Rapport revu et actualisé au 4 juillet 2009.
Il est des vérités qui sont de longues patiences.
SOMMAIRE
Avertissement
1. Alerte dans la presse
2. La GBU-39 : première approche
3. Suspicion d’uranium
4. L’alerte sur le terrain
5. Le dilemme
6. La leçon irakienne : l’attaque de « Forward Base Falcon »
7. Retour à Gaza
8. Le contexte global
9. Les effets de l’UA
10. Historique de la GBU-39
11. Un brevet ambigu
12. Gaza, terrain d’essai
13. « Le génocide de Gaza a commencé »
14. Lettre à M. Ban Ki-moon : les Nations Unies doivent enquêter
15. L’art de l’esquive
16. La GBU-39B : portrait au 20 mai 2009
17. Combien d’uranium, et où ?
18. Autres armes mises en œuvre à Gaza
19. Les enjeux
20. La charge de la preuve
21. Dernière minute : la preuve est là
Conclusion : un seul camp, celui de l’humanité
ANNEXES
Nota : Pour des raisons techniques, il ne nous a pas été possible d’intégrer au texte publié ici les illustrations, notes de références et documents annexes faisant partie du rapport tel qu’il a été remis aux instances qualifiées.
Avertissement
Le présent rapport tend à faire la synthèse des articles publiés sur le site d’ACDN, www.acdn.net, en français et en anglais, entre le 4 janvier et le 12 février 2009, en y apportant les correctifs et les ajouts rendus possibles par les informations obtenues à mesure que notre enquête progressait, chaque semaine ou presque apportant son lot de précisions, de rectifications, de doutes, de confirmations, de surprises et de révélations, jusqu’au 20 mai 2009. Il n’a rien de définitif, son sujet demeurant largement couvert par le secret industriel et le “secret défense”, avec un enjeu politique, économique et militaire considérable.
Il repose pour l’essentiel sur l’analyse et le recoupement d’informations et de documents accessibles au public dans la presse écrite ou sur Internet. Mais il a également bénéficié d’informations de sources privées ayant demandé à ne pas être citées. L’une d’entre elles accepte aujourd’hui d’être nommée : il s’agit de Jean-François Fechino, consultant en pollutions diffuses et expert auprès du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), auteur d’un rapport d’une centaine de pages sur les effets de l’emploi d’armements contenant de l’Uranium Appauvri en Irak, et d’un rapport préliminaire sur les armements mis en œuvre dans la bande de Gaza, rapport remis le 7 mai 2009 à la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur les faits relatifs à Gaza (« Commission Goldstone »). Avec lui et quelques autres, nous avons cherché à dégager ensemble la vérité en confrontant nos points de vue - ce qui n’exclut pas, bien entendu, les risques d’erreur ou d’“intoxication”. Qu’il soit particulièrement remercié pour les informations qu’il m’a communiquées, sans délai ni restrictions autres que celles relatives à la protection de ses sources.
Bien des personnes ont droit à notre reconnaissance. J’aimerais citer en particulier Paolo Scampa, président de l’A.I.P.R.I., Alain Acariès, secrétaire d’Avigolfe, Noha Rashmawi, de la Délégation Palestinienne à Paris, Haytham Manna et Violette Daguerre, de la Commission Arabe des Droits Humains, Me Gilles Devers, initiateur de la plainte collective pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité déposée auprès de la Cour Pénale Internationale, Gideon Spiro et Yehuda Atai pour leurs positions courageuses en Israël, Peter Low, Francine Fèvre et Dan McConaughley pour leurs traductions, le Dr Rosalie Bertell pour ses encouragements au moment le plus dur, mes amis d’ACDN, notamment Yves Laigle, et mes proches, pour leur patience et leur constant soutien.
Les enquêtes en cours ou à venir, diligentées par l’ONU, la C.P.I. ou d’autres organismes, lèveront peut-être d’autres coins du voile et permettront peut-être
d’éclairer la justice sur ce qui s’est réellement passé à Gaza,
de prendre les mesures concrètes pour neutraliser à Gaza, en Irak et ailleurs, les effets maléfiques de toutes les armes radioactives,
d’en prononcer l’interdiction universelle et définitive, y compris celle des armes nucléaires.
Puisse ce rapport y contribuer.
Saintes, 4 janvier-4 juin 2009
Jean-Marie Matagne, Docteur en philosophie
Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
1. Alerte dans la presse
Dans la nuit du dimanche 28 au lundi 29 décembre 2008, à 1h 18 du matin, le Jerusalem Post publie sur son site www.israel.jpost.com un article en anglais qui sera réactualisé à 9h 15. Il est intitulé :
« L’Armée de l’Air Israélienne utilise une nouvelle bombe intelligente fournie par les Etats-Unis ».
Son auteur, Yaakov Katz, écrit :
« L’Armée de l’Air Israélienne (IAF) a utilisé un nouveau missile brise-bunker (bunker-buster) récemment reçu des Etats-Unis, dans des frappes contre le Hamas, selon les informations recueillies dimanche par le Jerusalem post.
« Le missile, appelé GBU-39, a été développé ces dernières années par les Etats-Unis en tant que bombe de petit diamètre à bas coût, de haute précision et produisant de faibles dommages collatéraux.
« Israël a reçu en septembre l’autorisation du Congrès [américain] d’en acheter 1000 exemplaires et des responsables de la Défense ont déclaré ce dimanche que la première cargaison, arrivée au début du mois, a été employée avec succès pour pénétrer les sites souterrains de lancement de Kassam dans la Bande de Gaza, pendant le lourd bombardement aérien auquel les infrastructures du Hamas ont été soumises samedi. Elle a également été utilisée dimanche dans le bombardement des tunnels de Rafah.
« La GBU-39, guidée par GPS, est considérée comme l’une des bombes les plus précises au monde. Cette bombe de 113 kg a les mêmes capacités de pénétration qu’une bombe ordinaire de 900 kg, bien qu’elle n’emporte que 22,7 kg d’explosif. Avec seulement 1,75 m de longueur, sa petite taille augmente le nombre de bombes qu’un avion peut emporter et le nombre de cibles qu’il peut attaquer en une seule sortie. »
« Les essais effectués aux Etats-Unis ont prouvé que la bombe est capable de transpercer au moins 90cm de béton armé. La GBU-39 peut être utilisée par tout type de temps et a une portée de plus de 110 km, grâce à ses ailes déployables. »
C’est ainsi que, dès le début de l’offensive israélienne contre Gaza baptisée « Plomb durci » (« Cast Lead »), la GBU-39 faisait son entrée sur le terrain et dans la presse.
Abstraction faite du terme de « missile » employé improprement, le rapide portrait du Jerusalem Post dégage ses traits les plus flagrants, sauf un, bien sûr, dont il sera bientôt question.
L’étude comparative des articles parus dans la presse spécialisée sur cet engin en gestation depuis plusieurs années, et des fiches techniques -parfois contradictoires- disponibles sur Internet, nous permet d’en préciser le portrait et l’histoire, tout en laissant subsister des zones d’ombre que nous nous appliquerons à réduire dans les jours et les semaines qui suivent.
Ce travail d’analyse nous conduit rapidement à conclure que la GBU-39 doit contenir de l’Uranium Appauvri, métal radioactif dont on connaît les effets destructeurs sur le génome humain ou animal, comme l’attestent ses très nombreuses victimes depuis qu’il a été utilisé pour la première fois en Irak pendant la « guerre du Golfe » de 1991.
2. La GBU-39 : première approche
Fabriquée par Boeing, la GBU-39 (Guided Bomb Unit-39) dite encore GBU-39B (il y a eu un premier prototype baptisé 39A) est une bombe, c’est-à-dire un engin tombant du ciel, sans réelle autonomie de vol, à la différence d’un missile qui a son propre moyen de propulsion.
La GBU-39, également désignée sous le nom de SDB1, est la première des SDB (Small Diameter Bomb) : des bombes de petit diamètre conçues pour être bon marché, avoir des « dommages collatéraux » réduits, mais aussi de hautes capacités de pénétration des aciers ou des bétons spéciaux. Malgré ses dimensions modestes, c’est un authentique « bunker buster », un « casseur de bunker » ou « brise-bunker », et c’est comme tel qu’elle a été livrée à Israël.
Le public dispose sur Internet de deux notices succinctes et de plusieurs articles qui s’en inspirent : l’une signée du constructeur, Boeing, l’autre accessible sur le site de GlobalSecurity, qui reprend certaines données du constructeur. Ces notices se complètent, mais se contredisent sur un point : le poids total de la bombe, qui serait de 250 livres britanniques (113 kg) selon GlobalSecurity (GS), mais de 285 livres (130 kg) selon Boeing. Il faut retenir la version du constructeur (GS a seulement retenu que la SDB1 était « de la classe » des bombes de 250 livres). Boeing indique en outre le poids du « corps de bombe » ("Warhead") : 206 livres (93 kg), sans toutefois en indiquer la longueur, et précise qu’elle est « pénétrante, à souffle et à fragmentation » ("penetrating blast fragmentation"). GS ne donne pas ces précisions mais en donne d’autres : la tête aurait une « enveloppe pénétrante en acier » ("steel case for penetration") et elle comprendrait 50 livres d’explosif de grande puissance ("50 lbs of high explosive").
La GBU-39 ressemble à un grand crayon. Elle mesure selon Boeing 70,8 pouces (1,80 mètre) de long pour 7,5 pouces (19 centimètres) de diamètre seulement. Elle a un système avancé de guidage et de positionnement par GPS, capable de résister aux brouillages. Elle est « intelligente » : une fois larguée par l’avion porteur, elle se cale sur la cible qui lui a été désignée et corrige sa trajectoire, un peu comme un planeur, grâce à son empennage et à des ailes qui se déploient au bout de quelques secondes après une rotation sur elle-même de 180°.
Les GBU-39 appartiennent aux nouvelles générations d’armements qui utilisent des aciers "très spéciaux" mais dont les usineurs et les autorités taisent la composition. Or, pour obtenir à des prix de plus en plus serrés des performances de plus en plus élevées, il est indéniable que l’Uranium appauvri a les meilleurs atouts.
En effet, la capacité de pénétration d’un projectile dans une cible dépend de la conjonction de quatre facteurs : elle est directement proportionnelle à sa masse (donc à son poids), à sa vitesse et à sa dureté - et inversement proportionnelle à la surface de sa section (l’aiguille pénètre plus facilement dans un tissu que le dé à coudre...). On le conçoit sans peine : un lourd javelot à pointe dure et mince, lancé à pleine vitesse, a nettement plus de chance de pénétrer dans le sol qu’une balle de ping-pong tombant par terre. L’uranium appauvri remplit tous ces critères : il est très lourd, très dur -contrairement au plomb-, et sa densité permet d’obtenir une masse maximale dans un minimum de volume, donc aussi une surface de choc réduite au minimum.
