En quoi le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) peut-il contribuer à abolir les armes nucléaires ? Pour le savoir, les approximations ne suffisent pas. Une analyse rigoureuse s’avère nécessaire. Le traité entrera en vigueur le 22 janvier 2021. Il souligne l’urgence du désarmement nucléaire et stigmatise les armes nucléaires. Mais il présente de graves défauts, qui permettent aux Etats dotés de ces armes d’échapper à leur interdiction comme à leur élimination. Pour rendre effective cette interdiction, il faudrait d’une part amender le TIAN, d’autre part obliger les Etats nucléaires à se réunir pour négocier un désarmement multilatéral, auquel cinq d’entre eux sont tenus par l’article 6 du Traité de Non-Prolifération (TNP) qu’ils ont signé mais ne respectent pas. C’est aux peuples du monde entier d’imposer ces négociations aux gouvernements des pays concernés. La France en fait partie et les citoyens français peuvent l’amener à en prendre l’initiative : par la voie du référendum d’initiative partagée (RIP). ***
Adopté à l’ONU le 7 juillet 2017 par 122 États non nucléaires, ouvert à la signature le 20 septembre 2017, le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) a reçu, le 24 octobre 2020, sa 50e ratification, condition nécessaire pour qu’il entre en vigueur 90 jours plus tard - le 22 janvier 2021.
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Une longue attente, un long combat
Enfin l’interdiction ! Mais laquelle ?
Une étrange et regrettable lacune
Unilatéral versus multilatéral
Une contradiction majeure
L’avis de la Cour Internationale de Justice
Un risque de démantèlement
Une leçon perdue
Un "droit inaliénable" ?
Au-delà de l’interdiction, l’abolition
La voix des peuples
La voie française
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Une longue attente, un long combat
Le TIAN résulte de la mobilisation conjointe de nombreuses ONG nationales et internationales, réunies à partir de 2007 dans la Campagne Internationale pour Abolir les armes Nucléaires (ICAN), et d’un certain nombre d’Etats non dotés d’armes nucléaires (ENDAN) signataires du Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP), entré en vigueur en 1970. Ces Etats non dotés, qui respectaient leur engagement de ne pas se procurer ces armes, en ont eu assez de voir que les Etats Dotés d’Armes Nucléaires (EDAN), eux, ne respectaient pas leur obligation, énoncée à l’article 6 du TNP, de poursuivre de bonne foi et de faire aboutir des négociations sur un traité de désarmement nucléaire général et complet, sous un contrôle international strict et efficace. (1)
Enfin l’interdiction ! Mais laquelle ?
On peut se féliciter qu’après 75 ans de prolifération, un traité stigmatise enfin les armes nucléaires, au même titre que les autres armes de destruction massive, biologiques et chimiques. Son objectif déclaré est d’en débarrasser la planète. Lorsqu’il entrera en vigueur, toutes les parties qui l’auront ratifié, de même que celles qui y adhéreront par la suite, s’interdiront de mettre au point, tester, produire, acquérir, posséder, vendre, transférer, héberger, stocker, utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires.
Toutes ces interdictions sont pertinentes. Elles n’ont qu’un défaut : les Etats qui possèdent des armes nucléaires, premiers concernés, leur échappent. Il est donc faux de dire que le traité rend illégales les armes nucléaires. Il les rend telles pour les Etats qui l’auront signé et ratifié. Pas pour les autres. Or, aucun des 9 États actuellement dotés d’armes nucléaires n’a émis l’intention de le signer.
Pire : la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, après avoir boycotté la négociation, ont déclaré dès le 7 juillet 2017 qu’ils ne le signeraient jamais et que le TIAN ne les concernerait en aucun cas. En 2018, la Russie et la Chine les ont rejoints. C’est donc "le P5" au grand complet qui fait bloc contre le TIAN. Voilà qui n’encouragera pas non plus les 4 Etats officieusement dotés (Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord) à rejoindre le traité. (2)
Ainsi, le TIAN interdira bien les armes nucléaires, mais seulement à des Etats qui n’en ont pas et qui se les sont déjà interdites en adhérant au TNP. Il faut le reconnaître : du seul point de vue de leur interdiction -sans même parler de leur élimination- le TIAN, en l’état, ne sert à rien.
Sauf à deux choses assurément très importantes : les stigmatiser et en faire parler. Parlons-en donc.
Une étrange et regrettable lacune
Pour commencer, le TIAN détaille les effets catastrophiques d’explosions nucléaires et énumère toutes les raisons que l’on a de vouloir l’interdiction et l’élimination complète des armes nucléaires. Toutes sauf une : ce sont des instruments de crime contre l’humanité. L’Assemblée générale de l’Onu l’avait expressément dit dans sa résolution 1653 XVI du 24 novembre 1961 : « tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation. »
Malheureusement, le TIAN ne dit rien de tel et ne cite ni ne mentionne cette résolution.
Et quand il évoque les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki (sans prononcer leurs noms), c’est pour affirmer le droit des hibakusha, des survivants, à obtenir soutien et réparation, de même que les victimes des essais nucléaires. Mais il ne dit rien des centaines de milliers de morts que firent les deux bombes. Alain Peyrefitte avait osé poser la question au général de Gaulle à l’issue du Conseil des Ministres du 4 mai 1962 : « Des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d’autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces, n’est-ce pas ce qu’on appelle un crime contre l’humanité ? » Le TIAN, lui, n’en parle même pas. Pourquoi ?
Ce silence étonnant n’est pas sans conséquences juridiques. Car si le TIAN avait explicitement désigné les armes nucléaires comme étant des instruments de crime contre l’humanité, leur interdiction serait devenue ipso facto une norme coutumière du "droit général", qui impose le respect des "droits fondamentaux". De ce fait, le TIAN serait devenu un "instrument juridique légalement contraignant" pour tous les Etats sans exception, y compris ceux qui ne l’auront pas signé. C’est d’ailleurs parce qu’ils étaient parfaitement conscients de ce risque et entendaient bien s’en prémunir que les EDAN ont annoncé leur refus de se considérer concernés en quoi que ce soit par les conséquences du TIAN. Il est paradoxal que les ENDAN n’aient pas pensé de leur côté à mettre en place au sein même du traité les conditions requises pour rendre universelle son application. Ils ont fait le contraire.
Petit rappel historique. Dans son avis consultatif remis à l’ONU le 8 juillet 1996, la Cour Internationale de Justice (CIJ) avait jugé (Point E, « par 7 voix contre 7, par la voix prépondérante du président ») que « la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés, et spécialement aux principes et règles du droit humanitaire », mais que « au vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause. »
Si le TIAN -instrument juridique inexistant en 1996- avait repris à son compte les termes de la résolution 1653 XVI et caractérisé les armes nucléaires comme étant des instruments de crime contre l’humanité, la Cour Internationale de Justice, consultée à nouveau (à l’initiative d’Etats parties au TIAN ou même d’Etats opposés au TIAN), aurait été conduite à conclure que « au vu de l’état actuel du droit international », ces armes sont bien interdites d’emploi en toute circonstance, sans aucune exception, définitivement et pour tout le monde. La menace d’emploi sur laquelle repose la présumée "dissuasion nucléaire" étant par là-même interdite, les Etats dotés d’armes nucléaires, en s’appropriant ces armes et en les conservant, seraient d’ores et déjà mis "au ban de l’humanité".
Cette voie juridique mériterait sans doute d’être explorée aujourd’hui encore, et peut-être tentée. Mais le risque existe que la CIJ ne change pas sa conclusion de 1996, faute de référence au crime contre l’humanité dans le texte du TIAN, mais aussi pour un autre motif encore plus important, dont il sera question plus loin.
Unilatéral versus multilatéral
On peut déplorer l’attitude actuelle des EDAN. Mais faut-il s’en étonner ? Le traité n’offre aux Etats dotés aucune autre perspective que celle de désarmer chacun séparément, soit avant, soit après avoir adhéré au traité. Or, comment imaginer, par exemple, que le Pakistan veuille renoncer à ses armes nucléaires sans que l’Inde en fasse autant - et vice-versa ? En fait, seule la perspective d’un désarmement multilatéral aurait quelque chance d’amener les Etats nucléaires ou plusieurs d’entre eux à changer de politique. Les EDAN auraient pu faire entendre ce point de vue parfaitement recevable si seulement ils avaient pris part aux négociations de New York. Si le TIAN ne propose aucune avancée concrète en matière de désarmement multilatéral, c’est donc en grande partie de leur faute - une faute intentionnelle car, en vérité, leur boycott visait avant tout à éviter un désarmement nucléaire, quel qu’il soit, qui les acculerait à renoncer à leurs propres armes.
