Le 22 septembre 2008, à l’invitation du Mouvement pour un Gaza Libre, j’ai pris l’avion pour Larnaca, dans l’île de Chypre, en vue de me joindre à une mission qui devait se rendre de Larnaca à Gaza.
Le but de cette mission était de rompre le blocus de Gaza. A Larnaca, j’ai rejoint une délégation internationale de 22 personnes, médecins, parlementaires et militants des droits de l’homme, dans l’intention d’appareiller à bord du SS « Espoir pour Gaza ».
Ce devait être la seconde mission pour Gaza après celle, couronnée de succès le 23 août dernier, qui a permis à 42 délégués internationaux ayant embarqué sur le SS « Gaza Libre » et le SS « Liberté » de rompre le siège, de débarquer à Gaza et d’apporter des prothèses auditives destinées aux enfants. C’étaient les premiers navires à entrer dans le port de Gaza depuis plus de 40 ans, depuis l’occupation militaire de la Palestine par Israël. Plus de 40 000 Gazaouis ont accueilli les bateaux à leur arrivée en août dernier, et on nous avait assurés qu’un accueil chaleureux nous serait à nouveau préparé par la population de Gaza. Le fait que 10 Palestiniens (dont 5 médecins) faisaient partie de notre délégation ajoutait à l’excitation des gens de Gaza.
Malheureusement, les choses ont tourné autrement et au bout de quelques jours, il fut décidé de remettre à plus tard ce retour à Gaza. Un premier problème tenait au fait que les deux bateaux d’origine n’étaient plus en état de faire une nouvelle traversée ; les membres du Mouvement pour un Gaza Libre avaient donc décidé d’acheter ou de louer un bateau plus solide. Mais chaque fois qu’un accord semblait sur le point d’aboutir avec un propriétaire de bateau, il échouait (par suite de pressions extérieures, pensent-ils). Second problème : de très forts vents marins impliquaient que nous devrions attendre au moins une semaine de plus avant même d’envisager de prendre la mer. C’est pourquoi le Mouvement pour un Gaza Libre a sagement décidé de surseoir temporairement à notre voyage.
Nous prendrons la mer pour Gaza dès que le navire sera prêt et nous emporterons avec nous des fournitures médicales. Celles-ci répondent à une urgence car, malgré l’évacuation unilatérale de 7000 colons israéliens, la bande de Gaza reste un territoire occupé. Israël continue à contrôler ses six points de passage terrestres (le plus souvent fermés pendant de longues périodes), son espace aérien, ses eaux territoriales, ses bureaux d’état-civil, son système d’impôts, ses fournitures de biens, la liberté de mouvement et l’accès aux soins de santé. Israël contrôle militairement 26 % du territoire total de la bande de Gaza en tant que « zones frontalières de sécurité ». La communauté internationale a été amenée à croire qu’Israël a « rendu Gaza », mais c’est tout simplement faux. Israël empêche même les pêcheurs de Gaza de prendre la mer, bien que les accords d’Oslo leur attribuent une zone de pêche de 20 miles nautiques.
Gaza est comme un ghetto, une immense prison dont Israël détient toutes les clefs. Israël contrôle tout ce qui concerne la vie de la population de Gaza. De nombreux habitants ont été tués, y compris des enfants, par les tirs de punition collective d’Israël. Des Palestiniens armés tentent de répliquer à leurs occupants avec des armes grossières, comme ces attaques de roquettes Qassam contre la ville juive de Sderot, où 4 personnes ont trouvé la mort et des centaines ont été blessées. Les hôpitaux de Gaza sont paralysés, 40 % des habitants de la ville même de Gaza sont privés d’accès à l’eau potable. Les enfants vivent dans le froid et dans l’obscurité. Gaza rejette chaque jour 40 000 mètres cube d’eaux usées dans la mer, les stations d’épuration ne pouvant fonctionner faute d’électricité, et le manque de tuyaux empêchant d’entretenir les canalisations (Israël prétendant que les tuyaux serviront à faire des bombes, aucun ne peut pénétrer à Gaza, mais le ciment pas davantage, d’où l’impossibilité de construire des hôpitaux, des maisons, etc.).
Je comprends les habitants de Sderot, exposés au traumatisme des roquettes Qassam depuis 7 ans, mais le blocus et la punition collective ne sont pas des réponses. Le refus de satisfaire les besoins vitaux jusqu’au bord de la famine, les constantes offensives militaires d’Israël (1000 palestiniens ont été tués en 2007, dont de nombreux civils) sont contraires à la Convention de Genève. Pendant ce temps, plusieurs offres palestiniennes de cessez-le-feu ont été rejetées par le gouvernement israélien, qui encourage l’extrémisme par sa politique répressive. Gaza est une société traumatisée, brisée, où 80 % des hommes sont au chômage tandis que 20 % travaillent pour l’ONU ou pour des ONG, de sorte que 100 % des Gazaouis dépendent de la bonne volonté du monde extérieur.
Il faut aussi insister pour qu’Israël cesse le blocus, cesse l’occupation de la Palestine et applique les solutions politiques à ce qui est un problème politique, pouvant être résolu. Israël a en face de lui des partenaires pour faire la paix, la communauté internationale ne doit plus écouter la vieille rengaine selon laquelle il n’en a pas. La vérité, c’est que les Israéliens et les Palestiniens peuvent être amis et qu’il ne s’agit pas d’un conflit de civilisations, comme certains voudraient nous le faire croire. C’est un problème politique, exacerbé par la politique répressive, condamnée à échouer, du gouvernement israélien. Lequel, en tant que partie la plus forte et puissance occupante, a la responsabilité morale et légale de mettre un terme au conflit. L’arrêt de la violence par tous les groupes palestiniens armés et l’unité palestinienne sont également nécessaires à la paix.
Les peuples israélien et palestinien en ont assez de la violence et de la guerre, ils veulent la justice et la paix ; maintenant, c’est aux dirigeants politiques d’apporter cette paix à toute la population, en instaurant un dialogue sans préalables ni exclusives.
Nous retournerons donc bientôt à Gaza et nous convions les gens du monde entier à se joindre à nous pour braver le blocus de Gaza par Israël. Nous invitons aussi tout pays prêt à donner l’exemple à ouvrir la voie avec nous en envoyant des bateaux ou des avions chargés de médicaments, de tuyaux de canalisations, etc., pour sauver les enfants de Gaza.
Mairead Maguire (Prix Nobel de la Paix), le 1er octobre 2008
Peace people, 224 Lisburn road, Belfast. BT9 Northern Ireland.
O7736147713 (M)
Traduit de l’anglais par ACDN. Reproduction autorisée sous réserve d’indiquer la source et d’établir un lien vers le site d’ACDN