La capacité de pénétration attribuée par Boeing à la GBU est « supérieure à trois pieds [90 cm] de béton armé renforcé » (« >3 feet of steel reinforced concrete »). GS laisse le choix entre deux citations : « more than three feet of steel-reinforced concrete » (la même chose, donc) et « six feet of reinforced concrete » (six pieds, soit près deux mètres, de béton renforcé).
Contrairement aux apparences, ces deux citations qui font passer la capacité de pénétration du simple ou double, ne sont pas forcément contradictoires. Elles pourraient correspondre, comme nous l’explique Jean-François Fechino, à deux types de béton : les bétons à Ultra Hautes Performances, et ceux à Très Hautes Performances.
En France, les BFUP (Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances), ainsi nommés par l’AFGC (Association Française du Génie Civil), ces nouveaux bétons sont apparus dans les années 1990, sous l’impulsion conjuguée d’Électricité de France et des entreprises Bouygues et Eiffage, soumissionnaires des travaux de réfection des tours de refroidissement des centrales nucléaires de Cattenom et de Civaux. Issus des recherches scientifiques, ces bétons ont comme particularité d’avoir de très hautes résistances (8 à 10 fois celles du béton classique), de ne pas avoir besoin d’armatures passives, sources de corrosion, d’être étanches à l’eau, et d’être d’une durabilité exceptionnelle. Il existe aujourd’hui une gamme étendue de formules, développées et brevetées par les industriels de la construction. Les Bétons à Très Hautes Performances (BTHP) et les Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances (BFUP) résultent d’une synthèse des progrès réalisés ces trente dernières années par l’optimisation du squelette granulaire, l’apport d’adjuvants et l’utilisation de renforts de fibres. Concernant la résistance à la compression et selon la définition donnée dans les recommandations de l’AFGC, les BFUP dépassent 150 MPa (Mégapascal, une unité de résistance). Par définition, les performances des BTHP se situent entre celles des Bétons à Hautes Performances (BHP) et celles des BFUP. Les résistances mécaniques des BTHP sont donc comprises entre 100 et 150 Mpa.
Voici comment IsraelValley, le site officiel de la Chambre de Commerce France/Israël, se référant à une revue de presse de l’Ambassade d’Israël en France, annonçait l’achat des GBU-39 le 16 septembre 2008 : « Le ministre américain de la Défense a approuvé la vente à Israël de 1000 bombes pénétrantes de type GBU-39, fabriquées par la société Boeing et considérées comme les plus modernes au monde, rapporte le Maariv. Ces bombes sont capables de pénétrer une couche de béton armé de 90 centimètres d’épaisseur de manière très précise (un périmètre de 3 mètres). Le journal note toutefois qu’avant d’être entérinée, cette vente doit encore être approuvée par le Congrès américain. Selon une source militaire israélienne citée par le journal, la combinaison de ces bombes avec les futurs avions de chasse de Tsahal, les F-35, devrait renforcer de façon considérable les capacités de l’armée de l’air israélienne. »
Selon Jean-François Fechino, les "90 centimètres de béton armé", c’est-à-dire les "3 pieds de béton armé renforcé" que les GBU-39 sont capables au minimum de transpercer selon Boeing représenteraient en fait au moins 4 ou 5 mètres de béton du mur de l’Atlantique.
3. Suspicion d’uranium
D’après leurs caractéristiques techniques, il est clair pour nous que ces armes sont à base d’Uranium Appauvri métal (UAm, ou plus brièvement UA). De l’acier, même de qualité exceptionnelle, ne pourrait faire l’affaire pour une bombe d’un poids aussi réduit et d’une longueur de corps largement inférieure à 2 mètres, à la différence des GBU-28, par exemple, qui tirent leur capacité de pénétration d’un corps de bombe en acier spécial, à la fois longiligne (les premières GBU-28 ont été fabriquées en toute hâte, pendant la guerre du Golfe, à partir de fûts de canon d’artillerie...), très lourd (4000 livres soit près de deux tonnes) et très long (plus de 5 mètres, rien que pour le corps de bombe).
Le mot « steel » (acier), absent de la fiche technique de Boeing et ajouté par GlobalSecurity pour décrire l’enveloppe pénétrante de la tête explosive (« steel case for penetration ») est donc impropre -à moins de désigner un alliage métallique non précisé (qui se dirait alloy). Il sert à combler une lacune manifeste et certainement délibérée dans la notice du constructeur.
Une bombe à qui l’on demande :
un impact local précis et resserré (pour pouvoir parler de "frappe chirurgicale") ;
un effet collatéral restreint (pour pouvoir parler de "guerre propre") ;
mais aussi
une très haute capacité de pénétration (égale à celle d’un « bunker buster » 8 à 16 fois plus lourd qu’elle) lui permettant d’atteindre le cœur d’une cible fortifiée ou profondément enterrée ;
un poids réduit, mais très important par rapport à son volume, donc une extrême compacité ;
un coût bas (« low cost »)
la capacité d’être produite en grande série, donc de faire appel à un matériau abondant
a toutes les chances d’être à l’UAm. Dans des proportions situées entre 75% et 85% selon Jean-François Fechino, le reste pouvant être du tungstène, du titane, du molybdène... des métaux spéciaux et précieux.
Il est vrai qu’en dehors de l’acier, l’UAm pourrait avoir un concurrent sérieux : le tungstène. Mais il a sur lui un double avantage. D’une part, il est beaucoup moins cher et on ne sait pas quoi en faire (50 000 tonnes en sont produits annuellement dans le monde, comme résidu de l’industrie nucléaire civile et militaire), alors que le tungstène reste un métal précieux, sur un marché dominé par le tungstène chinois. D’autre part et surtout, contrairement au tungstène, il est pyrophorique : il a la propriété de s’enflammer par frottement contre un corps dur comme l’acier ou le béton. Ainsi, non seulement un corps de bombe usiné en UA va-t-il voler en tout petits éclats sous l’effet de l’explosif, mais en plus il va brûler en carbonisant l’intérieur de la cible atteinte. L’UA n’explose pas lui-même, mais il brûle en déclenchant "un feu d’enfer" à près de 1200°C. Ainsi, les occupants d’un char transpercé par la flèche d’un obus-flèche à UA ne meurent pas déchiquetés - pour autant que l’incendie ne provoque pas l’explosion des munitions présentes à bord du char - mais carbonisés. Ce qu’il reste du char est hautement radioactif. Les G.I.s qui, en 1991, s’approcheront de carcasses de tanks irakiens ainsi contaminés s’en apercevront une fois revenus chez eux, souvent des années plus tard.
Attentifs à tout ce qui touche au nucléaire, aux armements radioactifs, à l’Uranium Appauvri, aux armes de destruction massive en général, nous mesurons aussitôt l’ampleur du drame invisible et silencieux qui, au-delà du fracas des bombes, au-delà même des victimes immédiates et des destructions manifestes, risque de se mettre en place dans la bande de Gaza pour se jouer à moyen et à long terme, si l’offensive israélienne se prolonge et continue d’utiliser des armes radioactives de ce type.
4. L’alerte sur le terrain
Dimanche 4 janvier 2009, 13h 16 GMT - L’agence de presse iranienne Press TV, l’une des très rares agences à être présentes à Gaza, diffuse une dépêche en anglais intitulée : "De l’uranium appauvri trouvé dans des victimes à Gaza"
On peut y lire que "des médecins norvégiens ont déclaré au correspondant de Press TV, Akram al-Sattari, qu’ils avaient trouvé des traces d’Uranium Appauvri dans le corps de certains habitants blessés depuis le début de l’offensive lancée par Israël le 27 décembre sur la bande de Gaza. Ce témoignage vient après que les tanks et les troupes israéliens aient franchi la frontière dans la nuit de samedi à dimanche et lancé une offensive terrestre, après huit jours de bombardements intensifs par l’aviation et la marine israélienne."
La dépêche ajoute que "le ministre de la défense d’Israël, Ehoud Barak, a averti ce dimanche que l’offensive serait "pleine de surprises". Suggère-t-elle ainsi que l’usage d’armes à l’Uranium Appauvri pourrait être l’une de ces surprises ?
En fait, la déclaration des médecins norvégiens citée par Press TV va dans le même sens que l’interview télévisée donnée par le Dr Mads Gilbert et retransmise par la chaîne Al-Jazeera dans la nuit du 31 décembre (http://www.gnn.tv/B30595).
C’est dès cette date, en effet, que le médecin norvégien mentionne des « traces de radioactivité » trouvées chez des blessés, donc chez des victimes de la première phase de l’offensive israélienne, lors des tout premiers bombardements aériens.
On a vu que, durant cette phase, les autorités israéliennes ont révélé avoir fait grand usage des GBU-39 fraîchement livrées par les États-Unis. Les caractéristiques "miraculeuses" de cette bombe d’avant-garde ont été largement vantées dans la presse, mais en passant sous silence l’information essentielle, la seule qui soit à même d’expliquer les "performances" de ces nouveaux engins : le fait qu’ils doivent contenir de l’Uranium appauvri - conclusion à laquelle nous sommes déjà parvenus.
Plusieurs questions se posent toutefois : comment, dans les conditions aussi difficiles que celles où ils travaillent, le Dr Gilbert et ses collègues ont-ils pu déceler des « traces de radioactivité » et plus précisément encore, d’Uranium appauvri ? Ont-ils prélevé les tissus ou les liquides organiques nécessaires ? Ont-ils eu le temps nécessaire pour réaliser des analyses complexes, qui d’ordinaire demandent plusieurs semaines à des laboratoires spécialisés ? Comment des médecins urgentistes ont-ils pu les réaliser ? Personne ne le sait, et nous n’avons aucun moyen de joindre sur place les médecins norvégiens.
5. Le dilemme
Il ne faut évidemment pas compter sur les autorités israéliennes pour confirmer les assertions du Dr Gilbert, ni sur la presse internationale, empêchée par les Israéliens de pénétrer dans la bande de Gaza. Nous prenons contact avec la Délégation Palestinienne à Paris, espérant par son intermédiaire obtenir des échantillons appropriés de terre ou de matériaux prélevés à Gaza pour les soumettre à l’analyse de laboratoires indépendants (ainsi que nous l’avions fait pour Bagdad, comme on va le voir ci-après). En attendant de les obtenir, une autre approche s’impose pour tenter de vérifier les accusations des médecins norvégiens : poursuivre l’étude des armes dont les blessés de Gaza ont pu être victimes, parmi lesquelles, probablement, les GBU-39. Contiennent-elles de l’UA ? Mais là non plus, on ne peut compter sur une confirmation du « DOD » (Department of Defense) américain, ni sur celle du constructeur Boeing.
Nous sommes donc placés devant un dilemme.
Faut-il, alors que nous n’en avons pas de preuve formelle, dénoncer l’emploi de ces armes dont nous sommes convaincus, malgré un doute toujours présent à l’esprit, qu’elles sont radioactives ? Nous risquons de nous voir opposer un démenti cinglant et de subir la bronca de tout ce que le complexe militaro-industriel multinational peut compter comme agents, ou même comme alliés malgré eux, jusque dans le mouvement antinucléaire, pacifiste et « abolitionniste » où certains militants ignorent tout du problème, où d’autres le connaissent mal et ne s’en soucient guère, où d’autres enfin, qui le connaissent bien, ne veulent pas prendre le risque de se tromper et de ternir ainsi leur image ou celle de leur association.