Mais les Etats non dotés sont également fautifs, car ils n’auraient pas dû perdre de vue la mission qui leur avait été précisément confiée par la Résolution L41, adoptée par l’Assemblée générale de l’Onu en décembre 2016 : "faire progresser les négociations en vue d’un désarmement nucléaire multilatéral et complet".
De ce point de vue, le traité a failli à sa mission. Pour des raisons sur lesquelles nous ne nous appesantirons pas, il a clairement raté son but.
Une contradiction majeure
Le traité a un autre défaut encore plus grave : il est contradictoire. Il exige en effet de ses parties l’engagement "irréversible" de respecter toutes ses interdictions. Mais il les autorise ensuite à se retirer du traité, sur simple "préavis" d’un an : « Chaque État Partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, a le droit de se retirer du présent Traité s’il décide que des événements extraordinaires, en rapport avec l’objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays. Il doit alors notifier ce retrait au Dépositaire. Ladite notification doit contenir un exposé des événements extraordinaires dont l’État en question considère qu’ils ont compromis ses intérêts suprêmes » (Article 17, al. 2). Ce retrait est de droit, les autres Parties ne pouvant s’y opposer ni même en discuter.
C’est admettre que la "souveraineté nationale" prime sur tout le reste.
Que le renoncement d’un Etat aux armes nucléaires n’est pas si irréversible que ça.
Que ses "intérêts suprêmes" peuvent l’autoriser, en définitive, à faire n’importe quoi, y compris commettre un crime contre l’humanité.
Admettre qu’il peut exister des circonstances autorisant l’emploi ou la menace d’emploi des armes nucléaires.
Et que, dans de telles circonstances, la possession d’armes nucléaires pourrait être utile et efficace.
C’est donc donner raison à la "stratégie" dite de "dissuasion nucléaire", que le TIAN entend pourtant rejeter en interdisant la menace d’emploi.
C’est par là même fournir à la CIJ un second motif, essentiel, de douter que l’emploi ou la menace d’emploi soient illicites en toute circonstance. Et donc, là encore, c’est rater l’occasion de rendre ces armes totalement et définitivement illégales.
Enfin, c’est préparer l’implosion du TIAN à la première crise, car le retrait d’une seule partie, à plus forte raison s’il s’agit d’un ancien Etat doté ou d’un "Etat du seuil", suffirait à justifier le retrait de toutes les autres. Comme on va le voir ci-après.
Cette contradiction intrinsèque est donc d’une extrême gravité. Il serait essentiel de la faire disparaître du traité.
C’est d’ailleurs ce que ICAN a fait sans le dire le jour même où le traité était voté. Le 7 juillet 2017, ICAN a fait lire à tour de rôle par de nombreuses figures du mouvement international tous les articles du traité. Comme les autres, l’article 17 a été lu - mais seulement son bref paragraphe 1, qui porte sur la durée illimitée du traité, pas les paragraphes 2 et 3 portant sur le droit de retrait, qui ont été "sautés". (3)
Mais ce n’est pas en escamotant les éléments gênants d’un traité qu’on les fait disparaître du traité. Ils sont là, ils y restent tant que le traité n’est pas amendé, ils engagent toutes les Parties, et toutes les parties peuvent s’en prévaloir.
L’avis de la Cour Internationale de Justice
Commentant en 1996 l’avis de la CIJ auquel il avait lui-même contribué, le juge français M. Guillaume, l’un des 14 juges de la CIJ, en déduisait que, par cet avis, la Cour avait reconnu que « dans ces circonstances extrêmes, (…) le droit ne fournit aucun guide aux Etats. Mais si le droit est muet dans ce cas, les Etats, dans l’exercice de leur souveraineté, demeurent libres d’agir comme ils l’entendent. Dès lors il résulte implicitement, mais nécessairement du paragraphe 2 E de l’avis de la Cour, que les Etats peuvent recourir à ‘’la menace ou à l’emploi des armes nucléaires dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause’’. En reconnaissant un tel droit, la Cour a reconnu par là-même la licéité des politiques de dissuasion. »
Par ce raisonnement imparable, il faut admettre qu’en accordant aujourd’hui pour les mêmes raisons un droit de retrait à ses Parties, le Traité d’interdiction a, lui aussi, « reconnu par là-même la licéité des politiques de dissuasion ». Aujourd’hui, en dépit du Traité, à cause de son article 17, la Cour risquerait fort de ne rien changer à sa conclusion. Nous n’avons pas progressé d’un iota dans la formulation des normes du droit international. Car c’est précisément pour ce type d’événements exceptionnels, "extraordinaires", que ces armes sont faites, à en croire les partisans de la dissuasion, notamment français. Le traité a beau dresser par ailleurs un sévère réquisitoire contre l’emploi des armes et la menace dite dissuasive, le fait d’admettre que de telles circonstances puissent affranchir un Etat, pour assurer sa survie, de l’interdit qu’il a souscrit, leur suffit.
Dès lors, ils ne vont pas se presser d’y souscrire. Sauf peut-être -arrière-pensée ou calcul machiavélique qu’on ne peut pas totalement exclure- pour s’en retirer ensuite... et le démanteler de l’intérieur.
Un risque de démantèlement
En effet, selon la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, article 60 - Extinction d’un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa violation :
« 1. (...) 2) Une violation substantielle d’un traité multilatéral par l’une des parties autorise :
a) les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l’application du traité en totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci :
i) soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation,
ii) soit entre toutes les parties ;
b) une partie spécialement atteinte par la violation à invoquer celle-ci comme motif de suspension de l’application du traité en totalité ou en partie dans les relations entre elle-même et l’Etat auteur de la violation ;
c) toute partie autre que l’Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme motif pour suspendre l’application du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce traité est d’une nature telle qu’une violation substantielle de ses dispositions par une partie modifie radicalement la situation de chacune des parties quant à l’exécution ultérieure de ses obligations en vertu du traité.
3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est constituée par :
a) un rejet du traité non autorisé par la présente Convention ; ou
b) la violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité. » (4)
Le TIAN autorise bien, par son article 17, paragraphes 2 et 3, un Etat Partie à se retirer du traité - à le rejeter - "s’il décide que "des événements extraordinaires" compromettent ses "intérêts suprêmes". Le retrait d’une Partie ne constituerait donc pas, de ce point de vue, une "violation substantielle". Mais le respect "irréversible" et "à jamais" des interdictions du traité est par ailleurs et de toute évidence "une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité". Aucun doute possible : s’en retirer, c’est la violer. Donc toutes les parties au traité seront autorisées à quitter le traité si l’une d’elles le quitte. Tout particulièrement, bien sûr, une partie qui s’estimerait "spécialement atteinte par (ladite) violation".
Le TIAN est un cas unique de traité qui, dans le même article, exclut son extinction (§ 1) et met en place (§§ 2 et 3) les conditions de son propre démantèlement. Disons le mot : il est incohérent. Hélas.
Pourquoi et comment on en est arrivé là est un point d’histoire qui sera traité ailleurs. Une chose est sûre : la présence obsédante du TNP, l’invraisemblable révérence à son égard que les EDAN, pourtant physiquement absents, ont réussi à instiller dans l’esprit des participants à la conférence, tant diplomates que représentants de la "société civile", y est pour quelque chose.
Une leçon perdue
Dire que le TIAN est un cas unique de traité qui prépare son propre échec, voire son démantèlement comme nous le disions à l’instant, n’est pas tout à fait exact : le TNP lui-même en est un exemple, et c’est justement dans cet exemple que le TIAN cherche son inspiration.
En effet, adhérer à un traité, puis s’en retirer au moment que l’on juge opportun après avoir tiré les marrons du feu, c’est exactement ce qu’a fait la Corée du Nord vis-à-vis du TNP : elle a adhéré au traité, profité des facilités et même des encouragements qu’il lui offrait pour se procurer (auprès des Soviétiques, à des fins pacifiques, il va sans dire) la bonne et brave technologie nucléaire, elle a formé ses savants, ses ingénieurs, ses ouvriers, construit un réacteur de recherche plutonigène, fait fonctionner le réacteur, produit du plutonium, et en a détourné assez au nez et à la barbe de l’AIEA pour se fabriquer plusieurs bombes… et une fois que ce fut fait, elle a dit adieu au TNP !
