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ADRESSE AUX MAIRES DE FRANCE
Pour une France vivante dans un monde vivable, sans armes ni centrales nucléaires.

Par Jean-Marie Matagne et Patrick Moquay


Publié le 16 mars 2012

Patrick Moquay et Jean-Marie Matagne ont adressé début mars aux quelque 37 000 maires de France, par Internet, la lettre qu’on lira ci-dessous.

Madame, Monsieur le Maire,

La loi vous permet, comme à l’un des signataires cette lettre, de présenter la candidature à la présidence de la République d’une personne ayant ou non brigué cette charge, ou de vous-même.

Quel que soit votre choix et quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, nous souhaitons attirer votre attention sur trois aspects paradoxaux de la situation actuelle. Et vous proposer d’agir ensemble, dès à présent, pour obtenir la mise en œuvre de trois référendums qui permettraient au peuple français de choisir une France vivante, démocratique, juste et solidaire, tout en surmontant les crises multiples que notre monde traverse et que décrit le Préambule de la Charte pour un Monde Vivable que vous trouverez plus loin.

C’est en effet dans la perspective plus large de cette Charte que notre appel s’inscrit.

Premier paradoxe : après Fukushima

Une majorité de Français considèrent la catastrophe de Fukushima comme le plus grave événement de 2011, en raison du tsunami mais aussi et surtout de l’accident nucléaire qui l’a suivi. On en mesure encore mieux la gravité quand on apprend que le gouvernement japonais avait envisagé l’évacuation des 35 millions de personnes que compte l’agglomération de Tokyo. En mars 2011, au moment du tremblement de terre, le Japon avait 54 réacteurs nucléaires en service ; il n’en a plus que 2 et fermera le dernier fin avril. « Il est tout à fait probable que nul réacteur nucléaire ne sera remis en marche même cet été, vient de déclarer au parlement Yukio Edano, ministre japonais de l’Economie, du commerce et de l’industrie. Les tensions possibles provoquées par la demande d’énergie électrique n’influeront pas sur notre prise de conscience de l’insécurité de l’énergie atomique ».

Les Français sont conscients qu’avec 58 réacteurs, la même tragédie peut se produire en France. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) leur donne raison : « La catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi confirme que, malgré les précautions prises pour la conception, la construction et le fonctionnement des installations nucléaires, un accident ne peut jamais être exclu. » (Avis N° 2012-AV-0139 du 3 janvier 2012).

Pourtant, l’élection présidentielle exclut d’avance la seule solution sensée à ce problème, celle qu’ont choisie l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Italie, la Suisse et sans doute bientôt le Japon. Sourds à la leçon de Fukushima, les deux candidats présumés présents au 2e tour, s’il faut en croire les sondages, excluent l’un et l’autre la sortie du nucléaire, tant civil que militaire. François Hollande promet de fermer les deux vieux réacteurs de Fessenheim que Nicolas Sarkozy entend conserver, mais tous deux prévoient de prolonger les autres réacteurs jusqu’à 40 ans et plus, d’achever le réacteur EPR de Flamanville prévu pour fonctionner au moins 60 ans, de perpétuer la redoutable filière MOX. Bref, tous deux excluent la sortie du nucléaire civil - et tout référendum sur le sujet. Ainsi, quelles que soient leurs différences par ailleurs, nous serons condamnés aux risques et aux déchets nucléaires ad vitam aeternam - en somme jusqu’à la catastrophe. Sans avoir jamais pu dire notre mot. La France n’a pas encore eu son accident majeur ; il n’y a plus qu’à l’attendre pour changer de politique.

Deuxième paradoxe : la bombe atomique.

Le président Obama s’était engagé à construire un monde sans armes nucléaires. Il a commencé à le faire en appliquant avec les Russes le nouveau traité START et il envisage sérieusement de réduire le nombre des têtes nucléaires américaines jusqu’au niveau de la France. Qu’importe, la France ne bougera pas ! Pour M. Sarkozy, "la dissuasion reste pour la France un impératif absolu ; la dissuasion nucléaire est pour nous l’assurance-vie de la Nation" (sur le pont du Charles-de-Gaulle, 10 juin 2010). Quant à M. Hollande, il se veut « le garant de la capacité de dissuasion nucléaire de la France. C’est une prérogative spécifique du président de la République : je la revendique et l’assume pleinement. » (Nouvel Observateur, 22.12.2011)

