L’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN) apprécie très positivement l’action personnelle de M. Mohammed ElBaradei, qui s’est opposé courageusement aux mensonges sur la détention d’armes de destruction massive, par lesquels l’administration Bush a prétendu justifier en 2003 son agression contre l’Irak. Elle souhaite donc ajouter ses félicitations à toutes celles déjà reçues par M. ElBaradei pour le prix Nobel de la Paix qui vient de lui être attribué.
ACDN s’étonne en revanche que ce prix ait pu être attribué à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique en même temps qu’à son actuel directeur. En effet, le rôle de cette agence de l’ONU est, depuis ses origines, fondamentalement contradictoire. D’un côté, l’AIEA surveille les installations nucléaires de base (INB) -centrales nucléaires, usines produisant ou retraitant les matériaux fissiles, réacteurs de recherche...- pour éviter leur emploi détourné vers la fabrication d’armes nucléaires ; de ce point de vue, elle contribue donc bien à la paix en limitant les risques de prolifération militaire. Mais d’un autre côté elle renforce ces risques et ceux spécifiques aux INB en promouvant activement la diffusion des technologies et des matières nucléaires. En se retirant du Traité de Non Prolifération (TNP) après avoir fabriqué par ce biais les armes nucléaires qu’elle déclare posséder, la Corée du Nord illustre ce danger. Qui plus est, l’AIEA a contribué et contribue elle aussi à induire en erreur l’opinion internationale en sous-estimant systématiquement les effets nocifs, voire catastrophiques comme dans le cas de Tchernobyl, de l’industrie nucléaire, et en empêchant l’Organisation Mondiale de la Santé de les révéler dans toute leur amplitude.
Pour devenir un authentique acteur de paix et mériter son prix Nobel, l’AIEA devra cesser d’être une agence pour l’énergie atomique et mettre ses compétences au service de la dénucléarisation militaire et civile de la planète. Cela implique le respect et la mise en oeuvre effective de l’article 6 du TNP qui exige des cinq puissances nucléaires déclarées l’élimination de leurs arsenaux, et l’adhésion au TNP des puissances officieuses, comme Israël, l’Inde et le Pakistan ou le retour en son sein de la Corée du Nord. Cela implique aussi une révision de l’article 4 du TNP, afin de substituer au droit à l’énergie nucléaire le droit aux énergies renouvelables, l’aide au développement durable des pays émergents, et la « décroissance soutenable » des pays riches, c’est-à-dire partout les économies d’énergie. En dehors de quelques applications médicales, scientifiques ou industrielles très limitées, le nucléaire sous ses formes tant civiles que militaires représente une impasse mortelle pour les générations actuelles et futures. La communauté internationale et l’ONU doivent en prendre acte et modifier en conséquence les missions confiées à l’AIEA, qui devrait devenir une Agence Internationale pour l’Elimination de l’Atome.
NOTA. Ce prix Nobel aurait été certainement beaucoup plus clair, plus juste et plus utile, s’il avait été attribué conjointement, non à l’AIEA, mais par exemple à M. Mordechai Vanunu, qui a payé de 18 ans de prison sa lutte contre les armes nucléaires et qui reste enfermé avec restriction de ses droits dans les frontières d’Israël, ainsi qu’à M. Tadatoshi Akiba, maire d’Hiroshima, qui conduit avec énergie la campagne des Maires pour la Paix visant à obtenir l’abolition de toutes les armes nucléaires d’ici à 2020. Il faut espérer que le jury du Prix Nobel saura honorer et encourager leur combat lors d’une prochaine session, ce qui permettrait de supprimer les regrettables ambiguïtés de la présente attribution.