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Alain Juppé, ministre de la Défense, répond au président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire




Publié le 4 janvier 2011

On trouvera ci-après la lettre d’ACDN adressée à Monsieur Alain Juppé, Ministre d’Etat, Ministre de la Défense, par courrier RAR et par fax le 15 novembre 2010, jour de son entrée en fonctions, suivie de la réponse du Ministre, le 15 décembre 2010.


Saintes, le 15 novembre 2010

Monsieur le Ministre,

Se souvenant du "point de vue" que vous avez cosigné avec Michel Rocard, Alain Richard et le général Norlain dans Le Monde du 14 octobre 2009, notre association se réjouit de savoir que, pour vous, « les cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de 1968 (...) doivent engager un processus conduisant de manière planifiée au désarmement complet, y associer pleinement les trois puissances nucléaires de fait, écarter tout projet de développement d’arme nouvelle... ».

Toutefois, nous savons depuis ses lettres du 26 mars et du 18 avril 2007 à ACDN précisant son futur programme de défense, que le président de la République tient la force de frappe française pour « l’assurance-vie de la Nation ». Il le disait encore le 10 juin dernier sur le pont du porte-avions Charles de Gaulle : « La dissuasion reste pour la France un impératif absolu. La dissuasion nucléaire est pour nous l’assurance-vie de la Nation ».

Réelle ou apparente, cette contradiction plonge dans la perplexité les simples citoyens et électeurs que nous sommes. Quelle politique allez-vous mener en tant que ministre de la défense ? Permettez-nous donc de vous adresser quelques questions à ce sujet :

1. Comment pensez-vous associer la France au « processus conduisant de manière planifiée au désarmement complet », au niveau diplomatique international où il existe déjà ? Et comment la mise à l’écart de « tout projet de développement d’arme nouvelle » se traduira-t-elle pour les programmes français de développement de nouvelles armes nucléaires : 4e SNLE-NG ; missile M51 ; missile ASMP-A ; nouvelle tête nucléaire ; escadrons de Rafale nucléaires ; Laser Méga Joule voué à la recherche militaire, elle-même orientée vers la production d’une nouvelle génération d’armes thermonucléaires « de terrain » ?

2. L’Assemblée Générale de l’ONU examinera dans quelques jours une résolution exigeant la transparence sur l’emploi des armes à uranium appauvri, résolution adoptée à une écrasante majorité par sa Commission du Désarmement (1st Committee). Etes-vous d’accord pour que la France vote cette résolution qu’elle a rejetée en Commission avec 3 autres Etats seulement (Etats-Unis, Grande-Bretagne et Israël) ?

3. Etes-vous favorable à ce que la France soutienne auprès de l’ONU la demande d’enquête impartiale sur l’utilisation d’armes radioactives dans la Bande de Gaza pendant l’opération « Plomb durci » (27 décembre 2008 - 18 janvier 2009) ? Trois ONG, dont ACDN, avaient écrit dès le 18 janvier 2008 au secrétaire général de l’ONU pour lui dire : Uranium Appauvri à Gaza : l’ONU doit enquêter. A Vienne (Autriche), au même moment, les ambassadeurs des pays arabes en faisaient autant auprès de l’AIEA. Celle-ci promettait aussitôt de conduire cette enquête, mais ne l’a jamais faite ou n’en a jamais révélé les résultats. L’enquête est devenue d’autant plus urgente que le nombre des naissances d’enfants difformes et celui des cancers ont fortement augmenté dans la bande de Gaza. Que va faire « la patrie des droits de l’homme » pour interrompre ce qui pourrait bien être un génocide caché ?

4. La France va-t-elle enfin rendre justice, sans lésiner ni barguigner, à toutes les victimes civiles et militaires de ses essais nucléaires, de la « guerre du Golfe », ou de ses « interventions humanitaires » dans les Balkans et en Afghanistan ?

5. Seriez-vous disposé, dans la meilleure tradition gaulliste, à proposer au Premier ministre, au gouvernement et au président de la République, et à soutenir l’organisation d’un référendum posant aux Français la question suivante :

« Voulez-vous que la France propose à toutes les nations de renoncer à sa force de frappe nucléaire et d’en démanteler les composants, dans le cadre d’un désarmement nucléaire, biologique et chimique, intégral, universel et contrôlé, et d’un véritable système de sécurité internationale ? »

Afin de connaître vos positions sur ces diverses questions et éventuellement vous exposer les nôtres, nous souhaiterions vous rencontrer. C’est pourquoi nous avons l’honneur de solliciter une audience auprès de vous, dès que les charges liées à votre fonction vous le permettront.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’Etat, l’expression de notre haute considération.

Pour ACDN

Jean-Marie Matagne, président


LA RÉPONSE DU MINISTRE

Le Ministre d’Etat

Ministre de la défense et des anciens combattants

à Monsieur Jean-Marie Matagne, président d’ACDN

Paris, le 15 décembre 2010

Monsieur le Président,

Par lettre du 15 novembre dernier, vous m’avez fait part de votre souhait de me rencontrer afin d’évoquer la politique française en matière de désarmement.

Soyez assuré que c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris connaissance de votre correspondance. Malheureusement, mon emploi du temps, particulièrement chargé, ne me permet pas de répondre favorablement à votre requête.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Alain Juppé


COMMENTAIRES

Bien que fort courtoise dans la forme, cette fin de non-recevoir ne peut évidemment pas nous satisfaire.

- Concernant la 1e question posée à Alain Juppé, la réponse du ministre est venue dans les faits, d’abord à Paris, ensuite à New York.

A Paris, le 26 novembre, intervenant au Sénat sur le projet de budget de la Défense, Alain Juppé déclare : "Je rêve d’un monde sans armes nucléaires, bien sûr, mais je n’ai jamais dit que la France devait donner l’exemple avant tous les autres ! Tant que des progrès n’auront pas été faits au niveau mondial, la France ne doit pas baisser la garde."

"La défense demeure une priorité : les crédits augmenteront de 3 % d’ici 2013 alors que ceux d’autres ministères resteront stables. Le Royaume-Uni diminue son budget de 8 %, l’Allemagne de 14 %..." (Source : Journal officiel du Sénat) Et aucun des programmes de nouveaux armements nucléaires cités plus haut ne sera remis en cause.

A New York, la France a voté une fois de plus contre la résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU en faveur d’une Convention de désarmement nucléaire.

- Concernant la 2e question, la réponse est venue dans les faits, là encore à New York : le 8 décembre 2010, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la résolution 65/55 "sur les effets des armements contenant de l’Uranium appauvri" par 148 voix pour, 30 abstentions, et 4 voix contre, sur 182 votants (10 Etats n’ayant pas pris part au vote, dont la Chine). Parmi les abstentionnistes, on compte la Fédération Russe. Les 4 Etats ayant voté contre la transparence dans l’emploi des armes contenant de l’uranium appauvri sont : les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la France (tous trois connus comme producteurs de telles armes)... et Israël, comme par hasard.

- Rien de nouveau sur les autres questions.

- Le 15 décembre 2010, le jour même où il nous faisait savoir que son "emploi du temps particulièrement chargé" ne lui permettrait pas de nous recevoir ni d’entendre "évoquer la politique française en matière de désarmement", M. Alain Juppé s’employait, sur l’antenne de France-Inter, à justifier la politique nucléaire de la France.

Adieu le désarmement nucléaire. "Paris vaut bien une messe".


Concernant Nicolas Sarkozy sur le pont du "Charles de Gaulle", VOIR Une marée noire en Chine, une catastrophe en France, passées inaperçues et la vidéo (10 secondes)

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