Communiqué de presse, 28 février 2022
Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko regardent ensemble, le 19 février 2022 à Minsk, un essai de missile russe hypersonique, assurant la supériorité et l’impunité nucléaires de la Russie aux yeux des deux dirigeants.
Quelles que soient les erreurs ou les fautes bien réelles commises par les gouvernements occidentaux depuis la chute du mur de Berlin, il faut condamner avec la plus grande vigueur l’agression militaire de l’Ukraine par l’armée russe, sur ordre de Vladimir Poutine, et apporter un soutien résolu à la résistance du peuple ukrainien. Aucune élucubration historique ne saurait justifier une telle agression, d’autant moins que c’est l’Etat de Kiev qui, aux Xe et XIe siècles, est à l’origine de la Russie, et non l’inverse – on devrait s’en souvenir et le rappeler à M. Poutine. Qu’aurait-il dit si l’Ukraine avait pris prétexte de ce « fait historique » pour envahir la Russie ?
Nous devons aussi exprimer notre soutien aux citoyens russes qui ont bravé la répression poutinienne pour protester contre cette guerre d’agression, conduite en leur nom par un dictateur tout-puissant et cynique, qui assassine ses opposants, soutient, comme en Syrie, un tyran sanguinaire, ou attaque, comme en Ukraine, un pays souverain. En 1968, ils n’étaient qu’une poignée à manifester sur la Place rouge contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques, mais ils avaient déjà sauvé l’honneur du peuple russe. Cette fois-ci, ils sont des centaines, si ce n’est des milliers, et demain, espérons-le, ils seront des millions à refuser la guerre et à bloquer la machine militaire d’un homme hélas doté d’armes nucléaires et parfaitement capable de s’en servir, comme il nous en menace. Il ne faut surtout pas prendre cette menace pour une rodomontade ou une simple manœuvre verbale.
De cette situation aberrante et pourtant parfaitement prévisible -puisque nous l’avons prévue et avons tenté de la prévenir depuis un quart de siècle- plusieurs leçons doivent être tirées.
La première : on ne doit jamais « punir » un peuple pour l’agression et les crimes de guerre commis par son ou ses dirigeants, quels qu’ils soient. On ne doit donc pas répondre à un crime contre l’humanité par un autre crime contre l’humanité. Surtout pas quand on se proclame « la patrie des droits de l’Homme ». Ceci condamne la stratégie dite « de dissuasion », qui repose sur cette promesse extravagante et monstrueuse de vengeance collective post mortem.
La deuxième : il n’y a aucune raison que la guerre, une fois déclenchée, s’arrête aux frontières de l’Ukraine et en reste aux échelons inférieurs de violence. Sauf une peut-être : que le reste de l’humanité fasse bloc contre Vladimir le Terrible et l’isole, au point de le ramener à la raison, ou que le peuple russe et une partie au moins de l’armée russe elle-même parviennent à neutraliser sa capacité de nuisance avant qu’il n’en vienne à commettre l’irréparable.
La troisième : quand on met entre les mains d’un homme quelconque des pouvoirs destructeurs diaboliques, il faut s’attendre à ce qu’un jour ou l’autre il en fasse un usage diabolique, quelle que soit la façon, électorale ou pas, dont il est parvenu au pouvoir. Ce pouvoir est dirigé contre les peuples et ne fait aucune différence entre civils et militaires. Il est donc, par nature, fondamentalement antidémocratique. La leçon vaut aussi pour les « démocraties ». Dès lors qu’elles s’approprient ce type d’armes, elles cessent d’être démocratiques et sombrent dans la tyrannie.
La dernière : si par chance nous parvenons à sortir de cette crise russo-ukrainienne en neutralisant l’agresseur, sans extension du conflit et sans échange nucléaire, il faudra revoir radicalement l’architecture mondiale. Il faudra que les peuples des Etats nucléaires imposent à leurs dirigeants d’ouvrir et de conduire à leur terme des négociations visant à éliminer la totalité des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et effectif, conformément à l’article 6 du Traité de Non-Prolifération (TNP) qu’ils ont signé.
C’est ce que le peuple français souhaite dans son immense majorité (Cf. sondage IFOP-ACDN, mai 2018). Qu’on lui donne la parole, et il pourra intimer au prochain chef de l’Etat l’ordre de provoquer ces négociations. Ce sera le seul moyen de soustraire le monde à la folie de gouvernants qui nous mènent à la catastrophe, sous l’influence conjointe et criminelle des lobbies militaro-industriels et nucléaires. Et n’oublions pas : la France a 56 réacteurs nucléaires – autant de « bombes sales » mises à la disposition des bombardements, « conventionnels » ou nucléaires, de M. Poutine.