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FRANCE : Les armes nucléaires dans la campagne présidentielle de 2007
Scoop : A la veille du 1er tour, Nicolas Sarkozy écrit à ACDN pour préciser son programme de défense

Deux lettres de Nicolas Sarkozy, et les réponses d’ACDN


Publié le 20 avril 2007

Dans sa lettre de trois pages en date du 18 avril, Nicolas Sarkozy fait un tour d’horizon digne d’un discours devant les auditeurs de l’IHEDN. Il ne change pas fondamentalement les conclusions que nous avions tirées des deux courriers, dont sa lettre du 26 mars 2007, que le candidat avait adressés auparavant à ACDN. Nous lui avons fait parvenir nos conclusions dans une lettre elle aussi datée du 18 avril (voir ci-dessous), qui s’est donc croisée avec la sienne. D’où notre communiqué en date du 19 avril, qu’on trouvera ci-après.

Néanmoins, cette troisième lettre de Nicolas Sarkozy apporte des précisions et des éclaircissements qui retiennent l’attention. ACDN lui répondra ultérieurement de façon détaillée. Nous ferons par ailleurs connaître entre les deux tours de l’élection les conclusions objectives et sans concession qu’appelleront les positionnements respectifs de chacun des deux candidats encore en lice, en matière de défense, de dissuasion, d’armements, et de débat démocratique. Pour le moment, reconnaissons que si nous ne partageons pas les postulats stratégiques de Nicolas Sarkozy ("la dissuasion [nucléaire] reste un impératif absolu. C’est une garantie pour notre Nation comme pour nos voisins européens"), dont nous contestons et la sagesse et la cohérence, ils ont du moins le mérite d’être clairs et explicites. En outre, malgré ces divergences de fond, nous sommes d’accord avec Nicolas Sarkozy sur plusieurs points, en particulier celui-ci : "un débat sur la Défense peut et doit avoir lieu. C’est la marque d’une démocratie moderne". Mais le limiter à l’enceinte du Parlement ne suffit pas.

Sur un sujet dont dépend la survie collective (celle des Français et du reste des humains), il nous paraît essentiel que le peuple français puisse s’informer, réfléchir, s’exprimer ET DECIDER. Nous pensons que le référendum sur le désarmement nucléaire que nous avons réclamé à tous les candidats en serait la meilleure occasion. A condition, bien sûr, que l’information et le débat soient authentiques et non manipulés. Nous regrettons que deux candidats seulement (José Bové et Marie-George Buffet) aient pris à ce jour l’engagement de l’organiser s’ils étaient élus. Et chacun comprendra qu’appeler à ne pas voter pour un candidat dont on réprouve les positions, ce n’est pas appeler à voter pour d’autres candidats qui ne feraient que partager les mêmes positions.


Lettre de Nicolas Sarkozy, le 26 mars 2007

Cher Monsieur,

La récente correspondance que vous avez eu l’amabilité de me faire parvenir a retenu toute mon attention et je vous en remercie.

C’est avec intérêt que j’ai pris connaissance de vos observations, de vos interrogations, de vos attentes ainsi que de vos doutes. C’est pourquoi, je tenais à vous apporter les précisions suivantes.

Garantir la sécurité de nos compatriotes, assurer la protection de nos intérêts vitaux restent la priorité de notre politique étrangère et de défense. Notre existence en tant qu’Etat et en tant que nation en dépend. Cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés. Elles relèvent du domaine de la dissuasion nucléaire autonome. Mais nos intérêts de sécurité évoluent aussi en fonction de l’interdépendance croissante des pays européens et de la mondialisation. Aujourd’hui, les nouvelles menaces sont la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, les Etats qui ont perdu toute structure étatique ou gouvernementale, la mise en danger de nos approvisionnements stratégiques, les catastrophes écologiques, humanitaires ou encore les pandémies. Ces menaces sont nombreuses, réelles, sérieuses. Cela doit nous conduire à améliorer nos capacités d’anticipation et d’analyse des crises et des menaces, à augmenter nos moyens de projection de troupes à l’étranger, ainsi que leur protection, à mettre en place une vraie protection du territoire et des populations civiles en cas d’attaques terroristes ou de catastrophes technologiques ou naturelles. La protection de nos intérêts de sécurité,notamment en matière de contre-prolifération, peut rendre également nécessaire une action dans des zones plus éloignées de nous, qui justifie de conforter le développement d’une capacité de frappe dans la profondeur en territoire hostile.