Ou bien faut-il en attendre la preuve indiscutable - au risque de voir les Gazaouis et la population de la région, Israéliens compris, subir ou faire subir sans le savoir un génocide "à retardement", dans le silence complice des chefs militaires, des dirigeants politiques et des savants inféodés au complexe militaro-industriel ?
Nous préférons le premier risque au second. L’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire rassemble des citoyens du monde qui veulent agir pour contribuer, dans la limite de leurs moyens, à l’amélioration du sort des humains et à la survie de l’espèce, menacée par les armes nucléaires et radioactives. L’association depuis 1996, et son président depuis 1986, s’efforcent de faire entendre l’impérieuse nécessité d’abolir ces armes. 23 ans de « traversée du désert » : le sort des « lanceurs d’alerte » (« whistleblowers ») nous est devenu familier. A propos de Gaza comme dans d’autres cas, nous jugeons nécessaire de sonner le tocsin avant que le désastre ne soit devenu irréversible et incommensurable.
Le précédent irakien ne doit surtout pas se reproduire.
6. La leçon irakienne : l’attaque de Forward Base Falcon
7. Retour à Gaza
Revenons à Gaza, janvier 2009. Tout comme les Irakiens, les Gazaouis subissent un blocus inhumain, et maintenant une offensive aérienne et terrestre. Vont-ils subir aussi la contamination à l’uranium ? Instruits par l’expérience, nous décidons cette fois de procéder différemment. Nous affirmerons ce qui nous semble hautement probable comme si nous en étions certains. Cela devrait émouvoir quelques secteurs de l’opinion publique, voire quelques journalistes curieux, ce qui pourrait conduire certains responsables politiques à exiger une enquête officielle. C’est à peu près ce qui va se passer...
Le 4 janvier 2009, nous publions un article intitulé :
Parallèlement à l’offensive terrestre
A Gaza, le génocide à l’Uranium Appauvri a commencé
avec les bombes "GBU-39" fournies par les Etats-Unis
Il sera traduit et publié en anglais le 6 janvier :
It runs parallel with the ground offensive
In Gaza, Genocide by Depleted Uranium has begun
using "GBU-39" bombs provided by the USA
L’article conclut : « Un véritable crime contre l’humanité s’exécute donc sous nos yeux. »
Il appelle le président de la République Française, attendu en Egypte pour le lendemain, à tout mettre en œuvre pour faire cesser ce crime, mais aussi à montrer l’exemple en interdisant dans l’armée française les armements contenant de l’uranium appauvri et en s’interdisant d’en vendre : "La France doit faire cesser ce crime contre l’humanité... La France doit enfin travailler à l’interdiction universelle des armes à l’Uranium Appauvri."
Nous l’envoyons à de nombreux organes de presse et aux médias français, le communiquons à l’ICBUW (International Coalition to Ban Uranium Weapons) dont ACDN fait partie, le diffusons largement au sein de la communauté « abolitionniste », « antinucléaire » et « pacifiste ». A défaut d’intéresser les journalistes français - qui ne souffleront mot du sujet pendant toute la durée de l’opération « Plomb durci » et jusqu’à maintenant - l’article sera repris par de nombreux sites francophones et anglophones, contribuant ainsi à alerter une partie de l’opinion publique, surtout (faut-il s’en étonner ?) parmi ceux qui sont favorables à la cause palestinienne.
Le lendemain, 5 janvier, paraît une nouvelle interview du Dr Mads Gilbert par PressTV, l’agence iranienne, dont nous prenons aussitôt connaissance.
Le journaliste lui demande : « Que pouvez-vous nous dire à propos de ce que vous avez trouvé concernant l’uranium ? » Il répond : « Je ne peux pas vous dire grand-chose à propos de ce que nous avons trouvé. Mais je peux vous dire ceci : la preuve est faite que les Israéliens utilisent un nouveau type d’armes avec un explosif très puissant appelé DIME utilisant un alliage au tungstène. Ces armes ont un énorme pouvoir explosif. »
Est-ce à dire que le Dr Gilbert n’y connaît rien en uranium ? Nous penchons pour une autre explication : il ne dispose simplement pas des analyses - comment le pourrait-il d’ailleurs en pareilles circonstances ? - qui pourraient apporter la preuve indiscutable que la radioactivité dont il parlait dès le 31 décembre était bien due à la présence de particules d’uranium. En attendant, il préfère ne rien en dire et attirer l’attention sur un autre type d’arme non-conventionnelle dont il tente de réparer les ravages, l’explosif à peine connu appelé DIME.
Le 6 janvier, l’ICBUW, à notre grande surprise, publie sans préavis un communiqué qui prend le contre-pied de notre article et disqualifie le Dr Gilbert. Il est vrai que ses compétences de chirurgien humanitaire, familier des théâtres de guerre, ne garantissent pas son omniscience. Est-ce une raison pour lui faire dire que « le tungstène est radioactif », quand il a dit exactement : « A long terme, ces armes auront un effet cancérigène sur les survivants. Ils développeront un cancer, pensons-nous. Il y a eu très peu de recherches sur le sujet, mais certaines, faites entre autres aux Etats-Unis, ont montré leur tendance élevée à provoquer le cancer. » Dire du tungstène, donc du DIME, qu’ils sont cancérigènes, ce n’est pourtant pas dire qu’ils sont radioactifs ! A-t-on jamais entendu dire que l’amiante était radioactive puisque cancérigène ?
Quoi qu’il en soit, nous prenons contact avec le coordonnateur de l’ICBUW. Les échanges qui suivent nous convainquent que ses motifs de douter de la présence d’UA dans les GBU-39 sont loin de devoir nous faire changer d’avis. Mais l’autorité de l’ICBUW en impose aux autres organisations et jette le doute sur le sérieux de notre accusation - ce qui réjouit le lobby de l’UA ("même nos adversaires n’y croient pas !"), lequel se moque bien du sort des Gazaouis.
8. Le contexte global
Dans son rapport sur l’Uranium Appauvri en Irak, Jean-François Fechino a décrit la situation de la façon suivante :
« Les problèmes de l’uranium appauvri sont à la fois du ressort des scientifiques (filière de la recherche nucléaire) et des militaires.
« Les scientifiques sont des physiciens et des chimistes ayant acquis généralement une longue pratique professionnelle ainsi qu’une très forte notoriété. Pour une grande majorité des populations, ce sont des Hommes de Science, qui ont accédé à La Connaissance. De ce fait ils sont considérés comme des responsables qui ne peuvent pas mentir, d’autant plus qu’ils s’appuient sur des analyses a priori objectives et cautionnées par des experts rattachés à des agences internationales. Or que disent les scientifiques ? L’uranium appauvri n’est pas véritablement un danger ni pour l’environnement ni pour l’Homme, sauf à de très rares exceptions en quelques points de contamination. Pour l’ensemble (ou presque) de cette communauté scientifique, l’uranium appauvri est "40% moins contaminant que l’uranium naturel".
« Les militaires (utilisateurs mais aussi chercheurs du secteur de l’armement), appuient leurs connaissances sur les rapports de recherches des scientifiques (cités ci-dessus), reprenant à leur compte leurs affirmations. Mieux, lors des différentes phases de mise en œuvre de ces armements, aucune précaution spécifique n’est utilisée (ni masque de protection, ni combinaison spéciale, ni décontamination par douches ...) encore moins durant les batailles qu’après. Les hommes, en effet, manipulent sans précaution toutes les charges (obus d’artillerie, accrochages de missiles aux ailes des avions, transbordement de pénétrateurs dans les soutes à munitions des chars, chargement des bandes de mitrailleuses à bord des avions...), comme s’ils manipulaient des charges classiques.
« Ces attitudes, cette gestuelle, relayées par les medias, ne pouvaient que renforcer le sentiment de sécurité des populations civiles et de leurs responsables vis-à-vis de l’opinion publique en général et des populations locales en particulier. Un sentiment d’autant plus profondément ancré dans l’esprit du grand public que les scientifiques tiennent un discours qui se veut rassurant quand ces problèmes sont abordés.
« Et puis, les médias eux-mêmes sont là pour en "remettre une couche". Lorsqu’on voit les envoyés spéciaux devant un tas de décombres fumant à la suite d’un bombardement, sans protection, comment arriver à faire comprendre aux populations civiles les dangers qu’elles courent ? Des dangers qui sont invisibles, inodores, sans saveur... Sans compter que les résultats de ces dangers ne se voient pas toujours immédiatement et qu’ils ne présentent pas d’atteintes physiques directes... Les contaminations conséquences de l’uranium appauvri ne sont pas aussi spectaculaires que des bombes au napalm (la photographie d’une jeune adolescente Vietnamienne, marchant nue, avec la peau qui partait en lambeau à la suite d’un bombardement américain au napalm a été l’une des images choc qui ont réveillé les consciences mondiales et accéléré le processus de paix au Vietnam).
« Pour l’uranium appauvri, point de photo choc... D’autant plus que nous sommes là dans le concept de la "guerre propre", médiatisée et orchestrée d’une main de fer par les services des relations publiques des armées américaines... Aussi est-il facile d’imaginer les difficultés que peut éprouver un simple (citoyen) à venir contrecarrer et mettre en doute les paroles d’experts, de scientifiques ou d’officiers généraux, pour ne citer que ces premiers niveaux hiérarchiques. Que peut représenter le poids d’une parole isolée lorsque, officiellement, les dits experts affirment péremptoirement la quasi-innocuité de ces armements... ».
9. Les effets de l’UA
En août 1996, la sous-commission des Droits de l’Homme des Nations Unies classait les armes à uranium appauvri parmi les armes considérées comme produisant « des effets traumatiques excessifs », frappant « sans discrimination les populations civiles » et causant « des dommages graves et durables à l’environnement » selon la Convention sur Certaines Armes Classiques (CCAC), dite Convention sur les armes inhumaines, adoptée à Genève par les Nations Unies le 10 octobre 1980 et entrée en vigueur le 2 décembre 1983. Au même titre que les armes à fragmentation, incendiaires, aveuglantes, ou les mines anti-personnel...
Cependant, faute de « protocole spécifique additionnel » à la CCAC, la résolution N° 96-16 n’a eu aucun effet concret. De plus, ce type d’armement n’entre dans aucun protocole international de déclaration, de limitation ou d’interdiction des armes nucléaires stratégiques car, bien qu’il s’agisse d’uranium, le fait qu’il soit appauvri en U-235, le métal à la base des armes nucléaires, lui permet d’échapper aux contrôles. Ainsi, le seul effet concret de ce classement de 1996, c’est que l’uranium appauvri a disparu du vocabulaire militaire, des catalogues et des notices des fabricants - mais pas des armes fabriquées ni des armes en cours de développement. Et lorsqu’un formulaire douanier se fait un peu trop indiscret, les exportateurs déclarent volontiers du tungstène en lieu et place d’uranium.
