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Le culte de la mort

par Gidéon Spiro


Publié le 25 janvier 2009

Israël, 14 janvier 2009

Quatre des sept soldats israéliens tués au cours de la guerre de Gaza, au moment où ces lignes sont écrites, portaient une kippa crochetée(1), venaient d’une yeshiva haredi, religieuse et nationaliste, comme on les trouve principalement dans les Territoires Occupés, et étaient complètement immergés dans le fanatisme religieux. Les gens issus de ce groupe occupent déjà une bonne partie des échelons de commandemant intermédiaires, et s’infiltrent peu à peu dans les échelons supérieurs de l’armée. Si l’Occupation continue, il est quasiment certain que d’ici quelques années la majeure partie de l’Etat-Major sera constituée de porteurs de kippa crochetées, prenant leurs ordres en premier lieu de leur rabbin, surtout lorsqu’ils sont confrontés à des ordres en conflit avec leur foi. Si l’on veut se faire une idée du monde spirituel de cet état-major composé de membres provenant de la jeunesse dérangée, désordonnée des Hilltops (2), il n’y a qu’à écouter les oraisons funèbres prononcées lors de leurs funérailles. Le journal Maariv leur a consacré sa double page centrale dans le supplément du Sabbat du 9 janvier 2009. Je ne vais pas reproduire in extenso ces oraisons, qui constituent une hérésie pour un laïc imprégné des valeurs des droits de l’homme, mais je vais citer quelques phrases pour que le lecteur comprenne de quoi je parle.

Le rabbin Yerahmiel Weiss, qui dirige la yeshiva pour les jeunes liée à la yeshiva Merkaz Harav, décrit les soldats tués comme "des personnes façonnés au moule de la foi la plus profonde pour préparer la grande perfection de la parole de Dieu dans ce bas monde, par l’étude de la Torah, et par le combat dans lequel nous nous trouvons impliqués".

Le rabbin Reuven Natanael, qui était, avant l’évacuation, le rabbin de la colonie d’Atzmona à Gaza, a dit sur la tombe de l’un des soldats : "ton âme est retournée vers ton Créateur à un moment fort pour le Peuple d’Israël, un de ces moments d’éveil, de force morale, où la nation se dresse de toute sa hauteur. C’est sur les ailes de cet éveil que ton âme est retournée à sa source transcendante".

Le rabbin Yosef Kellner du programme pré-armée dans l’implantation/colonie de Eli, a déclaré dans une oraison : "tu as entendu l’appel de Yoav, le ministre des armées de l’ancien Royaume d’Israël, qui était l’esprit derrière l’armée de David. ’Soyons forts et résolus, pour le salut de notre peuple et la terre de notre Dieu’ (3) pour l’essence spirituelle de notre peuple, pour l’identité de son âme". Il se réfère au peuple palestinien comme à "cette pseudo-nation et ses mouches de mort".

Le rabbin Amos Natanael de la colonie de Kedumim, dont le fils Yoni était l’un des morts, a dit, sur la tombe de son fils : "Ce n’est pas le moment de pleurer ou d’être triste. Nous sommes au coeur de la bataille et devons continuer de toutes nos forces, et avec le soutien de notre foi à combattre... nous devons être prêts à faire des sacrifices, et je me sens prêt à cela".

L’édition du 11 janvier 2009 du Maariv mentionnait également le rabbin Amos Natanael. Son fils a été tué dans un incident de "tir ami". Le rabbin écrit aux soldats faisant partie de l’équipe du tank qui a envoyé cette roquette malheureuse qu’il leur pardonnait, et que son fils "était mort en sanctifiant le Nom et vous êtes les anges par qui ceci est arrivé". Le rabbin ajoute ensuite qu’il valait mieux que ce soit eux qui l’aient tué "et non pas la main impure d’un ennemi".

Ces mots reflètent un culte de la mort terrible. Une mort causée par une erreur de tir devient "la sanctification du Nom". Le bombardement sauvage d’une population civile qui cause la mort de centaines de femmes et d’enfants, et qui vise aussi les services médicaux, est décrit comme "une guerre courageuse".