Il faut maintenir l’effort de défense au moins à son niveau actuel. Ce n’est incompatible ni avec une meilleure maîtrise financière et temporelle des programmes d’équipements, ni avec une révision plus régulière de nos analyses stratégiques. Cela doit s’accompagner de réformes de structure visant à faire de notre armée, de nos interventions, de notre industrie de défense des facteurs d’excellence pour notre pays. La construction d’une politique européenne de sécurité et de défense est un de nos grands objectifs pour les années à venir.

Enfin, promouvoir nos valeurs humanistes sur la scène internationale et assumer notre responsabilité de membre permanent du conseil de sécurité, et pour cela continuer d’exercer notre capacité d’influence dans le règlement des conflits internationaux, sont des objectifs déterminants de notre politique étrangère. Nous devons être fermes sur l’objectif de non-prolifération nucléaire qui est une nécessité absolue pour la sécurité du monde. Notre identité démocratique tout comme notre Histoire nous donnent la mission de promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde.

Par ailleurs, la dissuasion par le nucléaire est selon moi l’assurance vie de la Nation, la garantie qu’un autre Etat devra réfléchir avant de s’en prendre à la France sauf à s’exposer à une sanction immédiate. Si je suis élu Président de la République, je prends l’engagement de garantir la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes, dans le respect du principe de stricte suffisance des moyens déployés.

Je vous prie de croire, Cher Monsieur, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas SARKOZY,

Candidat à l’élection présidentielle


REPONSE d’ACDN à NICOLAS SARKOZY

Saintes, le 18 avril 2007

Monsieur le candidat,

Au nom de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, je vous remercie d’avoir bien voulu répondre personnellement et de façon circonstanciée à deux de ses adhérents qui vous avaient soumis les deux questions posées par notre association à l’ensemble des candidats à la présidentielle. J’aimerais commenter plus particulièrement la réponse que vous avez faite le 26 mars dernier à l’un d’eux, par ailleurs membre de l’UMP, qui vous avait écrit le 26 janvier pour vous faire part de ses préoccupations quant à la politique nucléaire de la France.

Nous apprécions que, contrairement à certains candidats, vous vous soyez exprimé sur le sujet, même si nous regrettons que, contrairement à d’autres, vous n’ayez répondu positivement ni à notre demande d’une initiative rapide de la France visant l’ouverture de négociations sur le désarmement nucléaire intégral, universel et contrôlé qu’exige l’article VI du Traité de Non Prolifération, ni à notre demande d’organiser un référendum sur cette question. C’est votre choix. Il serait respectable s’il n’était à la fois contraire à l’engagement de la France au regard du droit international (TNP), contraire à l’article V de la Constitution française, contraire à la morale humaine la plus largement répandue, contraire au simple bon sens, contraire enfin aux « intérêts vitaux » de la France.

Les « précisions » que vous apportez dans votre lettre, loin de répondre à nos « interrogations », nos « attentes » et nos « doutes », me semblent justifier ce qui précède. Bornons-nous à 7 points.

- 1 - Vous écrivez : « Garantir la sécurité de nos compatriotes, assurer la protection de nos intérêts vitaux restent la priorité de notre politique étrangère et de défense. Notre existence en tant qu’Etat et en tant que nation en dépend. Cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés. Elles relèvent du domaine de la dissuasion nucléaire autonome. »

Vous ne semblez pas avoir remarqué qu’il est contradictoire d’affirmer que la France a besoin d’une « dissuasion nucléaire autonome » pour assurer la sécurité de ses citoyens, la protection de ses intérêts vitaux et jusqu’à son existence, et affirmer d’un autre côté que "cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés", autrement dit que ceux-ci bénéficient de NOTRE dissuasion nucléaire. S’ils en bénéficient, c’est qu’ils n’ont pas besoin, eux, d’une « dissuasion nucléaire autonome ». Alors pourquoi en aurions-nous besoin, NOUS ? Mais si nous en avons réellement besoin, nous, pourquoi n’en auraient-ils pas besoin, EUX AUSSI ? Il faut vite qu’ils s’en procurent une !

En réalité, si leur sécurité ne dépend ni leur "dissuasion nucléaire autonome", puisqu’ils n’en ont pas et n’en souhaitent pas, ni de la nôtre, puisqu’ils n’ont pas demandé à être protégés par elle, c’est qu’ils n’ont besoin d’aucune "dissuasion nucléaire" pour assurer leur propre sécurité. Nous non plus, par conséquent. Sauf à supposer que nous, Français, soyons des êtres à part, particulièrement menacés ou particulièrement fragiles. On comprend dès lors l’agacement des étrangers, y compris nos partenaires européens, devant ce petit coq gaulois qui, voyant des ennemis partout, tantôt effrayé, tantôt tonitruant (« le Tonnant, « le Terrible »...), tantôt ébouriffant ses plumes (« le Triomphant », « le Redoutable »...), toujours monté sur ses ergots, toujours cocoriquant, propose sa protection au reste de la basse-cour.

- 2 - Vous évoquez ensuite « les nouvelles menaces » et vous dites à bon droit qu’elles sont "nombreuses, réelles, sérieuses". Mais en quoi nos bombes atomiques vont-elles nous permettre de combattre "la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, les Etats qui ont perdu toute structure étatique ou gouvernementale, la mise en danger de nos approvisionnements stratégiques, les catastrophes écologiques, humanitaires ou encore les pandémies" ?

Est-ce donc à coup de bombes atomiques qu’on soigne les pandémies ? Qu’on prévient ou qu’on répare les catastrophes naturelles ? Qu’on obligera nos fournisseurs à nous approvisionner, sous la menace, en fournitures "stratégiques" (pétrole, gaz, uranium, métaux rares...) ? Qu’on restructurera les Etats déstructurés ? Qu’on terrorisera les terroristes ? Qu’on empêchera les autres Etats -ou les terroristes- de vouloir se procurer des armes de destruction massive, soit nucléaires comme les nôtres, soit chimiques ou biologiques, en tout cas de FAIRE COMME NOUS ?

Pour leur en faire passer l’envie, suffira-t-il d’"être fermes sur l’objectif de non-prolifération nucléaire qui est une nécessité absolue pour la sécurité du monde", comme vous dites ? George W. Bush voulait empêcher la Corée du Nord de se doter de la bombe et il n’y est pas parvenu. Manquait-il donc de fermeté, ce pied tendre ? Comment comptez-vous faire mieux ?

- 3 - Il est vrai que le succès de la Corée du Nord semble vous donner raison d’un autre point de vue, celui des théoriciens français de la "dissuasion du faible au fort" que vous avez fait vôtre : si ce petit pays d’à peine plus de 20 millions d’habitants (deux millions étant morts de faim... sans doute grâce à la Bombe...) a pu tenir tête au plus puissant de tous, les Etats-Unis, n’est-ce pas justement grâce à son arme nucléaire, qui lui a évité le sort de l’Irak ? (« Ah, si Saddam Hussein avait possédé la Bombe, les Irakiens n’en seraient pas là ! ») N’est-ce pas la preuve qu’une "dissuasion nucléaire autonome" est bien l’"assurance vie de la Nation", qu’il faut et qu’il suffit d’avoir atteint le "seuil de suffisance" pour « sanctuariser » le territoire national ?

Non pourtant, car ce qui pouvait donner aux Etats-Unis la tentation d’intervenir militairement contre la Corée du Nord, c’était précisément qu’elle ambitionnait de devenir nucléaire -l’accession à l’arme nucléaire l’a donc mise en danger- et ce qui les en a retenus, ce n’est pas son arme nucléaire puisqu’elle ne l’avait pas encore (ou que celle-ci n’était pas opérationnelle), c’est un ensemble complexe de considérations stratégiques : entre autres, le risque de bouleverser un équilibre régional difficilement maintenu depuis 1953, le risque de se heurter à l’allié chinois, lui-même nucléaire, de la RPDC, le risque de mettre à feu et à sang leur allié sud-coréen (les moyens de bombardements nord-coréens étant considérables), le risque de s’enliser sur un troisième front, après l’Afghanistan et l’Irak...

Ainsi, le « cas coréen » ne prouve nullement qu’une « dissuasion nucléaire autonome » soit indispensable à la "sanctuarisation" d’un pays. D’ailleurs son dirigeant suprême, authentique dictateur mais pas fou pour autant, se dit prêt aujourd’hui à y renoncer en échange d’approvisionnements en pétrole et d’une promesse de non-intervention garantie internationalement.

- 4 - Supposons néanmoins fondée cette nécessité qu’affirment les partisans de l’arme nucléaire : leur donner raison au niveau national, c’est leur donner tort globalement, au niveau international.

En effet, si l’on admet comme vous que la Bombe est une "assurance vie" pour la Nation, alors toute nation y a droit, et l’on ne peut en interdire l’accès à quiconque. Les gouvernements des Etats « proliférants » partagent cet avis, et c’est pourquoi on peut dire que la "dissuasion du faible au fort" est directement à l’origine de la prolifération nucléaire, véritable fléau qui menace le monde d’une catastrophe finale - sur ce point nous sommes d’accord.

Il n’y a en fait que deux moyens d’empêcher la prolifération ou comme vous dites si bien, de répondre à cette "nécessité absolue pour la sécurité du monde". Le premier serait un désarmement général, mais il implique d’accepter d’y prendre part, donc de confier sa propre "assurance vie" à autre chose qu’à la Bombe. L’autre moyen, ce sont des pressions de toute sorte, comme celles dont l’Iran fait l’objet actuellement, et lorsque celles-ci ont échoué, c’est de livrer à tout Etat "proliférant" ou « potentiellement proliférant » une "guerre préventive". C’est d’intervenir militairement AVANT qu’il ne dispose de la Bombe et la rende opérationnelle, pour l’en empêcher. Comme en Irak, avec la « guerre du Golfe » et ses suites actuelles. Comme cela pourrait être le cas en Corée du Nord, n’étaient les considérations citées plus haut. Comme ce sera peut-être le cas demain en Iran, après-demain en Egypte ou dans l’un des quelque quarante Etats reconnus capables de « franchir le seuil ».

Ainsi, "l’assurance-vie nucléaire" de chaque nation, c’est la promesse de perpétuelles « guerres préventives », débouchant un jour ou l’autre sur une catastrophe générale - c’est l’assurance-décès de toutes les nations.

- 5 - Faut-il cependant espérer avec vous que nos bombes atomiques, véritables bonnes à tout faire, nous conduiront "à améliorer nos capacités d’anticipation et d’analyse des crises et des menaces" ? Cette amélioration est d’autant plus urgente que nos stratèges nucléaires ont été incapables jusqu’à présent d’anticiper et d’analyser les crises et les menaces, tant ils se croyaient à l’abri de tout, grâce à notre "dissuasion nucléaire autonome", cette "assurance vie de la Nation" dont vous parlez et dont 184 Etats se passent, pour le moment, sans paraître s’en porter plus mal (bien au contraire) ni être menacés de disparition. Soyons modestes toutefois : nos stratèges et nos dirigeants politiques n’ont fait ni mieux ni pire que ceux des autres Etats nucléaires. Tous ont activement coopéré à la folie générale, avec pour résultat généreusement partagé "la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme", et de nouvelles menaces "nombreuses, réelles, sérieuses", comme vous dites. Ou comme dirait M. Dray, un monde "plus dangereux et plus menaçant" que jamais.

- 6 - Pour illustrer l’absurdité de cette stratégie, prenons l’exemple du missile M51, actuellement à l’essai. Avec une allonge annoncée de 6 à 8000 kilomètres, il est vrai qu’il nous fournira une "capacité de frappe dans la profondeur en territoire hostile" dans des "zones éloignées de nous". Encore un petit effort d’imagination et pour frapper Pékin ou Ouagadougou, nos sous-marins n’auront même plus besoin de quitter la rade de Brest. Mais vont-ils, de ce fait, dissuader la Chine, donc aussi l’Inde et le Pakistan, de perfectionner leurs armements et le Japon d’en faire autant en modifiant sa constitution ?

Il est par ailleurs douteux que le programme M51 et les autres "programmes d’équipements" nucléaires bénéficient de cette "meilleure maîtrise financière et temporelle" que vous appelez de vos voeux. De 18 à 25 milliards d’Euros, c’est ce que devrait nous coûter en cinq ans cette « prolifération verticale », sans parler du simple entretien de l’existant.

Il est encore moins évident que ces programmes nous permettent de "mettre en place une vraie protection du territoire et des populations civiles en cas d’attaques terroristes ou de catastrophes technologiques ou naturelles". D’autant que les matériaux fissiles ont une fâcheuse tendance à attirer les terroristes et les catastrophes technologiques...

Enfin, horribile dictu, ils ne contribueront même pas à construire "une politique européenne de sécurité et de défense", puisque :

- la décision d’employer une arme nucléaire, CELA NE SE PARTAGE PAS (d’où le privilège du Prince, assassin solitaire embusqué sous l’Elysée dans le PC Jupiter) ;

- la plupart des autres Etats européens (et plus encore leurs peuples) NE VEULENT PAS D’ARMES NUCLEAIRES POUR LES PROTEGER !

- le Parlement européen a par deux fois exigé QUE LAFRANCE ET LE ROYAUME-UNI RENONCENT A LEURS ARSENAUX NUCLEAIRES !

Combien de temps encore allons-nous donc chercher à fourguer notre "dissuasion nucléaire autonome" à "nos amis et nos alliés" ? Disons-le franchement : sans doute aussi longtemps que nous chercherons à leur vendre les « produits d’excellence » de notre "industrie de défense" qui est en dernière instance l’unique raison d’être de cette "politique de défense", l’unique finalité de tout ce fatras stratégique, en sus du vertige de la toute-puissance régalienne.

- 7 - Pour conclure votre démonstration, vous nous expliquez, M. Sarkozy, qu’on peut compter sur la bombe atomique pour "promouvoir nos valeurs humanistes sur la scène internationale".

"Notre identité démocratique tout comme notre Histoire nous donnent la mission de promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde" : c’est indéniable, puisque vous le dites et que vous proposez d’assurer cette mission. Comme il est indéniable qu’il n’y a pas de meilleur moyen de "promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde" que de menacer de massacrer des millions d’individus d’un seul coup, d’un seul, et s’il le faut, de le faire pour de bon.

"Si je suis élu Président de la République, dites-vous encore, je prends l’engagement de garantir la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes". Cela signifie deux choses :

1. Crédibilité technique : nos bombes atteindront bien leurs cibles et feront bien les dégâts prévus (7 fois Hiroshima pour les TN75 ; et 22 fois Hiroshima pour les ASMP emportés par avion).

2. Crédibilité politique : on peut compter sur vous pour vous faire prendre au sérieux. S’il faut employer la bombe, vous ne faillirez pas. Pas plus que n’a failli le président Truman : Hiroshima, Nagasaki. Dont acte.

Si vous étiez élu, vous seriez donc, Monsieur Sarkozy, d’une tout autre trempe que le président Valéry Giscard d’Estaing, qui, après avoir testé une invasion soviétique au cours de manoeuvres militaires (en mai 1980), en déduisit secrètement (mais il l’a révélé dans ses mémoires) qu’il n’emploierait jamais l’arme nucléaire en premier - ce qui était pourtant et reste dans la stratégie française le propre de "l’ultime avertissement" avant la « frappe anti-cités », et ce qui serait aussi le cas d’une « frappe préventive ». Pourquoi ? Parce qu’il préférait l’occupation de la France à sa destruction mutuelle assurée, « son anéantissement », et la survie des Français à leur suicide collectif, même baptisé « défense de nos intérêts vitaux » et décidé par un unique cerveau. Avec vous, Monsieur Sarkozy, ce serait l’inverse : quiconque voudrait "s’en prendre à la France" s’exposerait "à une sanction immédiate". Il passerait un sale quart d’heure, quitte à ce que les Français vivent leur dernier quart d’heure. Autant d’humains qui mourraient par millions.

Abstraction faite d’autres motifs, c’est l’ultime raison pour laquelle nous avons le regret, Monsieur Sarkozy, d’appeler nos concitoyens à ne voter en aucun cas pour vous.

Jean-Marie Matagne, président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)


Paris, le 18 avril 2007

Nicolas SARKOZY,

Candidat à l’élection présidentielle

A Monsieur Jean-Marie MATAGNE

Président

31 Rue du Cormier

17100 SAINTES

Monsieur le Président,

Vous avez souhaité attirer mon atttention sur l’avenir des armes nucléaires au sein de notre système de défense. Votre lettre m’est bien parvenue et je vous en remercie.

J’ai pris bonne note de l’ensemble de vos observations relatives à la politique de Défense de notre pays. Vos remarques me sont utiles et je vous sais gré de me les avoir fait parvenir.

Je souhaite toutefois vous apporter les précisions suivantes. Il serait impensable d’avoir l’ambition d’être une puissance économique sans sécurité, sans une politique de Défense affirmée.

Parce qu’à mes yeux, les militaires, les civils, les industriels qui travaillent dans le secteur de la défense sont d’abord des citoyens comme les autres, parce que leurs attentes dépassent largement leur seul secteur d’activité professionnelle, le projet qui est le mien pour la Défense est indissociable du projet d’ensemble que je propose aux Français. Ce serait se tromper et leur manquer de respect que de croire que les militaires se prononcent uniquement en fonction du niveau des budgets de Défense annoncés par les candidats.

La Défense est un sujet qui engage l’avenir de la France et avec lui, sans doute, celui de l’Europe. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une multiplication et une dissémination des menaces. Qu’il s’agisse de la prolifération balistique et nucléaire, un sujet d’inquiétude avec la Corée du Nord et l’Iran, qu’il s’agisse de la dissémination des armes bactériologiques et chimiques ou bien de l’hyper terrorisme, force est de constater que nul pays ne peut se considérer à l’abri de ces menaces, y compris le nôtre.

Il me serait donc irresponsable de réduire notre effort de Défense. C’est pourquoi je m’engage à maintenir notre effort de Défense au moins à son niveau actuel, soit environ 2 % du PIB. C’est un seuil incompressible pour disposer de forces armées bien entraînées, bien équipées, aptes à assurer la protection de notre territoire et la sécurité des Français.

