1. Qu’elle prenne la forme d’armements ou celle de réacteurs de puissance, l’énergie nucléaire est inacceptable en raison des dangers intrinsèques et incommensurables que ces deux formes impliquent, en termes de destruction brutale ou de radiations mortifères et tératologiques, pour les générations actuelles et futures, l’humanité, la planète, la vie.
2. Elle est aussi inacceptable parce qu’elle érige le principe de la domination sans limite en prototype des relations entre Etats, sociétés, catégories sociales et individus, et des rapports entre l’humanité et la nature, avec pour ultime horizon l’anéantissement de l’Autre, Etat, peuple, nation, société, nature.
3. Elle est enfin inacceptable parce qu’elle détourne et dévore des moyens matériels, intellectuels, humains et financiers qui pourraient et devraient être employés à relever les immenses défis environnementaux, énergétiques, économiques, alimentaires, démographiques, éducatifs, culturels et sociaux auxquels l’énergie nucléaire n’apporte aucune solution et auxquels l’humanité doit faire face d’urgence en unissant tous ses efforts - efforts dont les armes nucléaires pourraient à tout moment réduire à néant les résultats.
4. En conséquence, pour la survie de l’humanité et de chaque être humain, la planète doit être débarrassée dans les plus brefs délais de l’énergie nucléaire sous ses deux formes - elle doit être dénucléarisée.
5. Historiquement, la finalité militaire est à l’origine du développement de l’énergie nucléaire, tant civile que militaire. Politiquement, la conservation ou l’acquisition d’armes nucléaires reste la première motivation, d’ordinaire camouflée, de la conservation ou du développement de l’énergie nucléaire civile.
6. La responsabilité de cet état de fait incombe aux Etats modernes détenteurs d’armes nucléaires, armes qui sont des instruments de crime contre l’humanité, comme l’a proclamé l’Assemblée générale de l’ONU dans sa Résolution 1653 XVI du 24 novembre 1961. Ils se refusent à les condamner au même titre que les autres armes de massacres (dites « de destruction massive »), biologiques et chimiques, parce que ce sont surtout à leurs yeux des armes de prestige et de domination politique.
7. Pour mettre un terme à cet état de fait, il faut priver les Etats dotés d’armes nucléaires (EDAN) de leurs armes nucléaires et imposer aux Etats non dotés (ENDAN) d’y renoncer définitivement en interdisant ces armes, le tout sous un contrôle mutuel et international strict et efficace.
8. Ce double objectif ne peut être atteint que par un traité universel d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, ou traité d’abolition.
9. Le Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) ne peut y satisfaire car
a. Depuis son entrée en vigueur en 1970, son article 6 relatif à l’obligation pour les EDAN d’éliminer les arsenaux nucléaires existants est resté lettre morte ;
b. Le « droit à l’énergie nucléaire » reconnu aux ENDAN a permis à plusieurs pays, dans ou hors TNP, de s’approprier cette énergie à des fins militaires et de fabriquer des bombes A ou H ;
c. La possibilité de passer d’un usage civil à un usage militaire est inscrite dans la nature même de la technologie et des matériaux nucléaires ;
d. L’usage civil est, en soi et par soi, comme l’ont prouvé Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, une source permanente de catastrophes, qu’il convient de tarir au plus vite en fermant les centrales.
10. L’expérience des décennies passées prouve que les EDAN parties au TNP (USA, Russie, Royaume-Uni, France et Chine) ne renonceront pas spontanément à leurs armes nucléaires ; il faut les y contraindre.
11. Les Etats nucléaires qui ne sont pas parties au TNP (Israël, Inde, Pakistan) ou n’en sont plus partie (Corée du Nord) n’y renonceront pas non plus, si les EDAN n’y renoncent pas.
12. En revanche, les ENDAN, dans leur grande majorité, veulent depuis 2015 un traité d’interdiction des armes nucléaires ; mais sans une vaste mobilisation des peuples à l’échelle mondiale, ils ne parviendront pas à l’imposer aux EDAN, pas plus qu’ils n’ont pu les obliger à négocier l’élimination de leurs armes sous le régime du TNP.