Nous sommes là en présence d’un monde spirituel terrifiant de fanatisme religieux, le pendant juif du même fanatisme que l’on trouve de l’autre côté, chez le Hezbollah et le Hamas, qui font des déclarations similaires sur les tombes des leurs. Le fanatisme religieux est une plaie qui ne connaît pas de frontières, qu’elles soient nationales, géographiques ou religieuses. Bien sûr, ils se réclament tous du Très Haut, quoique aucun d’eux ne puisse produire de certificat les autorisant à parler en Son nom.

Ceux qui croient en Dieu devraient prier, et demander à être délivrés de ces fanatiques, qui nous entraînent dans ce massacre continuel qui ne se terminera que par la dévastation.

Un Etat démocratique ? Vous faites rire la Commission Nationale des Elections !

La Commision Nationale des Elections a refusé aux partis arabes Balad (Ligue démocratique nationale) et Ra’am-Ta’al le droit de participer aux prochaines élections. Même le parti travailliste de « gauche » a approuvé cette décision. Voilà à quoi ressemble la démocratie de l’Etat démocratique juif. Cette décision, approuvée au sein du Comité par une majorité juive, prouve une fois de plus la discrimination implicite qui règne dans l’"Etat juif démocratique". Un Etat qui ne se nomme pas lui-même "Etat démocratique" à la légère est normalement l’Etat de tous ses citoyens.

La décision du Comité reflète parfaitement la triste réalité, qui est qu’Israël est une ethnocratie juive qui pratique la discrimination à l’encontre des non-juifs, aussi bien dans les applications politiques que parfois aussi dans la législation.

J’imagine que les deux partis en question vont s’adresser à la Haute Cour de Justice pour appeler de cette décision. Si l’on en juge par l’expérience passée, il se peut que l’appel soit couronné de succès, mais même si la Haute Cour en juge ainsi, ce ne sera pas suffisant pour la blanchir, car elle a déjà démontré, par une série de décisions (par exemple la ratification du décret de loi sur la citoyenneté qui empêche le regroupement familial sur le territoire d’Israël entre les citoyens arabes et leurs conjoints des Territoires occupés) qu’elle constitue l’un des instruments les plus importants et efficaces pour la consolidation de la discrimination contre les citoyens arabes.

Si l’on veut l’égalité civile pour tous les citoyens en Israël, il nous faut faire beaucoup plus qu’autoriser simplement la participation aux élections. Il faut un cadre conceptuel entièrement nouveau, qui ne pourra pas voir le jour sans entamer la dé-sionisation.

Si la Haute Cour confirme la disqualification, on peut penser que la majorité des citoyens arabes boycottera les élections, et ceux qui se leurrent avec l’idée qu’Israël est "seule démocratie du Moyen Orient" comprendront (peut-être) que l’Apartheid n’existe pas seulement dans les Territoires Occupés mais aussi à l’intérieur même de la ligne verte.

Rien de nouveau dans le nouveau Meretz

Le nouveau Meretz est apparu sous les applaudissements, et certains ont même espéré qu’il signalait un renouveau de la gauche sioniste. La guerre de Gaza aurait pu permettre une nouvelle approche, permettant d’être sioniste de gauche tout en s’opposant au consensus sioniste qui règne en temps de guerre.

La déception est cruelle, surtout pour ceux qui espéraient une nouvelle approche. Meretz n’a pas passé la barre. L’ADN sioniste a vaincu la gauche. Meretz s’est comporté comme Mapam et Tarz auparavant : il s’est rangé au culte israélien de la force et a soutenu cette terrible guerre. Meretz a essayé de gagner sur les deux tableaux, être pro-guerre mais aussi, en vertu de son timide soutien à un cessez-le-feu après que les crimes de guerre sont devenus évidents, recevoir les votes de ceux qui s’opposaient à la guerre. Mais cela n’a pas été suffisant pour effacer les taches de sang.