Mais, dira-t-on, était-il donc possible de se retirer du traité ? Celui-ci n’avait-il pas interdit un tel retrait et prévu des sanctions en pareil cas ? N’est-ce pas ce qui explique les sanctions appliquées à la Corée du Nord ? Eh bien non, pas du tout. Le TNP n’avait prévu aucune espèce de sanction, ni en cas d’infraction aux engagements pris -le TIAN n’en prévoit pas non plus-, ni en cas de retrait. Au contraire, il avait expressément prévu la possibilité de se retirer du TNP pour une nation qui... qui "décide que des événements extraordinaires, en rapport avec l’objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays". Ce n’est pas une citation de l’article 17 du TIAN, mais de l’article X du TNP, dont le TIAN n’a rien fait d’autre qu’un copié-collé - à ceci près que le délai de préavis est passé de trois mois à un an ! (4)
En d’autres termes, loin de retenir les tristes leçons de l’histoire du TNP, le TIAN est allé y chercher de quoi reproduire son échec le plus cinglant, celui qui 50 ans après l’entrée en vigueur du TNP continue à plomber les relations internationales.
Une telle aberration était pourtant facile à éviter : il suffisait de ne rien dire du tout du droit de retrait. En pareil cas, sauf conditions particulières ne s’appliquant pas au cas présent, un traité est réputé, d’après la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, engager ses Parties définitivement.
Le plus étonnant est que, dans les derniers moments de la négociation du TIAN en juillet 2017, alors que justement la question du retrait devait être tranchée, la presque totalité des Etats participants étaient pour la suppression de l’article 17 (ex-article 18). ICAN aussi, d’ailleurs, mais cela avait été dit en trois lignes.
Un "droit inaliénable" ?
A l’égard du TNP, le TIAN n’’en est pas à un emprunt près. Dans son préambule, alinéa 21, il réaffirme « le droit inaliénable de tous les États Parties de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination », posé exactement dans les mêmes termes par le TNP au début de son article 4. Ce droit revient à légitimer tous les emplois de l’énergie nucléaire, excepté ceux qui sont ouvertement militaires. On sait pourtant que des liens très étroits unissent le "nucléaire civil" au nucléaire militaire, le premier servant de cheval de Troie (et de cache-sexe) au second. Ainsi, ce sont des réacteurs dits "de recherche" qui ont permis entre autres à la Corée du Nord (voir ci-dessus) et d’abord à Israël de se procurer le plutonium nécessaire à leurs armes nucléaires. De même, l’enrichissement de l’uranium naturel en U235 fissile, indispensable au combustible des centrales, peut se poursuivre jusqu’à fournir de l’uranium de qualité militaire. Cette éventualité était et demeure au coeur du dossier iranien, mais elle est valable partout.
Outre ces risques de détournement, les réacteurs électronucléaires - qui sont autant de « bombes dormantes » offertes aux attentats terroristes ou aux attaques d’un éventuel ennemi - contaminent quotidiennement, à doses cumulatives, le milieu naturel ; de la mine aux déchets, ils polluent la planète par la radioactivité ; ils lèguent aux générations futures l’insoluble problème des déchets ; ils réchauffent l’air, l’eau, et donc le climat, en y rejetant les deux-tiers de la chaleur qu’ils produisent ; ils créent une société hypercentralisée, autoritaire, antidémocratique, mensongère et manipulatrice, oppressive et policière ; ils font peser sur le vivant et sur l’humanité des dangers immenses, illustrés par Tchernobyl et Fukushima. Tout cela pour satisfaire au niveau mondial à peine 2% de la consommation énergétique finale (mais 17 % en France, record mondial).
Un traité concernant les armes nucléaires n’avait pas à se prononcer sur un tel droit. Pour ne pas froisser les pays adversaires des armes nucléaires mais adeptes du nucléaire civil, il lui suffisait de laisser au TNP le soin de propager ce prétendu "droit inaliénable" (et les Installations Nucléaires de Base qui vont avec). Quant à lui, il n’avait pas à en parler. Rien dans le TIAN n’oblige les Etats dotés de centrales nucléaires à y renoncer. Rien non plus n’aurait dû y obliger les Etats allergiques à la pollution radioactive à se prosterner devant un droit aussi discutable.