Bien que son rôle soit systématiquement minimisé, l’UA est cité en bonne place parmi les causes possibles, cumulatives, du « syndrome de la guerre du Golfe », regroupant divers symptômes et maladies. Ce syndrome est désormais officiellement reconnu, aux Etats-Unis, comme une réalité indiscutable. En effet, le « Comité consultatif de recherche sur les maladies des vétérans de la guerre du Golfe » a remis au Sénat des Etats-Unis et publié en novembre 2008 sur les presses du gouvernement américain son rapport final intitulé « La maladie de la guerre du Golfe et la santé des vétérans de la guerre du Golfe (Données scientifiques et recommandations) »
Le Comité, agissant sous la responsabilité du secrétaire aux Anciens Combattants (Secretary of Veterans Affairs) comprenait une quinzaine de spécialistes, en majorité des médecins. Son rapport s’étend sur 465 pages. Il reconnaît que, sur quelque 700 000 personnels militaires américains déployés en Asie du Sud-ouest en 1990-1991 au cours des opérations « Bouclier du désert » (Desert Shield) et « Tempête du Désert » (Desert Storm) connues sous le nom de « Guerre du Golfe » et de l’occupation qui a suivi, entre 185 000 et 210 000 sont tombés malades. Il n’indique pas le nombre des décès consécutifs à ces maladies ou à d’autres comme le cancer, frappant pour la plupart des hommes ou des femmes jeunes. Une étude publiée en février 2008 par le secrétariat aux AC n’a pas trouvé chez eux de différence de mortalité significative. Mais l’étude à laquelle il se référait s’était arrêtée en 1997. Aujourd’hui, d’après le Major Doug Rokke, plus de 70 000 anciens combattant(e)s du Golfe sont morts.
“Voilà plus de 17 ans que les Etats-Unis et leurs alliés ont libéré le Koweït des troupes de Saddam Hussein au cours de la guerre du Golfe de 1990-1991. Malgré la victoire rapide et décisive de l’opération « Tempête du désert », sur près de 700 000 militaires américains ayant servi pendant la guerre, au moins un quart ont éprouvé depuis leur rapatriement une série de problèmes de santé sérieux et persistants. Les tableaux pathologiques combinent typiquement des maux de tête chroniques, des difficultés cognitives, des douleurs multiples, une fatigue inexpliquée, des diarrhées chroniques, des éruptions cutanées, des problèmes respiratoires et d’autres anomalies. Cet ensemble de symptômes, aujourd’hui connu sous le nom de "syndrome du Golfe", échappe aux explications médicales habituelles comme aux diagnostics psychiatriques et il persiste, chez de nombreux vétérans, depuis 17 ans. Les symptômes spécifiques peuvent varier d’un individu à l’autre, mais un tableau pathologique d’une remarquable constance s’est dégagé des centaines de rapports ou d’études de cas portant sur différentes populations de vétérans de la guerre du Golfe, provenant de différentes régions des Etats-Unis et de pays alliés.” (Op. cit., page 3, traduit et souligné par nous.)
Plus d’un soldat américain sur quatre tombé malade après le conflit - et selon d’autres sources également crédibles, près d’un sur deux ! Des milliers décédés des suites de leurs maladies ! Cette hécatombe post-conflit est un phénomène unique dans l’histoire militaire mondiale.
Quant au rôle de l’Uranium appauvri, voici ce qu’en dit le Rapport (page 224) :
« Uranium appauvri - Une exposition de faible niveau à la poussière d’uranium appauvri produite par l’emploi de munitions qui en contiennent a été, pense-t-on, un cas largement répandu pendant la Guerre du Golfe, tandis que les troupes en position avancée ont subi l’exposition la plus importante. De récentes études effectuées sur des animaux ont mis en évidence les effets aigus de formes solubles d’uranium appauvri sur le cerveau et le comportement, mais les effets persistants résultant d’expositions de courte durée et de faible niveau, du type de celles subies par la majorité des vétérans de la guerre du Golfe, ont été à peine étudiés. Il existe peu d’information, qu’elle provienne de la guerre du Golfe ou d’autres études de cas humains, concernant les symptômes chroniques liés à l’exposition à l’uranium, appauvri ou non. L’exposition à l’uranium appauvri dans les conflits postérieurs à la guerre du Golfe, y compris au cours des conflits actuels au Moyen Orient, n’a pas été associée à grande échelle à des tableaux de symptômes multiples, ce qui suggère que l’exposition à l’uranium appauvri n’est probablement pas la cause première du syndrome de la guerre du Golfe. On continue toutefois à s’interroger sur les effets à long terme des expositions à l’uranium appauvri à plus forte dose, en particulier s’agissant d’autres aspects de la santé. »
En somme, d’après ce Rapport, on ne sait à peu près rien du lien causal entre l’uranium appauvri et le syndrome du Golfe, étant donné qu’on ne l’a pour ainsi dire pas étudié, mais on peut dire a priori que ce n’est pas sa cause première, bien qu’on puisse découvrir un jour que ce serait quand même le cas... Ces contorsions intellectuelles ont du mal à masquer l’embarras de la commission d’enquête officielle devant les conclusions auxquelles sont déjà parvenus de nombreux chercheurs indépendants.
Par exemple Dan Bishop, docteur en chimie et président de l’International Depleted Uranium Study Team (Colorado, USA), selon qui “les études de plusieurs vétérans de la guerre du Golfe ont montré que chacun d’eux a absorbé une dose initiale égale à 0,34 g d’Uranium appauvri, qui reste en permanence dans les tissus des poumons. Ceci correspond à 4,3 millions de particules d’un diamètre de 2,5 microns. L’activité alpha pour 0,34 gramme d’UA est de 5,2 Becquerel (5,2 désintégrations alpha par seconde, 160 millions de désintégrations alpha par an), aboutissant à une activité totale (alpha, bêta et gamma) égale à 26 désintégrations par seconde, ou 800 millions d’événements radioactifs par an.” Or on connaît sans aucun doute possible les conséquences sur la santé de ces millions d’ « événements » : ne pouvant pas être tous « réparés », les dommages causés aux cellules, les coupures chromosomiques, les altérations de l’ADN - tout cela dûment constaté en laboratoire, entre autres par les « récentes études effectuées sur des animaux » dont parle le Rapport officiel cité plus haut - ont pour effet de déclencher des symptômes de maladies (cancers, leucémies, lymphomes, diabète, stérilité, malformations fœtales...) qui deviennent irréversibles.
Il va sans dire que la population irakienne fait elle aussi les frais de l’UA déversé en Irak. Ainsi, selon le Dr Jawad Al-Ali, du Centre oncologique de Bassora, les cancers mortels dans la région de Bassora sont passés de quelque 25 en 1988 à plus de 600 en 1998. Les malformations de nouveaux-nés se sont multipliées et ont pris des formes monstrueuses.
Et à Gaza, que va-t-il se passer ? A Gaza, le massacre continue malgré la résolution 1860 du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant le 9 janvier 2009 un cessez-le-feu immédiat. Confortés dans nos conclusions par les informations reçues, par l’intermédiaire de Jean-François Fechino, d’une source qu’il juge fiable, située dans l’appareil militaro-industriel américain, nous publions le 14 janvier un deuxième article reprenant les données alors connues de nous :
Génocide à l’Uranium Appauvri à Gaza : le dossier
Cette publication suscite de vives réactions.
10. Historique de la GBU-39
Contrairement aux bombes "gravitationnelles" qui tombent d’un bombardier lorsque celui-ci survole sa cible ou s’en approche, la "bombe intelligente GBU-39" est capable, grâce aux ailes qu’elle déploie une fois lancée par l’avion porteur, de profiter de son énergie cinétique pour « planer » en descendant, et atteindre une cible située (suivant l’altitude de lancement) jusqu’à 60 miles nautiques (110 km) en avant et 40 miles (75 km) à droite ou à gauche de l’avion au moment du largage. Elle peut même effectuer, selon certaines sources, un arc de cercle pour frapper une cible située derrière l’avion qui l’a lancée. En contact avec les installations au sol sur le théâtre d’opération, elle est guidée par un système de positionnement GPS et de calcul de trajectoire qui lui permet de modifier celle-ci pour atteindre sa cible avec une précision à l’arrivée de l’ordre du mètre. Ce système préprogrammé peut en outre être reprogrammé par l’équipage juste avant le lancement. Chaque bombe peut avoir sa cible.
Répondant à un appel d’offres lancé deux ans plus tôt, la firme Boeing a été retenue en août 2003 pour développer cette "bombe de faible diamètre" (SDB-Small Diameter Bomb) après une sévère compétition où elle a été accusée -et convaincue- de corruption.
La SDB-1 ou GBU-39 a reçu sa certification en septembre 2005, sa production en série a débuté en avril 2006, et les premiers exemplaires ont été livrés à l’US Air Force début septembre 2006, en avance sur le calendrier et à un coût moins élevé que prévu.
A cette occasion, le Maj. Gen. Jeffrey Riemer, responsable de la coordination du programme entre l’USAF et les différents fournisseurs, déclarait :
"Nous sommes enthousiasmés (excited) par le déploiement de cette arme, la SDB-1, qui vient s’ajouter aux diverses options létales du F-15E (Strike Eagle) dans la guerre contre le terrorisme."
D’après lui, sa marge d’erreur à l’arrivée ne dépassait pas 1,20 m.
Le F-15E peut en emporter 4 sous son fuselage, avec un attelage BRU-61 d’un poids total en charge de 664 kg, au lieu d’une seule bombe ordinairement beaucoup plus lourde. Le lancement de chaque bombe est pneumatique et non par mise à feu d’une cartouche explosive, ce qui supprime l’entretien courant, facilite la manutention, et accélère le rechargement de l’avion au retour d’une mission. Celui-ci peut donc effectuer des frappes multiples et des rotations accélérées.
La précision, la fiabilité et la charge explosive limitée de la GBU-39, donc aussi sa moindre "létalité" (ou capacité meurtrière), réduisent fortement les risques de "dommages collatéraux". Ce qui permet des emplois interdits jusque-là : contre des combattants ennemis situés à proximité immédiate de "troupes amies"... ou au milieu d’une population civile amie, neutre ou ennemie, que l’on est censé épargner d’après les "lois de la guerre" et le droit international. L’idéal, en somme, pour la guerre "anti-guérilla" ou "anti-terroriste"...
Dès le 5 octobre 2006, un mois après leur livraison aux Etats-Unis, deux avions F-15E "Strike Eagles" appartenant à la 494e Escadrille de Combat déployée en Asie du Sud-Est, en utilisaient des exemplaires pour la première fois contre des cibles réelles, en soutien aux troupes terrestres agissant en Irak. Le général North célébrait l’événement dans les termes suivants :
"Grâce à sa taille réduite, nos avions peuvent en emporter sur le champ de bataille un nombre accru, apportant ainsi aux combattants au sol davantage de possibilités de défendre leurs positions, en détruisant avec précision des cibles qui pourraient menacer les vies de soldats américains, de la coalition ou irakiens."
