut pas désavouer son Premier ministre », affirme-t-il.
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(1)selon le contrat de concession signé entre l’Etat et le groupe Vinci le 30 décembre 2010
(2)décret du 5 avril 2012