Voici ce qu’en disait le réseau "Abolition 2000", dédié à l’abolition des armes nucléaires, dans sa déclaration fondatrice de 1995 : « Il nous faut assumer le lien inextricable entre les usages pacifiques et militaires des technologies nucléaires et la menace qui pèse sur les générations futures du fait de la production et de l’usage de matériaux radioactifs à très longue durée de vie. Nous devons faire confiance à des techniques propres et sûres de production d’énergie renouvelable qui ne produisent pas de matériaux pour les armes de destruction massive et n’empoisonnent pas notre environnement pour des milliers de siècles. Nous avons un droit inaliénable non à l’énergie nucléaire mais à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes dans un monde libéré des armes nucléaires. »
Au-delà de l’interdiction, l’abolition
Pour tirer parti du TIAN malgré tous ses défauts, les États Parties devraient, si possible dès leur première réunion qui doit avoir lieu au plus tard un an après son entrée en vigueur, l’améliorer en lui apportant des amendements substantiels, visant à :
rappeler expressément que l’emploi d’armes nucléaires est un crime contre l’humanité, et les armes nucléaires, des instruments de crime contre l’humanité ;
supprimer les paragraphes 2 et 3 de l’article 17 (en gardant le paragraphe 1 : le traité a une durée illimitée) ;
supprimer dans son préambule la référence au "droit inaliénable" à l’énergie nucléaire ;
prévoir que l’adhésion d’un Etat doté puisse s’accompagner de négociations bi-, pluri- ou multilatérales avec d’autres Etats dotés et être liée à leur aboutissement ;
inviter expressément l’ensemble des Etats dotés, ceux qui hébergent les armes nucléaires d’un autre Etat et ceux qui en dépendent, à se réunir pour négocier une convention ou un traité planifiant leur élimination complète et dûment contrôlée. (5)
A défaut de procéder au plus vite à cette révision sans doute déchirante, le TIAN, en dépit de son entrée en vigueur, sera voué à une vaine attente (l’adhésion des Etats dotés), à l’instar du Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires qui depuis 1996 attend encore sa 44e ratification pour entrer en vigueur. Ou, pire encore, il sera voué au destin tragique de ces machines internationales vidées de leur substance, incapables de remplir leur mission, telle la SDN qui s’est disloquée avant de conduire les nations d’une guerre mondiale à l’autre. Prenons garde que le TIAN ne devienne une tentative avortée de libérer la planète de ses armes nucléaires, et que son échec ne finisse par entraîner celui de l’ONU, voire la guerre atomique qu’il s’agit précisément d’éviter.
En d’autres termes, s’il veut avoir un sens concret et pas uniquement symbolique, le TIAN devra impérativement prévoir de s’intégrer dans un traité d’abolition plus vaste et plus inclusif, comprenant deux volets : d’un côté, l’interdiction universelle et inconditionnelle des armes nucléaires, qui peut être portée par le TIAN, et d’un autre côté, leur élimination non moins universelle, planifiée et dûment contrôlée, portée par une convention ou un traité d’élimination que tous les Etats dotés, parties ou non au TNP, devront préalablement négocier entre eux, avec leurs alliés respectifs, et si possible en lien avec les Etats parties au TIAN.
En outre, toutes ces interdictions et ces mesures d’élimination, donc aussi les négociations correspondantes, devront s’étendre aux "petites soeurs" des armes nucléaires : aux armes radioactives qui, telles les armes à Uranium Appauvri, affectent indistinctement la vie, la santé et le génome humains et sont de ce fait, elles aussi, des instruments de crime contre l’humanité. Il faut profiter du grand chantier de négociations qui peut et doit s’ouvrir devant nous, si l’on veut éviter l’apocalypse que nous annoncent les savants atomistes, pour débarrasser la planète de toutes ses armes de crime contre l’humanité. (6)
Enfin, sachant que toutes les armes sont potentiellement criminelles et entretiennent des foyers de tension et de guerre, un processus de réduction drastique des armes conventionnelles doit être engagé parallèlement, alors que leur nombre et leur commerce ne cessent d’augmenter. Il est d’ailleurs frappant de constater que les Etats Dotés d’Armes Nucléaires sont aussi les premiers vendeurs d’armes du monde, à l’exception de la Chine qui garde pour elle l’essentiel des armes qu’elle produit.
La voix des peuples
Seuls les peuples sont en mesure d’imposer cette politique à la coalition de forces qui mènent le monde aujourd’hui : une dizaine de gouvernements agrippés à leurs armes de massacre et plus ou moins soutenus par des Etats formant leur clientèle, et ces forces incroyablement puissantes que sont les lobbies militaro-industriels et nucléaires.
L’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN) en est convaincue depuis sa fondation en 1996 et préconise pour cette raison, entre autres moyens d’action, le recours au référendum là où il est possible, notamment en France, sur cette question cruciale. Les individus, les villes, les peuples sont les cibles des armes nucléaires. Sans avoir jamais été consultés, ils en sont aussi les financeurs. Ils ont donc leur mot à dire.