"La SDB est exceptionnellement qualifiée pour des cibles urbaines exigeant une grande précision et des dommages collatéraux réduits, et pour des missions de soutien aérien rapproché auxquelles nos équipages se trouvent confrontés dans le cadre des opérations "Iraqi Freedom" et "Enduring Freedom". Nous sommes maintenant en mesure d’intervenir en des endroits où les dommages collatéraux pourraient être un souci."
Le 19 décembre 2006, la firme Boeing annonce que l’US Air Force lui verse 80 millions de dollars - sans doute à titre d’à-valoir - pour une première commande de 1600 SDB1 et divers équipements associés à la bombe. Il ne s’agit que d’un premier contrat, puisque "Boeing fabriquera plus de 24 000 SDB1 et 2000 supports livrables d’ici à 2015".
11. Un brevet ambigu
« Bombe guidée » et de « petit diamètre », la GBU-39 ou SDB1 est le type même de « petite bombe intelligente » (« small smart bomb ») et autres « systèmes d’armes employant le même principe », que décrit le brevet « US Patent App.11/541,207, 2006 ». Ce brevet est accordé à MM. SD Roemerman et JP Volpi - sûrement connus de la firme Boeing. Il est publié le 12 juillet 2007 mais semble remonter à novembre 2006, le mois précédant la commande de 1600 bombes passée à Boeing par l’USAF. En tout cas, c’est bien la GBU-39 qui est visée et protégée en priorité par ce brevet : elle y est expressément citée au § 43, ainsi que dans le tableau 2, continué page 8, colonne « Remarks », où elle est citée avec son poids effectif de 285 livres comme étant « la » SDB concernée par le brevet.
A la page 7 de ce document, le § 33 cite « le zirconium » comme exemple de « matériau pyrophorique » pouvant être incorporé dans une « petite bombe intelligente ». Le § 34 explique que « les matériaux non-explosifs auxquels ce document s’applique sont essentiellement inertes dans des environnements normaux et dans des conditions favorables » (« the non-explosive materials applied herein are substantially inert in environments that are normal under benign conditions »). Ce qui veut dire que « dans des conditions normales de manipulation » (« in normal handling »), ils ne risquent pas de « devenir destructeurs d’une façon soit explosive, soit incendiaire » (« to become destructive in an explosive or an incendiary manner ») car « le facteur explosif potentiellement létal est minime ou inexistant. »
Or, voici la liste de ces « matériaux sélectionnés » (selected materials) cités en exemple pour leur « inertie » : « le tungstène, l’acier trempé, le zirconium, le cuivre, l’uranium appauvri, et autres matériaux de ce genre » « (e.g. tungsten, hardened steel, zirconium, copper, depleted uranium and other like materials) ».
L’uranium appauvri ! Dans un texte juridique où chaque mot compte et peut coûter ou rapporter des millions de dollars, rien n’est laissé au hasard. Alors pourquoi avoir cité un produit aussi "mal famé" que l’uranium appauvri ? Serait-il cité là par erreur, par inadvertance, ou parce que ce serait un matériau "exemplaire" ? Non, certes. Mais parce qu’il faut l’avoir cité au moins une fois dans la « patente » pour que sa mise en œuvre soit, à l’avenir, protégée de la concurrence devant les tribunaux. Une fois, mais pas plus et en passant, dans une énumération, pour éviter d’attirer l’attention sur « ce genre de matériau ».
Voilà sans doute pourquoi il n’est pas repris dans le tableau 1 qui, sur la même page, énumère les matériaux entrant dans la composition d’une « petite bombe intelligente », avec, pour chacun, sa fonction, sa nature, sa densité, son poids et son volume. Sont cités : en première ligne, le tungstène, en tant que « ballast » (il est donc retenu ici avant tout pour son poids, et c’est justement le principal mérite de l’UA). Puis l’aluminium, le pyrex, l’acier, des matériaux électroniques divers, des polymères et enfin l’explosif (sans indication de poids). Le nom de la bombe n’est pas donné. Le poids total, étonnamment précis, est aussi dérisoirement petit (25,036 livres). En fait il faut le multiplier par 10 (donc aussi le poids des composants) pour obtenir le poids réel : 250 livres - sans compter le poids d’explosif. Ce qu’il faut retenir du tableau, c’est surtout le rapport de poids entre les différents matériaux. Sur 25,036 livres, le « ballast » en « tungstène », représente à lui seul 20,239 livres, soit plus de 80 % du poids total, hors explosif. Et si l’on multiplie par dix : 202,39 livres. Soit approximativement 80 kg.
Hypothèse : l’« uranium appauvri » dont il est question au § 33 a été remplacé, dans le tableau 1, par le mot « tungstène ». Procédez à l’opération inverse : remplacez « tungstène » par « uranium appauvri », et vous avez le poids d’UA dans une SDB1 : 80 kg. Ou peut-être un peu moins, s’il entre dans un alliage dont les autres composants ne sont pas cités, secret industriel oblige... Hypothèse, bien sûr !
12. Gaza, terrain d’essai
Le coût réduit de la GBU-39 (mais les estimations varient : de moins de 30 000 $ - prix d’ami pour l’USAF - à 100 000 dollars pièce, tout de même...) est intéressant pour les clients en général et Israël en particulier (pour qui il est question quelque part de 67000 $ l’unité). Il se peut même qu’en échange de son expérimentation massive sur le terrain, in vivo, Israël ait bénéficié d’une grosse ristourne, voire d’une livraison gratuite. Car on ignore en fait les conditions réelles du transfert... et Boeing a nié officiellement y avoir procédé ! Alors qui ?
L’ensemble de ses caractéristiques fait de la GBU-39B, version SDB1, l’arme idéale pour l’offensive contre Gaza.
Une version capable de frapper des cibles mobiles (SDB2) a également été commandée à Boeing, associé cette fois à Lockheed. Il était prévu que son développement aboutisse fin 2009, les essais de qualification étant programmés pour avril 2009. Rien n’autorise à penser que l’armée de l’air israélienne ait déjà disposé de tels engins en décembre 2008, dont elle n’avait d’ailleurs nul besoin - à moins bien sûr que « Plomb durci » ait aussi servi de banc d’essai à quelques prototypes de SDB2.
La capacité de pénétration de la GBU-39 permet de détruire aussi bien les sites enterrés de lancement de roquettes que les tunnels ou les boyaux souterrains du « corridor Philadelphie ».
Sa précision permet d’atteindre des cibles fixes prédéfinies, tout en réduisant les "dommages collatéraux" dans la population civile - de surcroît avertie par tracts ou par téléphone mobile d’avoir à évacuer au plus vite les cibles, c’est-à-dire les maisons ou les sites liés d’après Tsahal aux infrastructures du Hamas, à la fabrication, au stockage ou au lancement de roquettes Qassam contre le sud d’Israël. Ce qui réduit d’autant le risque politique, juridique et diplomatique, d’être accusé de perpétrer des massacres et des crimes de guerre.
Avec la semi-vacance du pouvoir aux Etats-Unis pendant la période de transition entre l’administration Bush et l’administration Obama, présumée beaucoup moins favorable à une action militaire (on note d’ailleurs qu’Israël interrompt « Plomb durci » deux jours avant l’investiture d’Obama), avec l’expiration de la trève acceptée 6 mois plus tôt par le Hamas, avec les fêtes de fin d’année propres à détourner l’attention de l’opinion mondiale, la disposition et la maîtrise des GBU-39 par l’IAF (Armée de l’Air Israélienne) explique le « timing » de l’opération. Début septembre 2008, on l’a vu, le Congrès américain a autorisé la vente de 1000 exemplaires à Israël. Elles lui sont livrées début décembre. Il faut les rendre opérationnelles. Monter les racks sur les F15E. Préparer le support logistique. Entraîner les équipages. Le 19 décembre, la trève expire. Le 27 décembre, l’offensive aérienne commence. Un samedi, jour de shabat, histoire d’augmenter la surprise.
Le problème, c’est que la GBU-39, si elle limite les risques de crimes de guerre, entraîne le crime contre l’humanité. Il y a en effet « un souci » qui n’apparaît dans aucun descriptif : l’Uranium appauvri.
13. « Le génocide de Gaza a commencé »
Gaza est une étroite bande de terre hébergeant sur 360 Km2 près d’un million et demi d’habitants, avec une densité de 3823 habitants au Km2.
La coque des bombes GBU-39 contient de l’Uranium « appauvri », ce n’est qu’une façon de parler. Il est appauvri en U235, mais enrichi en U238 - qui perd la moitié de sa radioactivité en 4,5 milliards d’années.
L’UA est un redoutable poison chimique et radiologique qui brûle aisément à l’impact et se transforme en particules radioactives extrêmement petites (micrométriques et même nanométriques, c’est-à-dire de l’ordre du millionième de millimètre) qui échappent à toute barrière et tout type de masque à gaz. Les produits de toutes ces combustions d’uranium voyagent avec les mouvements de l’air, contaminent l’atmosphère et pénètrent dans les organismes via la respiration, l’ingestion ou les moindres blessures. Ainsi, une partie de l’uranium se retrouve sous forme d’oxyde d’uranium radioactif invisible dans l’atmosphère que les populations respirent, tandis qu’une autre partie contamine les sols, les sous-sols, les nappes phréatiques, la végétation et la chaîne alimentaire.
Les conséquences de l’utilisation de bombes à l’UA en Afghanistan et en Irak sont parfaitement connues, démontrées et dénoncées par de nombreux scientifiques - sinon tous, excepté ceux dont le salaire émarge aux budgets des armées américaine, française, israélienne... et autres. Elles ont été rendues dramatiquement visibles par les photos insoutenables de nouveaux nés mal formés.
On imagine sans peine les conséquences catastrophiques que de tels bombardements pourront avoir sur la population de Gaza : cancers, malformations congénitales, maladies du système immunitaire... et ce d’autant plus qu’elle souffre de malnutrition chronique et de manque de soins, en raison notamment du blocus israélien.
Lorsqu’ils ont décidé de larguer des bombes GBU-39 contenant de l’UA sur des zones densément peuplées de Gaza, les responsables israéliens ne pouvaient pas ne pas en connaître les effets. Mais la population israélienne, dont on peut comprendre la lassitude et l’exaspération sous les tirs de Qassam et d’obus de mortiers, les connaît-elle, aujourd’hui encore ?
Se doute-t-elle que son gouvernement, tout en déclarant viser les dirigeants, les militants et les installations du Hamas, procédait, délibérément ou non, à un « nettoyage ethnique » lent de la population palestinienne, qui sera inéluctablement contaminée, et à une destruction de son environnement ? Mesure-t-elle le risque qu’elle court d’en devenir elle-même victime, puisque les mouvements atmosphériques ne s’arrêtent pas aux frontières de Gaza ? Sait-elle que, même s’ils sont revenus indemnes ou légèrement blessés de cette opération terrestre, les soldats de Tsahal peuvent avoir été eux aussi marqués à vie dans leurs poumons, leur sang ou leur capital génétique par les effets de cette arme perverse ?
