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Honneur et liberté pour les inculpés de Greenpeace !

Lettre au Président de la République et au gouvernement


Publié le 19 janvier 2012

Cette lettre est offerte à quiconque s’insurge contre la tyrannie du lobby nucléaire civil et militaire, quiconque veut en affranchir notre pays, quiconque veut vivre dans un monde sans armes ni centrales nucléaires.

N’hésitez pas à la copier, la reproduire, la signer pour votre propre compte, et l’expédier au président de la République comme aux membres du gouvernement. Avec, pourquoi pas, en guise d’avertissement, une copie à celles et ceux qui prétendent leur succéder pour faire la même politique, à quelques broutilles près.


Monsieur le Président de la République Française

Copie à

- Monsieur le Premier ministre
- Monsieur le ministre de la justice
- Monsieur le ministre de l’intérieur
- Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
- Monsieur le ministre chargé de l’industrie
- Madame la ministre de l’environnement
- Monsieur le ministre de la défense
- Monsieur le ministres des affaires étrangères
- Greenpeace

Le 19 janvier 2012

Monsieur le Président,

Comme le rappelle une dépêche AFP de ce 18 janvier, « le 5 décembre 2011, des militants de Greenpeace s’étaient introduits dans deux centrales, à Nogent-sur-Seine (Aube) et Cruas (Ardèche), déjouant la surveillance des gendarmes pendant près de 14 heures en tout. Objectif : jeter un coup de projecteur sur les failles de la sécurité des installations nucléaires. »

Les neuf militants de Nogent, six femmes et trois hommes âgés de 22 à 60 ans, doivent comparaître vendredi 20 janvier devant le tribunal correctionnel de Troyes pour « violation de locaux professionnels et dégradations en réunion », et les deux militants de Cruas comparaîtront pour les mêmes motifs le 24 janvier devant le tribunal correctionnel de Privas. Ils encourent pour ces délits jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Cinq d’entre eux sont également poursuivis pour refus de se soumettre à un prélèvement ADN, un « délit » passible d’un an de prison et de 15.000 euros d’amende.

Nous avons l’honneur de protester avec la plus grande énergie contre la criminalisation dont les militants de Greenpeace font l’objet.

En premier lieu, il est intolérable que certains d’entre eux soient poursuivis pour avoir refusé de se soumettre au prélèvement d’ADN. Initialement, cette mesure devait alimenter un fichier national lui-même destiné à lutter contre la criminalité sexuelle. Donc, ou bien les militants de Greenpeace sont considérés comme de dangereux délinquants sexuels pour avoir violé l’intimité de centrales nucléaires, ce qui n’est pas sérieux, ou bien les prélèvements d’ADN qu’on a voulu leur imposer sont un abus de pouvoir et une atteinte aux libertés fondamentales. Ce chef d’accusation doit donc être purement et simplement abandonné.

En deuxième lieu, comme le fait observer l’avocat de Greenpeace, Me Alexandre Faro, "les peines encourues sont disproportionnées au regard de la réalité des faits, d’autant que les intrusions dans ce type de site sont régies par l’article 413-7 du code pénal qui prévoit six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende. Cet article et les peines encourues sont d’ailleurs clairement mentionnés sur les panneaux d’interdiction (...) tout autour des centrales". Tout comme Me Faro, nous pensons qu’"on cherche manifestement à faire peur pour dissuader les militants de réitérer ce genre d’action". Ce qui n’est pas de la justice, mais de la dissuasion... nucléaire. Si poursuites il devait y avoir, elles devraient donc être requalifiées, et les peines maximales encourues, divisées par dix. Mais y a-t-il lieu de poursuivre ?