Le dernier sondage montre que Meretz va avoir du mal ne serait-ce qu’à conserver les 5 sièges à la Knesset qu’il possède actuellement. Je ne serais pas surpris s’il perdait sur les deux tableaux. Ceux qui avant la guerre hésitaient entre Meretz et le Parti Travailliste et étaient des partisans de la guerre vont voter pour le Parti Travailliste, et ceux qui hésitaient entre Meretz et le Hadash et étaient contre la guerre vont voter Hadash.

On peut avoir une idée de la direction que prend Meretz en regardant la faction Meretz au conseil municipal de Jérusalem, qui a rejoint la coalition "wall-to-wall" après les dernières élections. Elle possède même un adjoint au maire salarié. Cette faction, supposée de gauche, fait partie d’une coalition menée par le Maire Nir Barkat avec des partisans et des clones de Lieberman du Shas, du Likud, du Parti National Religieux et d’Israël Agudat, qui ont géré la ville sur la base d’un racisme institutionnalisé : des services décents pour les Juifs et des services dignes du Tiers Monde pour les Palestiniens de Jérusalem, dans tous les domaines, éducation, logement, services sociaux et autres services municipaux. Côté palestinien, Jérusalem ressemble souvent à une décharge. Mais les Palestiniens payent les mêmes taxes foncières que les Juifs.

Regardez ce que peut faire un maire-adjoint salarié. Les principes sont jetés aux orties.

Encore une fois, le sionisme a vaincu la gauche, de la même façon que l’Etat juif a vaincu l’Etat démocratique.

Aveuglement

Le monde entier peut voir les crimes de guerre d’Israël. Les terribles images montrant des centaines d’enfants tués, les tirs visant les équipes médicales, les bombardements sauvages détruisant des quartiers entiers, des femmes blessées portant leurs enfants blessés également vers l’hôpital, ont provoqué une colère justifiée dans le monde entier.

En Israël les images sont filtrées, mais même le peu que les chaînes de télévision ont montré suffit à choquer ceux dont les sens n’ont pas été totalement émoussés.

L’aveuglement d’une bonne partie des Juifs d’Israël est maintenant exposé.

Leur haine des Arabes les a rendus fous, et c’est particulièrement évident lorsque l’on regarde les talk-shows télévisés. Ils sont nombreux à exprimer de la joie lorsque des enfants sont tués, à en demander encore et encore, à ce que Gaza subisse le même sort que Dresde, à vouloir détruire et exterminer, sans aucune manifestation d’empathie pour la souffrance des autres. Les sens totalement émoussés. Il est arrivé quelque chose de terrible à la société israélienne. Cette haine et cet aveuglement rappellent l’indifférence entourant les souffrances des Juifs lors des divers pogroms qu’ils ont subis au cours de l’histoire, ou encore les souffrances des Noirs pendant l’apartheid en Afrique du Sud, ou dans le sud des Etats-Unis, lorsque le Ku Klux Klan faisait la loi.

Ce phénomène affecte aussi certains groupes juifs en dehors d’Israël. Il y a eu récemment une manifestation à New York en soutien d’Israël. Un correspondant pour l’une des chaînes de télévision s’est mêlé aux manifestants avec un micro et leur a demandé si Israël faisait bien de bombarder les écoles dans lesquelles des gens s’étaient réfugiés et de tuer des enfants. Les réponses semblaient copiées sur celles du raciste israélien type : détruire Gaza, mettre sur pied une solution finale. Certains disaient qu’il faudrait un holocauste. Et nous nous étonnons ensuite que des racistes de l’autre côté appellent à la revanche contre les Juifs ? Le racisme n’a pas de frontières, ni nationales ni religieuses.

Gideon Spiro


(1) Petites calottes typiquement portées par des Juifs israéliens qui soutiennent la politique d’Israël de colonisation des territoires de Cisjordanie. (NdT)

2. Jeune extrémistes des colonies juives en Cisjordanie, plongés dans le zèle religieux, qui souvent s’affrontent aux autorités militaires israéliennes du fait de leurs violations des lois militaires et qui conduisent souvent des pogroms antipalestiniens. Leur nom vient du fait qu’ils ont l’habitude d’établir leurs colonies au sommet des collines de Cisjordanie. (NdT)

3. Samuel 10:12