14. Lettre à Ban Ki-moon : les Nations Unies doivent enquêter
Le dimanche 18 janvier 2009, le jour même où Israël annonce qu’il cesse son opération militaire, nous envoyons par fax et par courriel une lettre au Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon. Elle évoque les armes radioactives employées à Gaza, les précédents connus, en Irak, dans les Balkans et en Afghanistan, et poursuit :
« Le même malheur risque de survenir dans la bande de Gaza et dans les pays voisins, comme l’Egypte, la Jordanie, et Israël lui-même. En outre, les nanoparticules d’uranium en suspension dans l’atmosphère peuvent voyager beaucoup plus loin encore, de sorte qu’aucune partie de la planète ne se trouve à l’abri de leur contamination.
« En s’attaquant à l’ADN des cellules, l’uranium inhalé, ingéré ou passé dans le sang ne multiplie pas seulement les cancers et diverses pathologies, il s’attaque aussi au patrimoine génétique de ses victimes. Il contamine l’environnement pratiquement pour l’éternité, puisque l’U238, principal composant de l’UA, a une demi-vie radioactive de 4,5 milliards d’années.
« Les armes à Uranium appauvri présentent donc un caractère génocidaire, voire anthropocidaire, et leur emploi relève du crime contre l’humanité.
« Nous avons conscience que seuls des prélèvements sur place et des analyses scientifiques approfondies, multiples, contradictoires et objectives, permettraient soit de vérifier nos craintes en mettant en évidence la présence de matières radioactives, soit de les écarter, ce dont nous nous réjouirions au plus haut point. Si des matières radioactives sont trouvées, des mesures d’urgence devront être prises pour décontaminer les lieux, informer et protéger la population dans toute la mesure du possible.
« C’est pourquoi nous vous demandons instamment de bien vouloir ordonner dans les plus brefs délais une enquête sur le terrain, à la recherche de traces radioactives. Nous présumons que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement pourrait en être chargé, puisque lors d’une précédente affaire sur laquelle l’une de nos associations avait eu l’occasion d’attirer votre attention et celle de l’AIEA, cette dernière nous a fait savoir que ce type d’enquête n’entrait pas dans le cadre de ses missions. »
La lettre est cosignée par Jean-Marie Matagne pour ACDN, Paolo Scampa, pour l’Association Internationale pour la Protection contre les Radiations Ionisantes (A.I.P.R.I.) et Alain Acariès, père d’un casque bleu de la FORPRONU (Balkans) décédé des suites d’une contamination -démontrée par les analyses d’un laboratoire italien- par des nanoparticules issues de l’usage d’armes à l’uranium appauvri, et par ailleurs secrétaire d’AVIGOLFE.
Ils suggèrent de confier cette enquête au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), qui a déjà enquêté sur ce sujet dans les Balkans et qui a su trouver de l’uranium appauvri là où il y en avait.
De leur côté, les ambassadeurs des pays arabes accrédités en Autriche font remettre le 19 janvier, par le Prince Mansour Al-Saud, une lettre à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique dans laquelle ils s’inquiètent de l’information « médicale et médiatique » selon laquelle « des traces d’uranium appauvri ont été trouvées dans des victimes palestiniennes ». Ils demandent à l’AIEA de mener « une enquête radiologique et physique en vue de vérifier la présence d’uranium appauvri dans les armes utilisées par Israël dans la bande de Gaza. » L’AIEA fait rapidement savoir qu’elle agrée la demande et va mener l’enquête. Ce qui écarte le PNUE de cette mission.
Quatre mois plus tard (mai 2009), l’AIEA n’a pas trouvé un seul expert à envoyer sur le terrain. Il est vrai qu’avant même la venue des enquêteurs sur le terrain, le porte-parole du gouvernement israélien avait assuré qu’ils ne trouveraient rien. Précédemment, le chef d’état-major de Tsahal avait commencé par nier, le 13 janvier, l’usage de bombes au phosphore blanc qui sautait pourtant aux yeux de tout le monde, avant d’être obligé de le reconnaître le 20 janvier et de se replier sur une deuxième ligne de défense : "ce sont des armes autorisées". Oui, tout juste tolérées - mais tout de même pas contre des civils... Quant à la radioactivité des GBU-39, nous comprendrons plus loin pour quelles raisons techniques Tsahal croit pouvoir encore moins être prise « la main dans le sac ».
15. L’art de l’esquive
Les GBU sont construites aux Etats-Unis par la firme Boeing dans son usine de Saint Louis (Missouri). Sachant cela, un citoyen américain resté « sceptique » devant les assertions d’ACDN, Jack Cohen, demande au Ministère de la Défense (DOD) des Etats-Unis s’il y a ou non de l’uranium appauvri dans les GBU-39. En attendant la réponse du ministère, il pose au responsable de la communication de Boeing la question suivante : « L’usine Boeing de Saint Louis a-t-elle une licence du Ministère de l’Energie (DOE) pour détenir ou traiter de l’uranium appauvri ? » (« Does the Boeing facility in St. Louis have a DOE license for holding or handling depleted uranium ? »). Il reçoit cette réponse : « Boeing n’a pas de licence, étant donné qu’il n’y a pas d’activité relative à l’uranium appauvri dans notre usine de Saint Louis/Saint Charles. » ("Boeing does not have a license as there is no depleted uranium activity at our St. Louis/St. Charles facility.")
Mais en analysant de près cette réponse, on s’aperçoit que, malgré ses allures de démenti, elle n’implique nullement qu’il n’y ait pas d’uranium appauvri dans les GBU-39 : leur « construction » à Saint Louis peut se limiter au montage de pièces détachées, elle n’implique ni hauts fourneaux, ni fonderie pour les alliages métalliques, ni même l’usinage des pièces. Pour remonter la piste de l’uranium appauvri, il faudrait s’adresser aux laboratoires de l’USAF, ou au sous-traitant qui fournit le corps de bombe. Mais l’USAF, également interpellée par Jack Cohen, a sa réponse toute prête : « No comment ». Comme prévu.
16. La GBU-39B : portrait au 20 mai 2009
Les informations accessibles dans le domaine public et celles recueillies de plusieurs sources par Jean-François Fechino aboutissent, à ce jour et sous réserve des modifications qu’autorisera l’afflux de nouvelles informations, à dresser de la GBU-39B le portrait suivant :
La GBU-39B pèse au lancement 130 kg (285 livres anglaises, ou lb, la livre anglaise pesant 453,592 grammes). La bombe proprement dite pèse, si c’est bien le cas, 113 kg (250 lb).
La différence, soit 17 kg, correspondrait au « kit de navigation », lequel comprend :
une coque extérieure en carbone, très légère et très lisse, favorisant la pénétration dans l’air ;
rattachés à cette coque, un empennage et des ailes, eux aussi en carbone ; les ailes, repliées au départ, se déploient quelques secondes après le lancement, lorsque la bombe a pivoté sur elle-même de 180° ;
un servomoteur et des petits vérins permettant de déployer les ailes et de varier ultérieurement leur ouverture et leur orientation pour régler la trajectoire sde la bombe ;
un système anti-brouillage de positionnement GPS et de navigation (Advanced Anti-Jam GPS aided Inertial Navigation)
L’ensemble de ce kit explose à l’impact sur la cible.
La bombe elle-même pesant 113 kg, comprend :
un détonateur pouvant être programmé pour provoquer l’explosion juste avant, pendant ou après l’impact sur la cible, selon l’effet recherché ;
près de 23 kg d’explosif (50 lb soit 22,680 kg) : le tritonal, un dérivé de perchlorate d’ammonium dans lequel l’alumine a été remplacée par de la poudre d’UA (à hauteur de 10%), et auquel a été ajouté du fulminate.
Le tritonal est classé dans la catégorie des explosifs à haute énergie (HE), il se présente sous forme d’un solide légèrement pulvérulent qui réagit à la moindre étincelle électrique. On le coule en forme de boudin serré qui va se consumer à très haute vitesse et dégager un gaz qui, comprimé par l’enveloppe de la bombe, la fait exploser et voler en éclat, le tout à une vitesse de l’ordre du centième de seconde.
Cet explosif hyper puissant assure une grande vélocité aux "échardes de métal", lesquelles s’enfoncent dans tout de ce qui se trouve sur leur passage et s’enflamment du fait qu’elles contiennent de l’Uranium Appauvri pyrophorique. Elles traversent les corps humains de part en part et seul le béton les arrête à une profondeur d’environ un mètre. Ensuite, elles brûlent, en dégageant un maximum de chaleur et un minimum de fumées... et ce en raison des "mini impacts" largement répandus autour de la cible.
Il n’est pas exclu toutefois que les GBU-39 ou certaines d’entre elles aient été chargées du dernier cri en matière d’explosif : le D.I.M.E. (Dense Inert Metal Explosive).
une coque (cover) métallique constituée d’un alliage composé de 10 % de titane, 10% de tungstène, 80 % d’uranium appauvri.
L’alliage Ti/Tu/UA est "friable" et "préformé" en "aiguilles d’aciers" ou échardes d’acier (preformated alloy iron sharps). L’explosion est réalisée pour les faire "voler en éclats" selon leurs "préformatages". Elles tiennent en raison du moulage lors de la coulée et sont maintenues en forme (en dépit des contraintes de forces et de vitesse) par le manteau de fullérènes qui, lui aussi, explose en échardes.
une couche ou « manteau » (coat) de 2,5 mm d’épaisseur, constituée de fullerènes.
Cette couche enveloppant la coque métallique est destinée à renforcer sa dureté lorsqu’elle pénètre dans la cible après dislocation de l’enveloppe extérieure, et surtout à protéger l’UA d’un frottement prématuré ou excessif lors de la pénétration dans la cible, en particulier lorsqu’il s’agit de bétons ultra durs (enforced ultra strong concrete) dans lesquels on a mélangé de la fibre de carbone ou carbure de tungstène (carbon tungsten fibers).
Les fullerènes sont un nouveau "type de carbone" à structures moléculaires renforcées, issu directement des laboratoires militaires de Los Alamos en liaison avec la recherche en nanomatériaux et structures de métaux, tant universitaire que privée. Aussi résistants que le diamant, les fullerènes se présentent extérieurement sous forme de suie noire.
Comme pour les autres armes expérimentées à Gaza, les matériaux et les autres caractéristiques des GBU assurent, avec l’ensemble du dispositif de leur mise en œuvre, un "service multiple" de destruction et de morbidité :
pénétration en profondeur des cibles enfouies sous terre, même les mieux protégées (bétons à hautes, très hautes ou ultra hautes performances ; blindages épais en acier, ou en acier renforcé à l’UA) ;
explosion différée jusqu’à la profondeur voulue et programmée ;
explosion ultérieure et autodestruction de l’engin, dans le cas où le dispositif primaire de mise à feu aurait échoué ;
destruction « classique », par effet de souffle, de la cible, depuis l’intérieur même ;
projection d’échardes métalliques dans les corps inertes ou vivants situés à l’intérieur ou à la périphérie de la cible, avec effet de « décapitation » ou d’ « amputation » sur les corps humains ;
crémation externe et interne des corps, les échardes métalliques devenant elles-mêmes des brandons ;
chez les blessés survivants, impossibilité de distinguer les éclats métalliques et de les extraire par une opération chirurgicale ;
réduction de la durée de survie des blessés et des brûlés, par empoisonnement interne, radiotoxique et chimique, dû à l’uranium appauvri ou à ses descendants ;
contamination radioactive de l’environnement naturel par dispersion, sur les lieux mêmes des explosions et au-delà, de nanoparticules d’uranium appauvri et d’autres radionucléides issus de l’uranium ;
atteintes au génome de la population.