Pourtant, refuser de négocier l’abandon de la force de frappe française dans le cadre d’un processus global d’abolition des armes nucléaires, c’est bafouer l’article 6 du Traité de Non Prolifération qui exige l’élimination de tous les arsenaux nucléaires. C’est encourager la prolifération nucléaire que l’on prétend combattre par ailleurs et justifier les guerres censées empêcher cette prolifération (hier contre l’Irak, demain contre l’Iran, après-demain contre d’autres pays). C’est menacer de massacrer des millions de civils, faire reposer la défense de la France sur la promesse de commettre un crime contre l’humanité, en rendre les Français complices - et victimes, le cas échéant, par mesure de représailles. C’est dépenser chaque année des millions d’euros pour entretenir et moderniser des armes dont le président Giscard d’Estaing a reconnu lui-même l’inanité dans ses mémoires, préférant l’occupation de la France à sa destruction nucléaire. Des armes "fondamentalement dangereuses, extraordinairement coûteuses, militairement inefficaces et moralement indéfendables", selon l’ancien chef des forces stratégiques US, le général Lee Butler.

Et là non plus, nous, citoyens et contribuables français, n’aurons rien à dire, pas plus demain qu’hier. Est-ce admissible ? Pour sa part, l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire réclame depuis sa fondation en 1996 un référendum sur ce sujet.

Troisième paradoxe : le déficit démocratique et le référendum.

Tout le monde ou presque s’accorde à penser que la démocratie française bat sérieusement de l’aile. Et voilà que le candidat Sarkozy lance l’idée de consulter le peuple par référendum ! On pourrait s’en réjouir, sauf que... En cinq ans de présidence, Nicolas Sarkozy n’a jamais organisé le moindre référendum. Il n’a jamais répondu à la demande précise de "référendum sur la mise en œuvre du désarmement universel et intégral qu’exige l’article 6 du TNP" qu’ACDN lui avait adressée dès le 29 juin 2007, et que des signatures illustres sont venues appuyer par la suite. Pire : avec le traité de Lisbonne, il a bafoué la réponse du peuple français au référendum organisé par son prédécesseur sur le projet de Traité Constitutionnel Européen. Plus récemment, il est intervenu pour empêcher le gouvernement grec d’organiser un référendum. Le référendum sur le sort des chômeurs qu’il projette aujourd’hui n’est donc qu’un nouveau « fait du prince », une proposition opportuniste qui, loin de démocratiser le fonctionnement de nos institutions, le dévoierait un peu plus.

Pour François Hollande, "il y a des référendums qui permettent de rassembler, d’autres qui divisent. Celui de 2005 sur le traité constitutionnel européen a divisé, profondément. Il faut faire très attention avec cette procédure." (Marianne, 17 février 2012). Or, c’est le propre de cette procédure (comme d’ailleurs de toute procédure destinée à trancher une question, y compris des élections) que de diviser les électeurs : entre les partisans du OUI et ceux du NON. Aussi a-t-on du mal à imaginer que M. Hollande organise spontanément un référendum sur quoi que ce soit. Surtout pas sur une question qui risquerait de diviser les troupes socialistes, comme ce fut précisément le cas en 2005, ou de faire apparaître que certains choix de M. Hollande, par exemple en matière de nucléaire civil et militaire, ne sont pas majoritairement ceux de ses électeurs ni même des militants de son parti.

François Bayrou, quant à lui, s’est hâté d’enfourcher le cheval du référendum en lui donnant un contenu constitutionnel. Ses propositions - instaurer un référendum d’initiative populaire, instiller une dose de représentation proportionnelle, reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé...- vont dans le bon sens. Mais prétendre réaliser un tel référendum dès juin 2012, c’est là encore un fait du prince, car le contenu d’une telle réforme ne peut être défini en quelques semaines, sauf à sortir tout harnaché du seul cerveau de M. Bayrou.

Une réforme des institutions et surtout un changement de pratiques s’impose assurément pour que la société civile puisse débattre et décider elle-même des grands problèmes qui la concernent et dont le prochain président de la République, quel qu’il soit, semble vouloir se réserver la décision.

Trois référendums nécessaires

Pour débloquer démocratiquement la situation, nous proposons que les Français soient consultés au cours de la législature 2012-2017 à travers trois référendums (non exclusifs). Les voici, exposés dans l’ordre d’urgence et de « faisabilité » où ils devraient avoir lieu.

