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Conférence d’examen du TNP : le dernier round
Lacunes

Par Ray Acheson | Reaching Critical Will of WILPF


Publié le 21 mai 2015

L’« écart en matière de désarmement nucléaire est encore considérable », a fait savoir la présidente de la Conférence d’examen du TNP lors d’une brève réunion plénière mercredi. Elle a proposé que les discussions informelles qu’elle-même organise se poursuivent pendant la nuit. Et elle a encouragé les présidents des comités II et III à poursuivre eux aussi leur travail de nuit aussi longtemps qu’il le faudrait, étant donné qu’il n’y a pas non plus jusqu’à présent de consensus sur les textes de ces comités. Si cette Conférence doit aboutir à un résultat, le projet de texte devra être soumis aux capitales au plus tard jeudi à 15h*. Mais que l’on parvienne ou non à un accord sur un projet de texte, le véritable résultat de cette Conférence, ce sera l’Engagement Humanitaire**. C’est cet engagement qui distingue la présente Conférence d’Examen de toutes les réunions précédentes du TNP. Alors que les positions traditionnelles des Etats nucléaires, de leurs alliés, et des pays favorables au désarmement ont suivi leurs schémas habituels et prévisibles, c’est la première fois que des pays ont uni leurs forces de cette façon pour avancer vers un instrument légalement contraignant sur les armes nucléaires.

Avec près de 100 Etats ayant endossé à ce jour l’engagement international de combler le vide juridique en matière d’interdiction et d’élimination des armes nucléaires, quoi qu’il advienne à cette Conférence d’Examen, rien ne pourra retenir ces Etats d’accomplir un véritable progrès en direction du désarmement nucléaire multilatéral. Les Etats seront dans une position forte pour commencer à mettre en œuvre cet engagement une fois que la Conférence aura fermé ses portes, qu’un document y ait été adopté ou pas.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un document final issu de cette Conférence pourrait bien représenter ? Que des réunions informelles tenues dans des arrière-salles par un petit nombre de délégations produisent ou non un accord quelconque, que peut bien valoir un accord atteint par une poignée d’Etats dans le contexte d’une Conférence de 189 Etats-parties ? Quel signe donnerait-il à voir quant à la démocratie et la transparence ?

Certes, c’est la manière dont les choses se sont traditionnellement faites dans les forums de l’ONU. Mais ce n’est pas parce qu’elle reflète une vieille pratique qu’elle est pour autant raisonnable ou constructive. Cela ne signifie pas que c’est la manière dont les choses doivent continuer à se faire maintenant, spécialement dans la « nouvelle réalité » identifiée par l’Irlande et vécue par tous les participants à cette Conférence d’examen.

Tout accord atteint à ce stade représentera un processus qui privilégie les opinions et les positions d’un petit nombre d’Etats triés sur le volet par la présidente et disposant des ressources et de l’endurance qui leur permettent de rester aussi longtemps qu’il le faut pendant la nuit. Les questions les plus controversées dans ces discussions se rapportent, d’après la présidente, aux mesures concrètes de désarmement, à l’impact humanitaire des armes nucléaires, et aux déclarations des Etats qui en sont dotés. Ce sont là des questions qui concernent tous les Etats-parties au TNT – et la société civile du monde entier.

Entendre dire que les écarts restent considérables indique clairement qu’il y a dans la pièce de très fortes délégations favorables au désarmement et qu’elles se battent bec et ongles au nom de tout le monde. Mais quelle sorte de pression vont-elles subir de la part des Etats nucléaires ? Va-t-on les caresser dans le sens du poil ou au contraire les intimider pour qu’elles acceptent de parapher un « résultat modeste » ? Et que signifierait un tel « résultat » pour l’avenir du désarmement nucléaire ?

En fait, il n’aurait pas besoin de signifier quoi que ce soit. Avec l’Engagement Humanitaire solidement posé sur la table et représentant la majorité des Etats, ceux qui sont résolus à passer à l’action sur le désarmement nucléaire peuvent avancer en pleine conscience d’être venus, d’avoir tenté, et d’avoir trouvé la voie fermée par les Etats nucléaires, qui ne voulaient d’aucune espèce de compromis. Les aspects relatifs à la non-prolifération survivront jusqu’à une autre Conférence d’examen, avec ou sans accord final de celle-ci. Mais les aspects relatifs au désarmement devront être traités et progresser ailleurs. Les Etats nucléaires ont refusé de remplir leurs obligations légales d’après l’article VI, d’honorer les engagements qu’ils ont pris en 1995, 2000 et 2010, et maintenant ils refusent de s’entendre, conformément aux demandes de la majorité, sur des mesures de désarmement qui seraient inscrites dans un calendrier, constatables, vérifiables, et irréversibles. Ils continuent à appeler les Etats à « renforcer le TNP », mais ce sont eux qui minent le traité par leur intransigeance.

Il y a plus qu’un écart entre les Etats nucléaires et ceux qui veulent le désarmement nucléaire. Il y a aussi un vide juridique clairement identifié quand on en vient à l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires. La solution pour combler cette lacune, c’est de marcher en avant et d’interdire les armes nucléaires sans les Etats qui en ont. Qu’un document soit ou non adopté ici et maintenant à New York, il est désormais manifeste que les Etats qui possèdent des armes nucléaires bloquent tout progrès significatif sur le chemin du désarmement. Ainsi, c’est aux Etats qui veulent ce désarmement de prendre les choses en main et d’engager le processus d’interdiction des armes nucléaires, même si les Etats nucléaires s’y opposent et refusent d’y participer. L’Engagement Humanitaire est la première étape dans cette direction et marquera un résultat historique de la Conférence d’examen du TNP en 2015.

Ray Acheson

Source : NPT News in Review, Vol. 13, No. 15, Editorial

Traduction Jean-Marie Matagne/ACDN.

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* ( NDT) 21h, heure de Paris.

** (NDT) C’est-à-dire « l’Engagement de l’Autriche », que le gouvernement autrichien a décidé au début de cette semaine de rebaptiser « Engagement Humanitaire », du fait qu’un grand nombre d’Etats l’ont repris à leur compte.