13. De tous les EDAN parties au TNP, la France est le plus farouchement attaché à ses armes nucléaires - « assurance-vie de la nation » selon ses présidents- et le seul Etat à n’avoir jamais déclaré, même verbalement, sa volonté ou son désir d’y renoncer. Elle est à la fois le frein empêchant les autres EDAN de désarmer, et leur alibi.
14. Ainsi, amener la France à vouloir négocier l’élimination de ses armes nucléaires dans le cadre d’un traité d’abolition et à exprimer cette volonté, c’est
a. Ouvrir la voie à un désarmement nucléaire universel et se diriger vers un monde sans armes nucléaires ;
b. Supprimer la principale motivation au développement de l’industrie nucléaire civile, assécher son financement étatique sans lequel elle ne pourra pas longtemps survivre, et se diriger vers un monde sans centrales nucléaires.
15. C’est de cette décision politique centrale que dépend le renoncement aux produits finaux (systèmes d’armes et réacteurs de puissance) de la politique conduite jusqu’à présent par la France, même si les déboires ou le coût exorbitant des produits en question peuvent aider à prendre cette décision, ou un échec y contribuer.
16. On ne peut compter sur le Président de la République, actuel ou à venir, pour la prendre, tant qu’il restera le soutien, l’otage ou l’émanation des lobbies nucléaire et militaro-industriel.
17. Seul le peuple français, souverain en première comme en dernière instance, peut imposer ce changement de cap. Il y est disposé, comme l’ont indiqué plusieurs sondages depuis 2008. Selon le dernier en date, conduit par l‘IFOP en octobre 2015, en dépit des relents de guerre froide, trois Français sur quatre veulent abolir l’arme nucléaire, trois sur quatre veulent être consultés par référendum sur ce sujet, trois sur quatre sont prêts à soutenir une proposition de loi référendaire (27 % « certainement », 47 % « probablement »). Ce résultat met en évidence le gouffre séparant la population française de la politique menée en son nom par ses dirigeants, et le déficit de démocratie qui gangrène la vie publique et doit être comblé, en ce domaine comme en d’autres.
18. La constitution de la Ve République en offre la possibilité aux citoyens, par le biais du « référendum d’initiative partagée » introduit en 2008 et jamais encore tenté à ce jour. Il faut pour cela qu’un cinquième des parlementaires (185 députés ou sénateurs sur 925) formulent une proposition de loi à laquelle un dixième du corps électoral (environ 4,6 millions d’électeurs inscrits) devront ensuite apporter en 9 mois leur soutien par voie électronique.
19. Même s’il est vrai qu’un sondage ne garantit rien, il est raisonnable de penser que cet objectif, malgré sa difficulté, est accessible, sous réserve que les militants antinucléaires et ceux des droits de l’Homme sachent unir leurs forces et s’organiser pour mobiliser le nombre requis de parlementaires et d’électeurs.
20. Convaincus qu’un peuple ne peut être rendu complice de la préparation d’un crime contre l’humanité sans avoir jamais été consulté sur une politique dite de défense, en réalité aussi suicidaire que criminelle –la seule façon efficace de se protéger des armes nucléaires étant de les éliminer -, des parlementaires ont d’ores et déjà manifesté leur accord avec une loi organisant un référendum sur la question formulée ci-après.
Conclusion : Appel à référendum
Nous appelons les parlementaires et tous les citoyens Français soucieux des droits de l’Homme, désireux de vivre dans un monde vivable, et attachés aux valeurs démocratiques, à unir leurs efforts dès janvier 2016 pour obtenir au plus vite la tenue d’un référendum sur la question suivante :
« Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
Lors des élections présidentielle et législatives de 2017, nous appellerons les électeurs à demander à tous les candidats et candidates de répondre clairement à cette question, et à ne pas voter pour celles ou ceux qui n’inscriraient pas expressément dans leur programme électoral la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires.