En déclarant à l’issue de sa rencontre avec Angela Merkel : "J’aimerais beaucoup que les ambitions françaises et allemandes en matière d’énergie soient les mêmes", Nicolas Sarkozy confirme, s’il en était encore besoin, qu’il est un partisan convaincu du nucléaire sous toutes ses formes, tant civiles (pour la France et pour les autres) que militaires (pour la France). Un seul pays échappe à ce prurit d’exportations : l’Iran, apparemment le seul dans la pensée présidentielle à vouloir et à pouvoir détourner des technologies civiles vers des fins militaires.
Cependant, le reproche fait à l’Allemagne d’avoir renoncé à produire de l’électricité nucléaire, quoique logique si l’Allemagne continue à vendre des centrales (via Siemens et l’EPR franco-allemand), est ambigu dans l’intention. Il peut viser deux objectifs contraires : soit obtenir que l’Allemagne revienne effectivement sur son choix et rejoigne "la France" qui a choisi, elle, le "presque-tout nucléaire" ; soit prendre prétexte de cette différence de choix pour écarter l’Allemagne d’exportations nucléaires présumées très profitables (mais aux dépens du contribuable et du consommateur français), en constituant un groupe industriel du nucléaire qui comprendrait entre autres AREVA, Alstom, Bouygues, et où l’allemand Siemens serait réduit à la portion congrue, s’il n’en était pas éliminé.
La privatisation à l’étude d’AREVA et celle d’EDF s’inscriraient dans cette stratégie industrielle qui s’efforce de mettre les intérêts d’un capital supposé national (à une époque où les capitaux ne connaissent ni patrie ni frontières...) au service des intérêts nationaux, et réciproquement, de permettre aux capitalistes français de tirer le maximum de profit des choix énergétiques et diplomatiques de la nation (c’est-à-dire de son président).
Cette stratégie fort aléatoire ne comporte qu’une seule certitude : l’aggravation des risques liés au nucléaire tant civil que militaire, et cela aussi bien au niveau international qu’au sein de l’hexagone, où l’insécurité dans les centrales et autres Installations Nucléaires de Base augmentera avec la privatisation, même partielle, des acteurs du nucléaire, donc leur soumission accrue à la logique du profit.
Pourtant, il est assez évident que "l’énergie du futur" n’est pas le nucléaire, énergie fossile condamnée à l’horizon de quelques décennies par l’épuisement du minerai d’uranium, mais bien exclusivement celle des énergies renouvelables. C’est encore plus évident à l’horizon de quelques siècles, lorsque l’humanité aura épuisé la totalité de ses ressources fossiles : il lui faudra bien vivre alors exclusivement sur des ressources renouvelables. L’Allemagne l’a compris, en adoptant récemment le plan "énergie et climat" le plus ambitieux de son histoire. Quoique converti de fraîche date au souci écologique, le président français ne semble pas l’avoir compris. Pas facile de concilier les intérêts de la planète et des générations futures avec ceux -à court terme et courte vue- de ses amis du grand capital et du lobby nucléaire.