Le premier référendum devrait porter sur une question telle que :

« Approuvez-vous que la France participe avec les autres Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».

Simple et facile à organiser, il pourrait avoir lieu à l’automne 2012, en tout cas avant la fin l’année, de façon à précéder l’élection présidentielle américaine, l’ouverture de la conférence internationale prévue par l’ONU sur un Moyen-Orient sans armes de destruction massive... et prévenir, s’il en est encore temps, une guerre entre Israël, l’Iran et les Etats-Unis.

Le deuxième référendum devrait porter sur le principe d’une sortie du nucléaire civil, et peut-être, subsidiairement, sur le délai de sortie. Pour ce faire, il faut que soit élaboré au préalable au moins un scénario sérieux de sortie, voire deux selon l’échéance plus ou moins rapprochée (par exemple cinq, dix ou vingt ans). Ce serait la tâche des ministères concernés (environnement, industrie, économie) de préparer ces scénarios, avec l’apport des ONG et des partis.

Le troisième référendum devrait être constitutionnel et préparé démocratiquement par un large débat national conduit tant par les partis politiques au sein des instances parlementaires ou électives, qu’au sein de la société civile, à travers la tenue de « conventions citoyennes » (groupes de réflexion de citoyens tirés au sort, comme les jurys d’assises), de colloques, d’états généraux, etc. Le but serait d’aboutir à un projet de réforme constitutionnelle cohérent, visant à remettre à plat des points tels que : la procédure référendaire (introduction du référendum d’initiative citoyenne), le nombre des députés, la composition du Sénat, le cumul des mandats, la parité des genres, la réforme territoriale, la représentation des minorités, l’introduction d’une dose de proportionnelle et d’une dose de tirage au sort dans les instances représentatives, la reconnaissance du vote blanc... Un tel chantier nécessite du temps mais devrait aboutir avant la fin de la prochaine législature à un référendum qui ouvrirait la voie à une paisible révolution démocratique.

Instruits par l’expérience des Etats Généraux pour un Monde Vivable, pendant lesquels, en trois jours, 150 personnes d’horizons très divers ont mis au point et adopté par consensus la Charte pour un Monde Vivable, ses 7 chapitres et ses 105 articles, nous croyons à l’intelligence collective quand l’esprit de solidarité l’emporte sur la volonté de dominer.

Ces trois référendums n’excluent pas d’en tenir d’autres, par exemple sur la politique économique, financière ou fiscale de la nation, ni de préparer et de participer à un référendum européen qui serait destiné à refonder l’Europe démocratiquement. Mais ils conditionnent, à notre avis, une prise en mains de leur destin et du destin de la France par les citoyens eux-mêmes.

Conclusion : le rôle des maires

Parce qu’ils sont des élus de proximité, les maires peuvent jouer un grand rôle dans ce processus. A vous de voir comment. Nous invitons simplement celles et ceux d’entre vous qui partageraient notre analyse :

- s’ils ont présenté un ou une candidate, à lui écrire pour lui demander de s’engager sur la voie des trois référendums cités plus haut (ou au moins de l’un d’entre eux) ;

- s’ils ne l’ont pas encore fait, à user de leur droit de présentation pour faire entendre au mieux ces propositions ;

- à lire et à signer la Charte pour un monde vivable ;

- à proposer une délibération de leur Conseil municipal en vue de faire adhérer leur commune aux Maires pour la Paix et au réseau mondial Abolition 2000

- à partager notre action en prenant contact avec nous.

Avec nos cordiales salutations.

Saintes et Saint Pierre d’Oléron, le 2 mars 2012

Jean-Marie Matagne
- Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
- Professeur agrégé de philosophie, Docteur d’Etat
- Ex-candidat à l’élection présidentielle de 2002, pour la sortie du nucléaire militaire et civil

contact@acdn.net ; 05 16 22 01 39

Patrick Moquay
- Maire de Saint Pierre d’Oléron, commune membre du réseau mondial Abolition 2000 et des Maires pour la Paix
- Président de la Communauté de communes de l’île d’Oléron
- Président du SAGE de la Charente

patrick.moquay1@orange.fr ; 06 03 52 00 63

Voir la Charte pour un Monde Vivable et son Préambule.