Le TIAN, une fois entré en vigueur et renforcé, comme on peut le présumer, par de nouvelles adhésions étatiques, contribuera sûrement à accentuer la pression morale, politique, voire bancaire, sur les gouvernements des EDAN. Mais il est hautement improbable que ceux-ci acceptent de le signer en l’état, c’est-à-dire consentent à désarmer unilatéralement, indépendamment les uns des autres. Quand bien même l’un d’entre eux le signerait, les autres ne le suivraient pas. De sorte que si la France, par exemple, renonçait seule à ses armes, elle laisserait subsister 98,5 % de la puissance destructrice des armes nucléaires existantes. Elle peut en revanche entraîner les autres EDAN, et plus largement les Etats dotés, dans un processus de désarmement multilatéral. C’est même pratiquement le seul usage sensé qu’elle puisse faire de ses armes : servir de monnaie d’échange à mettre sur une table de négociations. Pourquoi devrait-elle se priver de ce rôle ?
La voie française
En France, depuis le 1er janvier 2015, une nouvelle procédure référendaire est devenue possible : le Référendum d’Initiative Partagée (RIP). (7)
En décembre 2015, l’Assemblée Générale annuelle de l’Onu réunie à New York décide de convoquer à Genève, au cours de l’année 2016, un "groupe de travail à composition non limitée" (ouvert à tous les Etats, aux ONG et à la société civile), chargé de faire des propositions à l’AG 2016 pour faire avancer le désarmement nucléaire multilatéral.
Anticipant sur cette éventualité et soucieuse de pousser la France à y prendre part, ACDN soumet aux députés, dès janvier 2016, une Proposition de Loi visant à organiser un référendum d’initiative partagée (parlementaire et citoyenne) sur la question suivante :
« Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
Le 19 août 2016, le groupe de travail de l’Onu réuni à Genève adopte à une forte majorité une recommandation pour la prochaine AG de l’Onu : l’AG est invitée à convoquer en 2017 une conférence de négociation. C’est ce qu’elle fait en décembre 2016 (Résolution L41). La conférence se tiendra à New York en deux sessions, du 20 au 31 mars et du 15 juin au 7 juillet.
Début avril 2017, à la veille des élections qui vont renouveler le Parlement français, la proposition de loi référendaire émise par ACDN et soutenue initialement par 12 députés a recueilli 126 signatures de députés et sénateurs, soit les deux-tiers de ce qui était requis (185 signatures) pour franchir la première étape du RIP. Le référendum ne pourra donc pas avoir lieu.
Après l’élection du président Macron et d’une majorité écrasante de son parti à l’Assemblée nationale, la France poursuit sa politique d’armement nucléaire et continue à boycotter les négociations à l’Onu.
Le TIAN est adopté le 7 juillet 2017. Constatant à regret les failles du traité et son rejet catégorique par les EDAN, en particulier par la France, ACDN lance en janvier 2018 un Appel pour abolir les armes atomiques demandant aux EDAN d’appliquer l’article 6 du TNP et aux autres Etats dotés de les rejoindre. En mai, ACDN soumet aux membres du Parlement une nouvelle proposition de loi visant à organiser un référendum sur la question :
« Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des Etats concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
Les Français étant, selon un sondage de l’IFOP de mai 2018, 85 % à répondre OUI à cette question, il suffirait que 20 % des parlementaires leur donnent la parole pour ouvrir la voie à l’abolition des armes nucléaires en imposant une initiative diplomatique de la France en direction des autres Etats dotés.
Il existe plus d’un moyen de faire progresser la cause du désarmement nucléaire, et tous sont bons à prendre. Mais, concernant la France, le seul moyen à ce jour de l’amener à agir vraiment pour l’abolition des armes nucléaires, mis à part l’élection très improbable d’un président de la République qui en serait un partisan résolu, reste le référendum d’initiative partagée.
La proposition de loi a reçu à ce jour les signatures de 45 parlementaires appartenant à 14 groupes politiques différents. Il reste quelques mois pour convaincre 140 de leurs collègues de la signer. La tâche est ardue, mais pas impossible à réaliser. Elle nécessite une mobilisation active de citoyens, de personnalités et d’ONG. Bref, de ce qu’on appelle "la société civile".
Il est essentiel que l’objectif déclaré du TIAN devienne un objectif concret, certes ambitieux, certes difficile à atteindre, mais tout de même réalisable, et sûrement plus réaliste que la croyance au maintien perpétuel de "l’équilibre de la terreur". C’est le sort même de l’humanité, de millions d’êtres humains et de chacun d’entre nous, qui est en jeu.