En un mot : des armes génocidaires.
17. Combien d’uranium, et où ?
Boeing annonçait un corps de bombe (Warhead) de 206 livres ou 93 kg. (en fait 93,44 kg). Ce chiffre n’inclut pas le poids d’explosif. Mais il contredit d’autres données déjà citées, d’après lesquelles « la GBU-39B est équipée d’une tête ou corps de bombe (warhead) de 250 livres... contenant 50 livres d’explosif », ce qui implique logiquement que le corps de bombe pèse seulement 200 lb, soit 90,718 kg. Il faut donc supposer que Boeing y ajoute les poids, relativement minimes, du « manteau » de fullerènes et du détonateur - poids qu’il convient alors de déduire des 35 livres ajoutées à la « bombe nue » par le kit de navigation, pour conserver 50 livres d’explosif.
Quoi qu’il en soit, la coque métallique de la GBU-39 dépasse les 90 kg : elle pèse au maximum 93 kg, au minimum 90,718 kg. Admettons ce dernier chiffre. 80% d’Uranium Appauvri sur 90,718 kg d’alliage métallique font 72,57 kg. Si l’on y ajoute les 2,26 kg d’UA mélangé à l’explosif, lorsque la bombe atteint sa cible (une fois débarrassée de sa gangue de carbone, ses ailes, sa queue, etc.) le poids total d’Uranium Appauvri dans une GBU-39B doit être, approximativement, de 75 kg (74,83 kg). (Si les 206 livres dont parle Boeing se rapportaient seulement à la coque métallique, le poids d’UA atteindrait 77 kg.)
C’est cette masse extrêmement compacte, ce « lest » (« ballast »), arrivant en piqué, donc à grande vitesse (en effet, dans la dernière partie de sa trajectoire, la bombe est orientée de façon à chuter aussi verticalement que possible) qui permet à la GBU-39 de percer, avant d’exploser, au moins 90 cm de béton armé de haute résistance (le double selon plusieurs sources dont GlobalSecurity, qui rapporte que dès les premiers essais, elle a été capable de percer 6 pieds de « béton renforcé ») ou plusieurs dizaines de mètres de terre - jusqu’à 60 mètres... voire 100 mètres de profondeur dans un sol meuble. Et d’exploser à la profondeur programmée.
En fonction des informations parfois contradictoires dont nous disposions précédemment, nous avions largement sous-estimé le poids minimal d’uranium appauvri compris dans une GBU-39 et dispersé par son explosion. Aujourd’hui, nous pensons pouvoir dire que son poids réel doit tourner autour de 75 kg et rejoint l’hypothèse tirée de l’analyse du brevet déposé.
Si l’on suppose qu’Israël a « consommé » dans l’opération « Plomb durci » la totalité des 1000 GBU-39B (mais il peut en avoir gardé en réserve, par ex. pour l’Iran), ce seraient donc quelque 75 tonnes d’UA qui auraient été dispersées dans le sol et le sous-sol de la bande de Gaza, en partie dans les sites suspectés d’héberger des lance-roquettes, en partie et surtout dans les tunnels du « couloir Philadelphie » courant près de Rafah le long de la frontière égyptienne. Soit, sur une surface très restreinte et en plein cœur de zones peuplées, le cinquième du tonnage d’UA qui, selon des estimations généralement admises, aurait été dispersé sur l’ensemble du territoire irakien pendant toute la « guerre du Golfe » de 1991.
Il est pour le moins hautement probable que plusieurs centaines de GBU-39 ont été utilisées pendant l’opération « Plomb durci », injectant plusieurs dizaines de tonnes d’Uranium Appauvri dans le sol de Gaza.
Mais qu’en reste-t-il sur le terrain, en surface ? Rien à première vue. Pourquoi ?
Parce que la radioactivité, invisible, inodore et sans saveur, peut être présente sans que personne ne s’en aperçoive ; parce qu’il faut, pour s’en apercevoir, disposer de récepteurs spéciaux (compteurs Geiger, « Quartex »...), les placer très près de la source d’émission et être capable de les interpréter ; parce que le temps qui passe et les travaux de remblaiement rendent chaque jour plus difficile la collecte des indices à Gaza.
Parce que, contrairement à bien d’autres armements retrouvés sur place, y compris un corps entier, non radioactif, de GBU-10, semble-t-il, ayant fait long feu (voir les photos dans le « rapport préliminaire » de J-F Fechino), on ne retrouvera probablement aucun élément des corps de bombe de GBU-39 : pour le cas justement où elles feraient long feu, ces bombes ont été dotées d’un dispositif d’autodestruction à retardement.
Parce que l’Uranium Appauvri est constitué à 99,8 % d’Uranium 238 et qu’aucune des ondes émises par l’U238 -toutes dangereuses pour la santé- ne peut traverser plusieurs mètres de terre : ni les ondes alpha (qui sont arrêtées par la peau, mais sont aussi les plus nocives pour l’ADN lorsqu’elles franchissent cette barrière par inhalation ou par ingestion), ni les ondes bêta, ni même les ondes gamma (les plus puissantes).
Parce que les micro ou nanoparticules d’UA qui ont pu remonter par l’évent de pénétration de la bombe au moment de son explosion ont été aussitôt dispersées dans l’atmosphère, où elles se sont confondues avec le « bruit de fond » de la radioactivité naturelle ou artificielle préexistante, qu’elles ont augmentée sans qu’on puisse leur en attribuer la responsabilité.
Parce que la plus grande masse des particules d’UA se trouve emprisonnée sous terre, là où les bombes ont explosé... sans pour autant faire de cratère. En effet, la puissance de l’explosion est délibérément limitée. Son aire de souffle n’excède pas un diamètre de 26 pieds (moins de 8 mètres). Sous terre, elle crée seulement une sorte de cavité temporaire qui peut s’effondrer ensuite sur elle-même.
Elles ne vont pas cesser pour autant de faire des dégâts.
D’abord, dans son « rapport préliminaire » sur Gaza, J-F Fechino signale avoir relevé en plusieurs endroits des taux de radioactivité double des valeurs moyennes données par l’AIEA pour les mêmes lieux. Cette augmentation de la radioactivité ambiante n’a rien d’anodin, puisque on sait qu’il n’existe pas de dose minimale inoffensive pour l’être humain.
Ensuite, les Gazaouis qui ont reconstitué depuis janvier 2009 des tunnels dans la zone bombardée risquent de traverser des zones contaminées, d’inhaler des particules radioactives, et de développer à plus ou moins brève échéance des cancers et des symptômes comparables à ceux décrits dans le « syndrome du Golfe ».
Enfin, les radioéléments restés sous terre finiront par se retrouver dans les nappes phréatiques et par suite, dans la chaîne alimentaire.
Seule l’analyse d’échantillons prélevés à la bonne profondeur sur les lieux où l’on sait que des bombes ont explosé permettra de constater la contamination et la réalité du risque radioactif.
Ensuite, pour isoler et interdire d’accès les zones concernées en attendant (ou à défaut) de les décontaminer au moyen de gigantesques travaux de terrassement, les indications de l’Armée de l’Air Israélienne se révéleront indispensables. Elle seule peut dire avec précision quel type de bombe a été utilisé en tel et tel endroit, et à quelle profondeur les bombes étaient censées exploser.
Paradoxalement, et non sans un certain cynisme, Israël pourrait trouver intérêt à reconnaître l’usage de bombes radioactives : si nos assertions sont exactes, c’est quasiment tout le « corridor de Philadelphie » qui est, en profondeur, devenu radioactif - ce qui condamne le percement et l’usage de tunnels... Il va sans dire que le meilleur moyen d’éliminer ce risque, sinon le seul, serait de rendre les tunnels inutiles, c’est-à-dire de lever enfin le blocus inhumain et illégal de Gaza.
18. Autres armes mises en œuvre à Gaza
Les GBU-39 ne sont pas les seules bombes à avoir été utilisées contre les tunnels du couloir Philadelphie, loin s’en faut. Dès le 1er janvier, un journaliste italien (Pietro Battachi, dans “l’Occidentale”) signale que « ses sources » (militaires ou gouvernementales, manifestement) « parlent de dizaines de couloirs souterrains détruits par les GBU-28 de 5000 livres » (Le fonti parlano decine di corridoi sotterranei centrati dalle GBU-28 da 5000 libbre). Il n’est pas exclu, bien sûr, que les GBU-28 (des « bunker busters » conventionnels) soient citées à la place des GBU-39, qui peuvent faire le même travail en profondeur que les GBU-28, en pesant 16 à 20 fois moins.
Des « bunker busters” de fabrication israélienne comme la bombe PB500A1 de 1000 livres (425 kg) ou la Mk82 de 500 livres (227 kg) ont été aussi utilisées.
Les GBU-39 font partie, avec les munitions à fléchettes, les munitions au phosphore blanc, les munitions au DIME, de ces armes meurtrières que les dirigeants politiques et les chefs militaires israéliens n’ont pas hésité à mettre en œuvre au beau milieu de la population de Gaza et souvent directement contre elle.
Les dirigeants israéliens ne reculent pas devant l’emploi d’armes radioactives. La preuve : sur la photographie ci-dessous, on voit le soldat Idan Cohen, camarade du soldat Gilad Shalit, employé dans la même brigade de tank, le long de la frontière de la bande de Gaza. Elle est parue le 25 juin 2007 sur le site internet Ynet, du quotidien israélien à grande diffusion Yedihot Aharonot. Il porte sur l’épaule un obus-flèche dont la flèche est en uranium appauvri.