Je souhaite, tout d’abord, que la politique de Défense ne soit plus être [sic] un domaine réservé : un débat sur la Défense peut et doit avoir lieu. C’est la marque d’une démocratie moderne. J’entends renforcer les pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des services de renseignement, d’approbation de la présence et des modalités d’intervention de nos forces armées à l’étranger, de lancement des grands programmes d’armement ou encore de ratification des accords de défense.

Je souhaite également la création, auprès du président de la République, d’un Conseil de sécurité nationale, qui deviendra l’instance centrale d’analyse, de débat et de réflexion en matière de Sécurité et de Défense. Il nous faudra également porter une attention accrue à la défense civile. Cela implique que nous mobilisions davantage nos concitoyens, renforcions nos capacités à prévenir et, le cas échéant, à surmonter des crises liées à la réalisation sur notre territoire de la menace terroriste. Je propose donc la création d’une agence de défense civile chargée d’animer l’esprit de défense et de coordonner l’action des services de l’Etat et celle des composantes de notre société.

Concernant les orientations de notre outil de Défense, je considère que la dissuasion reste un impératif absolu. C’est une garantie pour notre Nation comme pour nos voisins européens. Je renforcerai la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes, dans le respect du principe de stricte suffisance des moyens déployés.

Je veux aussi qu’un accent particulier soit mis sur la prévention, grâce à une meilleure coordination des activités des services de renseignement, mais aussi par le renforcement des moyens d’acquisition de l’information, tant humains que technologiques.

Corollaire de cette volonté de renforcement des moyens, la réalisation du second porte-avions, dans le cadre d’une coopération européenne, me semble nécessaire pour asseoir notre présence maritime. Là encore, c’est une question de cohérence puisqu[e] un seul porte avion [sic] ne peut être opérationnel en permanence.

Dans le même ordre d’idées, une attention spécifique sera accordée aux autres programmes de projection de puissance : SCALP naval, renforcement des capacités de frappe de précision existantes, sous-marins nucléaires d’attaque de la génération "Barracuda", renouvellement de nos frégates[,] ou au transport stratégique aérien et maritime. Je considère à ce titre que le programme d’hélicoptères NH90 est un équipement prioritaire pour l’armée de terre.

Enfin, en matière de protection, tout doit être mis en oeuvre pour garantir l’efficacité et la protection de nos troupes déployées au sol. Je pense notamment à la protection contre les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. Dans cet esprit, les programmes portant sur la défense anti-missile de théâtre seront développés.

Je voudrais également poser le débat sur le dimensionnement de notre présence militaire en France et à l’étranger, l’étendue dans l’espace et le temps des missions confiées à nos militaires en opérations extérieures. Certaines de nos interventions sont probablement prioritaires et plus légitimes que d’autres.

Il ne saurait être question de bâtir un projet sans prendre en compte l’Union européenne et la Politique Européenne de Sécurité et de Défense, ainsi que les missions de l’OTAN.

Ce serait une erreur d’opposer la politique européenne de défense à l’Alliance Atalntique. Ce sont deux organisations complémentaires plus que concurrentes. Pour autant, il est impératif que l’Europe s’organise pour être en mesure de faire prévaloir ses intérêts et ses valeurs, d’assumer ses responsabilités internationales et de garantir de façon plus autonome la protection de son territoire et de ses citoyens.

Cette organisation doit aussi se décliner dans une approche industrielle concertée ou dans sa capacité à mettre en commun [des] forces et de[s] moyens de sécurité civile mobilisables en cas de crise grave.