En troisième lieu, en effet, les militants de Greenpeace ne devraient pas être sanctionnés ni même poursuivis, mais congratulés pour leur action préventive, d’un intérêt collectif indiscutable. Ils ont, avec beaucoup de courage, mis en évidence des failles du système de sécurité qui pourraient conduire à une catastrophe en cas d’intrusion terroriste ou mal intentionnée dans une ou plusieurs centrales nucléaires françaises. Ils ont fait, sur la sécurité, le même genre de « stress test » que l’instructive « opération Opéra » effectuée cinq jours plus tôt, le 30 novembre, par deux parlementaires UMP, M. Claude Birraux et M. Bruno Sido, sur la sûreté intérieure de deux autres centrales, Paluel et le Blayais. A Paluel notamment, la visite impromptue de M. Birraux a permis de constater qu’il fallait plus de 6 heures pour résoudre un "incident majeur" susceptible d’entraîner la fusion du coeur. Pour autant, ni M. Birraux, ni M. Sido ne sont poursuivis, que l’on sache. (1)

Le 5 décembre 2011, les militants de Greenpeace n’ont fait, comme MM. Birraux et Sido, qu’anticiper et conforter la conclusion tirée par l’ASN dans son Avis n° 2012-AV-0139 du 3 janvier 2012 : « La catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi confirme que, malgré les précautions prises pour la conception, la construction et le fonctionnement des installations nucléaires, un accident ne peut jamais être exclu. » Ils ont testé gracieusement le risque terroriste - un risque totalement absent des scénarios de l’ASN, comme celle-ci l’admet en notant que son avis permet seulement de « prendre en compte une partie des situations consécutives à un acte de malveillance ».

Les militants de Greenpeace ont bien mérité de la Nation - et du genre humain. Pour ce haut fait, nous vous suggérons, Monsieur le Président, de leur attribuer une distinction, en même temps qu’à MM. Birraux et Sido - par exemple dans l’ordre de la Légion d’honneur.

La dépêche AFP précédemment citée rappelle que vous aviez, au moment des faits, trouvé "assez irresponsable de prendre des risques avec sa vie et avec la vie des autres".

Mais ne serait-il pas irresponsable de risquer la vie des autres en laissant subsister de graves failles dans la sécurité ou la sûreté des centrales nucléaires françaises ?

Ne serait-il pas irresponsable de risquer la vie des autres en laissant subsister 58 réacteurs nucléaires, quand l’ASN « considère que la poursuite de l’exploitation des installations nécessite d’augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, leur robustesse face à des situations extrêmes », et quand le Japon, dix mois après Fukushima, a mis à l’arrêt 48 de ses 54 réacteurs et s’apprête à les fermer tous ? Préférez-vous attendre un Fukushima-sur-Gironde, modèle décembre 99, pour en faire autant ?

Enfin, n’est-ce pas « prendre des risques avec la vie des autres », que de menacer de les massacrer avec des armes nucléaires ? Et en attendant de commettre ce crime contre l’humanité, de faire circuler sur les routes de France des transports de missiles qui se renversent ? (2)

Pensez-y bien, Monsieur le Président.

Et veuillez agréer l’assurance de notre solidarité avec les inculpés de Greenpeace.

Nous demandons pour eux la relaxe et la Légion d’honneur.

Pour ACDN,

Jean-Marie Matagne, président

Post-Scriptum. Les questions soulevées en conclusion de cette lettre s’adressant aussi aux candidats à votre succession, nous leur en envoyons copie.



1. Rappelons les faits. Le 30 novembre 2011 vers 19h, M. Claude Birraux, député, président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) et membre du Conseil d’Administration de l’IRSN, se présentait à la centrale de Paluel (Seine-Maritime) en compagnie de représentants de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Le directeur était sommé de simuler un « incident majeur » : la perte totale d’alimentation électrique du réacteur. Par malheur, le groupe électrogène de secours, fonctionnant au diesel, était ce jour-là (réellement) indisponible. Des situations tragi-comiques s’enchaîneront jusqu’à ce que l’exercice puisse s’achever à 1h 30 du matin. En situation réelle, la catastrophe était quasiment garantie. Le même soir, M. Bruno Sido, sénateur et vice-président de l’OPECST, menait à la centrale du Blayais (Gironde) un contrôle surprise analogue, avec un résultat un peu plus favorable. (Cf. Hervé Nathan, Marianne, 1/12/2011).

(2) Cf. "Ces effarants convois de missiles nucléaires", La Marseillaise, 19 décembre 2011, et "Convois nucléaires, un militaire à huis clos", La Marseillaise, 16 janvier 2012.