D’après une dépêche AFP du 4 août 2003.
La montée de la menace nord-coréenne a brisé le tabou de l’arme nucléaire au Japon. Dans certains cercles dirigeants conservateurs comme chez leurs homologues américains, et jusque dans une frange du public japonais, la question d’un Japon atomique est désormais posée comme réponse possible aux missiles et ambitions nucléaires de Pyongyang.
Les sondages indiquent généralement qu’une majorité de Japonais reste hostile à une nucléarisation de leur pays. Mais la discussion publique est révélatrice d’une évolution des esprits dans le contexte d’une plus grande implication du Japon sur la scène internationale aux cotés des Etats-Unis, en Afghanistan et en Irak par exemple.
Le débat a été lancé il y a un peu plus d’un an par plusieurs hommes politiques qui ont remis en question l’"allergie atomique" prêtée au seul pays victime de la bombe atomique. En mai 2002, le secrétaire adjoint du gouvernement Shinzo Abe a estimé que des armes nucléaires tactiques "ne violeraient pas forcément la constitution" pacifique de l’archipel. Quelques semaines plus tard, le secrétaire du gouvernement Yasuo Fukuda, son principal porte-parole, a déclaré que la politique interdisant depuis plus de 30 ans la production, la possession et la présence de l’arme atomique au Japon pourrait être révisée, même si cela restait exclu dans un avenir proche.
Ce genre de remarques aurait coûté leur place aux responsables japonais il y a quelques années encore et provoqué un tollé dans la région. Mais la volonté des conservateurs au pouvoir, de faire du Japon un "pays normal" près de 60 ans après la fin de la guerre, l’arrivée de l’administration Bush au pouvoir aux Etats-Unis et, surtout, la menace nord-coréenne ont modifié la donne. En mars, le vice-président américain Dick Cheney a estimé que si Pyongyang se dotait de la Bombe, il s’en suivrait probablement une course aux armements en Asie. "D’autres, peut-être le Japon, par exemple, pourraient être obligés d’examiner s’il veulent ou non revoir la question nucléaire", a-t-il dit.
Cette évolution inquiète le maire de Hiroshima, Tadatoshi Akiba, qui poursuit la croisade anti-nucléaire et pacifiste de ses prédécesseurs. "Je ne peux pas m’empêcher de craindre que le gouvernement cherche à faire du Japon une puissance atomique", dit-il. Mais pour Terumasa Nakanishi, professeur de relations internationales de l’université de Kyoto, les belles paroles de paix ne suffisent plus à garantir la sécurité. "Si l’on veut éviter un troisième bombardement atomique au Japon de la part de Kim Jong-Il, nous devons agir de manière plus concrète que par des rassemblements et pèlerinages du souvenir", écrit-il dans le numéro d’août de la revue Shokun. "Contre le nucléaire, il est difficile de trouver un autre moyen efficace que le nucléaire", ajoute-t-il.
Eh si, Monsieur Nakanishi, il existe un autre moyen ! Celui-là même que prône M. Akiba, celui que nous prônons aussi : l’élimination de toutes les armes nucléaires. Ecoutez donc l’Appel de Nagasaki 2003. Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, lisez donc « En finir avec la terreur nucléaire » (« Let’s make an end to nuclear terror ! »). Vous y verrez que des chefs d’Etat déjà dotés d’armes nucléaires n’y voient, « au mieux », qu’une arme de vengeance. Mais peut-être que vous souhaitez devenir un « hibakusha »* de demain ?
* « Hibakusha » : nom japonais donné aux survivants des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.