Pour mesurer ce que toutes ces armes signifient concrètement, il faut se reporter aux descriptions faites, par les chirurgiens présents à Gaza, des effets sur les victimes des "nouveaux types d’armes" ou des matériaux (phosphore blanc, DIME, tungstène, Uranium appauvri...) employés pendant l’opération « Plomb durci » : « A 2 mètres, le corps est coupé en deux ; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d’aiguilles. » Les blessés survivants « n’ont aucune trace de métal dans le corps, mais des hémorragies internes étranges. Une matière brûle leurs vaisseaux et provoque la mort, nous ne pouvons rien faire. » (Dr Mads Gilbert, Le Monde, 12 janvier) « Quand on commence à opérer, tout semble en ordre... Mais ensuite on découvre des dizaines de minuscules particules dans tous leurs organes. On dirait qu’un certain type d’explosif ou d’obus les a dispersées partout, et ces blessures miniatures, impossible de les opérer. » (Dr. Jam Brommundt, médecin allemand travaillant à Kham Younis, au sud de la bande de Gaza)
Comment ne pas se demander avec le Dr Gilbert : « Se peut-il que cette guerre soit le laboratoire des fabricants de mort ? Se peut-il qu’au XXIe siècle on puisse enfermer un million et demi de personnes et en faire tout ce qu’on veut en les appelant terroristes ? »
Et comment qualifier cette "guerre" qui fait d’un côté 14 tués (11 soldats israéliens, dont 4 victimes d’un "tir ami", et 3 civils, victimes d’un tir de roquette) et 50 blessés, et de l’autre côté, au moins 1330 tués et 5450 blessés, pour la plupart des civils, dont une moitié d’enfants ? (Source : Foreign Policy In Focus, Conn Hallinan, 11 février 2009)
A un contre cent, est-ce encore un combat, ou est-ce un jeu de massacre ? Une collection de crimes de guerre ? Le début d’un génocide qui n’ose pas dire son nom et qui se cache derrière la mémoire d’un autre génocide ?
Toutes les armes de guerre sont, par nature, « létales ». Mais celles qui utilisent des matériaux radioactifs, sous forme d’explosif comme dans les armes atomiques ou thermonucléaires, sous forme d’enveloppe métallique ou de pénétrateur pyrophorique comme dans les munitions à Uranium appauvri, ont une particularité qui devrait les prohiber dans tous les cas de figure : outre leurs effets directs plus ou moins « limités » selon la puissance de l’explosion, elles ont aussi et toujours des effets collatéraux « contaminants » pratiquement illimités dans le temps et l’espace.
Ce sont donc des armes triplement criminelles : en tant qu’armes de guerre (puisque la charte de l’ONU, on l’oublie trop souvent, prohibe la guerre comme moyen de régler les conflits) ; en tant qu’armes génocidaires ; en tant qu’armes écocidaires.
19. Les enjeux
Reconnaître l’extraordinaire nocivité des armes radioactives, en particulier des armes à « Uranium appauvri » aurait d’immenses conséquences - avant tout économiques et financières.
Cette reconnaissance impliquerait que les États responsables de leur emploi versent des indemnités compensatoires aux victimes de ces armes - si tant est que leurs effets puissent jamais être compensés- ou aux familles des victimes décédées.
Elle impliquerait de soigner les victimes encore en vie, tant civiles que militaires, ce qui coûterait fort cher ; il est donc préférable qu’elles meurent à petit feu, dans le déni des causes de leur sort. Car comment prouver aux commissions de pension militaire, des mois ou des années après avoir été exposé à de l’uranium appauvri -ou aux retombées d’une explosion nucléaire-, que le cancer des reins ou des poumons qu’on développe, ou la malformation congénitale de son enfant, sont dus à cette exposition ? De nombreux phénomènes peuvent les expliquer... Seuls les militaires blessés (en général par un « tir ami »...) et ayant conservé dans leur corps des particules décelables d’Uranium appauvri ont quelque chance d’en être reconnus victimes.
Cette reconnaissance impliquerait :
que toutes les armes comportant de l’uranium appauvri -munitions de toutes sortes : balles, obus, bombes, missiles, mines, mais aussi chars blindés à l’UA, comme le char Leclerc des Français ou ses homologues étrangers- soient retirées du service, donc remplacées (les armées ont horreur du vide), ce qui coûterait une fortune. De plus, l’uranium « réformé » devrait être rendu inoffensif, ce qui est impossible, ou stocké en lieu sûr et surveillé, ce qui coûterait encore plus cher.
qu’on cesse de les produire, ce qui mettrait au chômage nombre de « travailleurs de l’armement », donc accroîtrait la crise économique. Et surtout, ce qui réduirait les profits des actionnaires de Boeing, Lockheed, Raytheon et Cie. On sait que Boeing est déjà engagé pour plus de 24 000 GBU-39. Mais certains ont avancé pour les décennies à venir le chiffre de 150 000 unités. Sans parler de la GBU-40 (SDB2). Un programme de plus de 4 milliards de dollars à annuler, et le fleuron de l’USAF réduit à néant.
qu’on réhabilite les sites contaminés, ce qui coûterait encore une fortune. Ainsi, selon Jean-François Fechino, les 88 bombes à sous munitions CBU-105 WCMD-SWF, pesant chacune 417 kg, qui ont été larguées par les bombardiers B-1B pendant la guerre d’Irak de 2003 ont dispersé leur uranium sur une surface cumulée de 44 km2. Les 818 CBU-103 WCMD (autres bombes à sous munitions, de 429 kg), l’ont dispersé sur une surface cumulée de 218 km2. Et ce n’est là qu’une toute petite partie de l’uranium appauvri déversé au total en Irak : au moins 350 tonnes en 1991, et certainement plus de 1200 tonnes depuis 2003.
que les responsables de ces crimes à l’Uranium appauvri soient traduits en justice.
et enfin, que soit remis en cause l’ensemble de l’industrie nucléaire civile et militaire, grande pourvoyeuse d’uranium appauvri dont on ne sait que faire et que l’on « recycle » dans le secteur militaire.
Dans ces conditions, on comprend que certains dirigeants préfèrent conduire insidieusement la population du globe à sa perte.
20. La charge de la preuve
Nous avons, dans ce qui précède, décrit de manière précise les GBU-39. Cette description n’est pas exhaustive ; il se peut qu’elle soit inexacte sur certains points de détail. Mais nous avons aussi et surtout affirmé que les GBU-39 contiennent chacune une masse très importante, égale ou supérieure à 75 kg d’uranium appauvri. Si nous sommes dans l’erreur sur ce point essentiel, c’est à l’armée israélienne et à l’USAF, désormais, d’en apporter la preuve.
Comme utilisatrice et comme pourvoyeuse, elles doivent nous dire de quel alliage métallique est constitué le corps de bombe. Nous expliquer pourquoi les personnels bien informés (ils ne le sont pas tous, loin s’en faut) le considèrent comme « du métal chaud, très chaud » (« hot, very hot metal ») -en clair : radioactif- et pourquoi ceux qui le manipulent portent une combinaison spéciale. L’USAF doit nous expliquer pourquoi, en Afghanistan où elle utilise également des GBU-39, elle oblige les militaires alliés arrivant sur les lieux d’un bombardement à porter des combinaisons NBC. Les prétextes avancés sont spécieux.
L’Armée de l’Air Israélienne (Israeli Air Force) et l’US Air Force doivent laisser des experts indépendants équipés de compteurs Geiger accéder aux armes elles-mêmes, de préférence sans préavis et dans n’importe quel arsenal pour ne pas avoir le temps de les leurrer, comme les Israéliens surent si bien le faire lorsque le « centre de recherches nucléaires » de Dimona fit, dans les années 60, l’objet d’une unique visite d’inspection américaine : les étages souterrains voués à la production de plutonium militaire furent si bien masqués que les inspecteurs en ignorèrent l’existence.
Israël doit indiquer précisément les lieux où les GBU-39 ont été employées, en faciliter l’accès aux experts et autoriser le prélèvement d’échantillons pour analyse approfondie par des laboratoires indépendants. Aucun « secret industriel », aucun « secret défense » ne saurait être invoqué contre une telle enquête. Tout refus, au contraire, devrait être interprété comme un aveu du crime.
21. Dernière minute, 20 mai 2009 : la preuve est là
En avril 2009, une mission de 4 personnes dont Jean-François Fechino s’est rendue à Gaza sous l’égide de la Commission Arabe des Droits Humains. Les échantillons de terre et de poussières rapportés de Gaza ont ensuite été soumis à l’analyse d’un laboratoire spécialisé. Celui-ci y a trouvé de l’Uranium Appauvri (radioactif, cancérigène, tératogène), du Césium (radioactif, cancérigène) peut-être originaire de Tchernobyl, de la poussière d’amiante (cancérigène), des Composés Organiques Volatils (fines particules dangereuses pour la santé, surtout celle des enfants, des asthmatiques et des vieillards), des phosphates (oxydation du phosphore blanc), du tungstène (cancérigène), du cuivre, de l’alumine (cancérigène), de l’Oxyde de Thorium (ThO2) (radioactif, cancérigène)...
Des résultats détaillés seront transmis aux autorités compétentes et rendus publics dès que possible.
Conclusion : un seul camp, celui de l’humanité
Un génocide est l’extermination d’un groupe humain. Les armes à Uranium Appauvri sont des armes d’extermination. Elles frappent de façon indiscriminée une population entière, jusque dans son patrimoine génétique. Le groupe humain qu’elles frappent est la population qui en respire ou en ingère les retombées. Ce groupe ne se définit pas par ses appartenances politiques, nationales, religieuses ou ethniques, mais par sa situation géographique. Par cette localisation, il devient, pour des raisons physiques et météorologiques, la victime « privilégiée » de l’extermination, bien qu’aucune frontière n’assure à ses voisins qu’ils ne partageront pas son sort tragique à un degré quelconque.
La même remarque vaut pour les victimes des retombées radioactives d’essais ou de catastrophes nucléaires. Tchernobyl est en Ukraine, mais ses victimes sont aussi bien en Russie, au Belarus ou en France.
En ce sens, l’utilisation dans la bande de Gaza d’armes à Uranium appauvri, en particulier des bombes GBU-39, constitue bien, à double titre, un crime contre l’humanité : l’humanité des Gazaouis, l’humanité en général.
Le génocide est assez établi si les responsables civils ou militaires de l’emploi d’armes radioactives connaissaient, avant de les employer, leur caractère attentatoire à la vie, à l’environnement, à la survie et à la dignité des victimes de ces armes - en un mot leur caractère génocidaire. Cette condition suffit à démontrer le mépris dans lequel ils tenaient leurs futures victimes. Employer des armes radioactives, c’est donc bien commettre un génocide.
Mais c’est aussi un anthropocide : ce néologisme s’impose pour désigner un nouveau type de crime contre l’humanité, qui détruit les individus en s’attaquant à leur ADN, les familles en s’attaquant à leur descendance, les groupes en s’attaquant à leur génome, et l’espèce, en contaminant sans remède sa niche biologique.
C’est pourquoi l’humanité tout entière, à commencer par le peuple palestinien et le peuple israélien, doit se mobiliser pour dénoncer ce crime, exiger la sanction des coupables et la réparation pour les victimes, et pour prendre toutes les mesures propres à l’empêcher de se reproduire, où que ce soit, en Palestine, au Moyen-Orient ou ailleurs dans le monde.
Toutes les armes radioactives, atomiques, thermonucléaires, à l’uranium, quelle que soit leur formule, doivent être interdites et démantelées.
ACDN, le 20 mai 2009
Actualisé le 4 juin 2009
RAPPORT Sur l’utilisation d’armes radioactives
dans la Bande de Gaza pendant l’opération « Plomb durci »
(27 décembre 2008 - 18 janvier 2009)
© Jean-Marie Matagne / ACDN
Mai 2009
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