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Déclaration du Comité des juristes sur la politique nucléaire
L’invasion de l’Ukraine par la Russie : une guerre d’agression illégale

Bureau des Nations Unies de l’Association internationale des juristes contre les armes nucléaires


Publié le 8 mars 2022

Le Comité des Juristes sur la politique nucléaire condamne fermement l’attaque de l’Ukraine par la Russie. L’invasion russe est une claire violation de la loi internationale et fait subir au peuple d’Ukraine la terreur, la souffrance et la mort. Etant donné le risque accru d’une utilisation des armes nucléaires intentionnellement ou par erreur, il expose également les peuples de la région et le monde entier au malheur à une vaste échelle.

I. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une guerre d’agression illégale.

• L’invasion est une violation de la Charte des Nations Unies, Article 2 (4), qui interdit « la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat quelconque ».” Elle ne peut être justifiée comme un acte d’autodéfense visé sous l’article 51 de la Charte. Aucune des raisons invoquées par Poutine ne résiste non plus au moindre examen. Ainsi, il n’y a aucune base pour prétendre que l’invasion serait destinée à prévenir un « génocide ».

• L’invasion constitue un acte d’agression selon le droit international général. Le statut de Rome de la Cour Criminelle Internationale définit comme acte d’agression de la part d’un Etat “l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou un acte contraire de quelque manière que ce soit à la Charte des Nations Unies. Les dirigeants d’un Etat agresseur peuvent être tenus pour responsables individuellement du crime d’agression, l’un des crimes majeurs établis par le Traité de Rome Selon la Charte du Tribunal Militaire International (Charte de Nuremberg), livrer une guerre d’agression est un crime contre la paix, et les dirigeants du IIIe Reich ont été poursuivis pour ce crime.

II. Les allusions à peine voilées de Poutine au fait de recourir aux armes nucléaires si d’autres Etats intervenaient militairement sont des menaces illégales d’emploi de la force selon l’article 2, 4, de la Charte des Nations Unies, en tant qu’élément d’une invasion illégale. Elles sont également contraires au droit général international en tant qu’elles menacent de commettre un acte illégal - en l’occurrence l’emploi d’armes nucléaires.

Dans son avis Consultatif de 1996 (paragraphe 78), la Cour Internationale de Justice a établi que si l’usage d’une arme ne répond pas aux exigences du droit international humanitaire régissant la conduite de la guerre, la menace d’employer une telle arme serait contraire à cette loi.

Il est à présent largement reconnu que l’usage d’armes nucléaires est illégal selon le droit humanitaire, essentiellement parce qu’elles ne peuvent remplir l’exigence de distinguer entre des cibles militaires et des cibles civiles, qu’il s’agisse de personnes ou de biens. Il y a plus de 25 ans, la Cour a estimé qu’un tel emploi ou la menace d’un tel emploi seraient illégaux. La principale circonstance où la Cour n’a pas pu trancher, à savoir lorsque la survie même d’un Etat serait mise en cause, est hors de question pour la Russie dans la crise actuelle.

Le 5 janvier 2022, dans une déclaration commune, la Russie et les quatre autres Etats dotés d’armes nucléaires reconnus par le Traité de Non-Prolifération ont réaffirmé le principe de Reagan et Gorbathcev selon lequel « une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée et ne doit jamais être livrée ». Les allusions récentes de Poutine à l’emploi possible d’armes nucléaires par la Russie sont incompatibles avec cette déclaration.

III. Plusieurs actions des Etats-Unis et de l’OTAN envers la Russie depuis le milieu des années 1990, en particulier la porte ouverte à l’Ukraine à une adhésion à l’OTAN en 2008, étaient déraisonnables et même imprudentes en ce qu’elles défiaient les préoccupations de sécurité de la Russie. Pour autant, cela ne peut servir en aucun cas à justifier, légalement ou moralement, la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

IV. Dans les mois ayant précédé l’invasion, les nations Unies et les Etats impliqués dans la crise ont échoué à réaliser un objectif de l’ONU exprimé dans l’article 1, 1 de la Charte, de « réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends… de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». C’est à présent le devoir de ces Etats d’aboutir à un cessez-le-feu et de résoudre les différends en accord avec l’article 2, 3 de la Charte, qui exige des Etats membres qu’ils « règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. » C’est aussi la responsabilité du Conseil de sécurité de l’ONU de restaurer la paix internationale et la sécurité. Si le Conseil de sécurité n’était pas en état d’agir en raison d’un veto opposé par la Russie en tant que membre permanent du Conseil, l’Assemblée général devrait agir, comme elle l’a fait bien des fois au cours des décennies, selon la résolution d’Union pour le maintien de la Paix (377A du 3 novembre 1950).

Le Comité des Juristes sur la Politique Nucléaire s’élève contre les actes de guerre illégaux de la Russie et ses menaces d’usage de la force nucléaire. Nous appelons les deux Parties à se conformer au droit humanitaire international, à respecter les droits humains et à donner accès à l’aide humanitaire. Nous appelons en outre à un cessez-le-feu immédiat, au dialogue, à la diplomatie, et à l’application des exigences de la Charte des Nations Unies.

Le 25 février 2022

Ariana N. Smith
Directeur Exécutif du Comité des Juristes sur la Politique Nucléaire | Bureau de l’ONU de IALANA

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Traduction ACDN