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Lundi 14 juillet 2014
Mgr Lafont, évêque de Cayenne et ancien aumônier de Soweto, apporte son soutien aux jeûneurs de Saintes

Mgr Dufour, archevêque d’Aix et Arles en fait autant


Publié le 5 août 2014

Lundi 14 juillet 2014

Chers amis,

Que la paix soit avec vous.

Retenu dans mon diocèse et par différents engagements, je ne peux être des vôtres physiquement pendant votre manifestation de jeûne, autour des 6 – 9 août prochains. Je tiens cependant à vous saluer et à vous dire ma solidarité entière dans le témoignage que vous portez et le désir de faire connaître au plus grand nombre le caractère criminel de l’armement nucléaire.

J’ai eu le privilège de me rendre à Hiroshima, le 6 août 1998, et de participer à la cérémonie interconfessionnelle à la mémoire des victimes de la bombe et en imprécation pour que cesse tout armement nucléaire. J’en garde un souvenir profond. Juifs, musulmans, taoïstes, bouddhistes et chrétiens de différentes religions se sont retrouvé, à ce point zéro pour dire non à la folie nucléaire.

Il n’y a aucune justification à la fabrication et au stockage d’armement nucléaire. Il faut le dire haut et clair. Il n’y a aucune justification au fait qu’il faudrait attendre que les autres baissent les armes pour que nous baissions notre armement nucléaire. Je fais miens les propos du professeur Monod :

« Le désarmement, tout le monde en parle, mais personne n’en veut en réalité. Si on y songeait sérieusement, quel est le pays qui aurait le courage de déclarer la paix au monde ? Un pays qui dirait : "Moi, je désarme", désarmement unilatéral ? Ça serait, à travers le monde, une telle flambée de stupéfaction que là, peut-être, les choses changeraient.

« La France est LE pays le plus qualifié pour un geste pareil, un geste qui aurait un retentissement prodigieux – j’allais dire cosmique. Là, les choses changeraient. » (1)

Je fais miens les appels répétés du Saint Siège à un désarmement total.

L’Afrique du Sud a procédé, au début des années 1990 au démantèlement de son armement nucléaire. Il est vrai qu’elle le faisait pour que cet armement ne tombe pas entre les mains de Nelson Mandela ! Quelle ironie ! Mais ce pays est-il, depuis, plus en danger ? Certainement pas !

Je dénonce l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui prétendent empêcher d’autres pays d’obtenir un armement nucléaire alors qu’ils se sont arrogé le droit d’en posséder !

Garder nos armes n’est ni humain, ni raisonnable, ni chrétien à fortiori. Je souhaite que mon Eglise ait le courage de le dire, tranquillement mais fermement et clairement. Vous êtes à l’avant-garde de ce combat et de cette conscience. Je vous félicite et je vous remercie. Continuez !

† Emmanuel Lafont

Evêque de Cayenne

[1] Théodore Monod, Les carnets de Théodore Monod, Le Pré aux clercs, 1997, p. 236

Réponse à Mgr Lafont

Lundi 4 août 2014

Cher Emmanuel,

Merci pour cette belle lettre d’encouragement. Agnostiques ou athées, chrétiens comme toi ou croyants d’une autre religion, nous partageons les mêmes convictions sur le point qui nous rapproche : le refus des armes nucléaires.

Un refus d’abord fondé sur la conviction que ces armes ont un "caractère criminel". Elles ne sont pas seulement, comme toutes les armes de guerre, destinées à blesser ou à tuer d’autres êtres humains et donc, à ce titre déjà, des instruments de crimes. Elles ont en outre la particularité de rendre impossible, en cas de guerre, la distinction entre civils et combattants, de servir à commettre des massacres, de prendre pour cibles des populations entières. A ce titre ce sont des armes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elles doivent donc être formellement prohibées, comme toutes les armes dites "de destruction massive" qui sont en fait des armes de massacre.

Dans sa Résolution 1653 XVI du 24 novembre 1961, « considérant que l’emploi d’armes nucléaires et thermonucléaires entraînerait pour l’humanité et la civilisation des souffrances et des destructions aveugles dans une mesure encore plus large que l’emploi des armes que les déclarations et accords internationaux (ont proclamées) contraires aux lois de l’humanité et criminelles aux termes du droit international », l’Assemblée générale de l’ONU déclarait déjà que « tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation. »

Comme l’ONU et comme toi, donc, nous pensons qu’"il n’y a aucune justification à la fabrication et au stockage d’armement nucléaire". Aucune justification morale possible.

D’où cette seconde conviction : le désarmement nucléaire doit être total, il ne peut souffrir aucune exception. Dans son avis consultatif rendu le 8 juillet 1996 à la demande de l’Assemblée générale de l’ONU, la Cour Internationale de Justice a estimé à l’unanimité qu’ « il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace. »

Comme toi, donc, nous faisons également nôtres, après les appels de l’ONU, « les appels répétés du Saint Siège à un désarmement (nucléaire) total ». S’il doit être total, il concerne chacune des nations dotées d’armes nucléaires et il les concerne toutes. La France, entre autres. Mais pas seulement elle.

C’est pourquoi je dois te préciser que, du 6 au 9 août, à Saintes, nous ne jeûnerons pas pour le désarmement unilatéral de la France. Nous jeûnerons pour réclamer l’abolition des armes nucléaires, l’engagement effectif et actif de la France dans ce processus auquel sont tenus tous les Etats nucléaires. Et la consultation des Français par référendum sur cette question précise : "Approuvez-vous que la France participe avec les autres Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?"

C’est en effet le seul moyen qui nous reste, à nous autres citoyens, pour obtenir le changement d’une politique poursuivie par tous les présidents de la République depuis le général de Gaulle, politique sur laquelle on ne nous a jamais demandé notre avis et qui fait de nous les financeurs et les complices de la préparation de crimes contre l’humanité, crimes dont nous risquons en outre de devenir victimes. Permets-moi, Emmanuel, de te renvoyer sur ce sujet à un article présent sur le site d’ACDN : Participation de la France à l’abolition des armes nucléaires : Pourquoi un référendum et pourquoi CE référendum ?

Soyons lucides : François Hollande a, moins que quiconque, l’intention de changer de politique. Il ne veut pas du désarmement nucléaire multilatéral et encore moins unilatéral de la France. Le seul moyen de l’y obliger sans attendre 2017 et l’élection, au demeurant fort improbable, d’un président antinucléaire et abolitionniste, c’est d’en appeler au peuple français, d’un côté, et aux tribunaux internationaux de l’autre, comme l’ont fait en avril 2014 les Iles Marshall devant la Cour Internationale de Justice : David contre Goliath : 9 états nucléaires traduits en justice pour la première fois, menacés de devoir liquider leurs arsenaux.

Notre jeûne n’est qu’un moyen d’attirer l’attention des journalistes, d’un certain nombre de responsables politiques et du public sur l’impérieuse nécessité de prendre en main notre destin collectif, national et international, pour une sortie du nucléaire militaire (et j’ajouterai : civil, car, comme on dit "les deux font la paire" et "Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl, Fukushima, plus jamais ça !").

Merci de nous avoir apporté ton soutien.

Fraternellement.

Jean-Marie Matagne



Le 2 septembre, Mgr Dufour nous a écrit ceci :

Chers amis

Pardon pour mon retard. Je viens apporter tout mon soutien à vos journées d’action et de jeûne pour l’abolition de toutes les armes nucléaires, et souscris à tout ce qu’a écrit mon confrère Mgr Emmanuel LAFONT.

Tenez bon.

+ Christophe DUFOUR
Archevêque d’Aix en Provence et Arles