Concernant l’OTAN, je ne souhaite pas qu’elle évolue vers une organisation mondiale effectuant des missions aux confins de l’humanitaire, du militaire et des activités de police internationale. L’OTAN doit conserver un ancrage géopolitique clair en Europe et une vocation strictement militaire. Et l’Union européenne doit pouvoir s’appuyer sur les moyens, notamment de commandement et de planification, que l’Alliance met en oeuvre. Ce sont à mes yeux trois conditions du maintien à son niveau actuel de la contribution importante de notre pays à l’OTAN.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre attention. Mon programme pour la Défense Nationale est à l’image de celui que je veux pour notre pays, ambitieux, clair et volontaire. Et je sais pouvoir compter sur votre soutien et votre confiance qui me sont, plus que jamais, indispensables et précieux pour poursuivre mon action politique au service de nos concitoyens que je ne peux décevoir.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas SARKOZY,

Candidat à l’élection présidentielle


COMMUNIQUE D’ACDN, LE 19 AVRIL 2007

Nicolas Sarkozy ne doit pas accéder à l’arme nucléaire

La lettre de trois pages (consultable à partir de vendredi sur le site www.acdn.net) que Nicolas Sarkozy a fait parvenir ce jeudi matin au président d’ACDN mérite la plus grande attention. Elle ne change malheureusement rien aux conclusions tirées hier par ACDN des deux précédents courriers reçus de Nicolas Sarkozy, en réponse à notre interpellation citoyenne.

Tout en rendant hommage à la volonté de débat et à la franchise de M. Sarkozy en la matière, dont certain(e)s autres candidat(e)s feraient bien de s’inspirer, nos conclusions sont les suivantes :

Contrairement à nos vœux (et contrairement aux engagements pris par deux autres candidats), le candidat de l’UMP n’entend pas appliquer l’article VI du TNP, qui impose aux Etats nucléaires de négocier l’abolition de leurs arsenaux nucléaires, ni demander par référendum au peuple français son avis sur cette politique de désarmement intégral, universel, et strictement contrôlé à tout moment.

Il continuera à développer de nouvelles armes nucléaires et se rallie en outre à la doctrine formulée par Jacques Chirac le 19 janvier 2006, qui étend quasi ad libitum l’emploi de nos armes nucléaires.

S’il est élu président de la République, Nicolas Sarkozy prend « l’engagement de garantir la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes », ce qui signifie :

a) « Crédibilité technique » : que nos bombes atteindront bien leurs cibles et feront les dégâts prévus (7 fois Hiroshima pour chaque tête nucléaire TN75 ; 22 fois Hiroshima pour chaque missile ASMP lancé par avion).

b) « Crédibilité politique » : qu’on peut compter sur Nicolas Sarkozy pour se faire prendre au sérieux. S’il faut employer la bombe, il ne faillira pas : tout Etat qui voudrait « s’en prendre à la France » s’exposerait à « une sanction immédiate ». M. Sarkozy prend donc le contre-pied de M. Giscard d’Estaing qui s’était, en pleine guerre froide, secrètement résolu à ne jamais employer l’arme nucléaire en premier, préférant l’occupation de la France, dont elle s’est remise plusieurs fois, à son anéantissement, même partagé avec celui de la population dite ennemie, dont elle ne se remettrait pas.

Malgré l’avis de M. Sarkozy, menacer de massacrer des millions d’individus d’un seul coup, et s’il le faut, le faire pour de bon, ne nous paraît pas le meilleur moyen de « promouvoir nos valeurs humanistes sur la scène internationale », ni de « promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde ».

Trop d’humains en mourraient. Trop en meurent déjà, dans ce monde de violence dont l’arme nucléaire est la sinistre clef de voûte. La mort tragique d’Iccho Ito, maire de Nagasaki, vient de l’illustrer : le crime organisé n’est pas seulement dans la rue, c’est aussi celui des Etats qui se disent prêts à l’exercer à l’échelle de masse. Disons-lui STOP. Halte au crime organisé contre l’humanité.

Pour cette raison, indépendamment même de tout autre motif, nous avons le regret d’appeler nos concitoyens à ne voter en aucun cas pour M. Nicolas Sarkozy.

Pour ACDN, Jean-Marie Matagne, président


vendredi 20 avril 2007

L’UMP puise sur le site d’ACDN, sans le dire, les positions de son propre candidat en matière de défense.