C’est l’affaire de toutes les volontés bonnes, de toutes celles et ceux pour qui les mots "liberté, égalité, fraternité" ont encore un sens. C’est votre affaire.
Saintes, le 1er novembre 2020
Jean-Marie Matagne
Action des Citoyens pour le
Désarmement Nucléaire (ACDN)
31, Rue du Cormier – 17100 - SAINTES
Tel : +33 (0)6 73 50 76 61
contact@acdn.net http://www.acdn.net
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Notes
(1) Glossaire :
EDAN : Etats Dotés d’Armes Nucléaires "parties au TNP" (signataires du TNP). Ils sont 5 et constituent ce qu’on appelle "le P5" : Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France et Chine. Ce sont par ailleurs (sans lien de cause à effet) les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu.
ENDAN : les Etats Non Dotés d’Armes Nucléaires parties au TNP.
"Etats dotés" : le P5 + quatre autres Etats dont on sait qu’ils sont dotés d’armes nucléaires mais qui n’en ont pas officiellement le statut : Israël, l’lnde, le Pakistan et la Corée du Nord, les trois premiers parce qu’ils n’ont jamais signé le TNP, la dernière parce qu’elle l’a signé mais s’en est retirée en 2003.
Entre EDAN et ENDAN, les quatre Etats officieusement dotés vivent dans une sorte de no man’s land diplomatique.
(2) Voir : « Déclarations sur le Traité d’interdiction des armes nucléaires (New York, 7 juillet 2017) » - Mission permanente de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
La Russie et la Chine ont fait leur cette position dès 2018 dans une déclaration commune du « P5 ». Le P5 l’a réitérée à Vienne au cours d’une réunion de l’AIEA, le 22 septembre 2020 : « Nos vues sur le TIAN sont bien connues : nous ne le signerons pas, ne serons pas liés par lui, et considérons qu’il a un effet préjudiciable sur le régime global de non-prolifération sous le TNP ».
(3) Vidéo ICAN. https://vimeo.com/229080557 17’ 31’’-17’ 40’’. Article 17 : Duration and Withdrawal. §1. (Rebecca Johnson au micro)
(4) Article X du TNP : « Chaque Partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, aura le droit de se retirer du Traité si elle décide que des événements extraordinaires, en rapport avec l’objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays. Elle devra notifier ce retrait à toutes les autres Parties au Traité ainsi qu’au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies avec un préavis de trois mois. Ladite notification devra contenir un exposé des événements extraordinaires que l’Etat en question considère comme ayant compromis ses intérêts suprêmes. »
(5) Des propositions d’amendements sur plusieurs de ces sujets furent déposées le 30 juin 2017 par le représentant d’ACDN à la 2e session de la conférence de négociations du TIAN à New York. Document officiel publié et diffusé le 3 juillet 2017. Cf. A/CONF.229/2017/NGO/WP.48 (NB : à cette date, l’article 17 était numéroté 18.)
Une proposition visant à résoudre la question du droit de retrait en la liant à celle du désarmement multilatéral a également été avancée par ACDN dans un texte du 22 juin. Ce texte fut remis en version anglaise le jour même, en mains propres, à la présidente de la conférence, Elayne Whyte-Gomez, et aux ambassadeurs de plusieurs Etats actifs en faveur du Traité, dont l’un le transmit pour avis à son gouvernement, mais en reçut un avis négatif. La proposition n’eut pas d’autre suite.
"Comment inciter
les Etats nucléaires
à rejoindre
le Traité d’interdiction"
"How to convince
the nuclear states
to join
the nuclear weapons
ban treaty"
(6) Pour mieux mesurer les effets génétiques des armes à UA, on peut voir Death made in America.
ATTENTION ! Images pouvant heurter les personnes sensibles. Dans ce cas, évitez de cliquer sur ce lien.
(7) Pour être soumise à référendum, une proposition de loi doit recevoir la signature d’un cinquième des membres du Parlement, puis les soutiens d’un dixième des électeurs inscrits, recueillis par voie électronique en 9 mois sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. Quelques obstacles supplémentaires, surmontables, sont placés sur cette voie.
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Participez à la campagne nationale pour obtenir un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives !
Ecrivez aux députés et sénateurs de votre choix !
Proposition de Loi
Formulaire de signature
Liste des signataires au 20 octobre 2020
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