71 sénateurs sur 100 ont voté pour ; 67 était le nombre minimal requis (majorité qualifiée des deux-tiers). Après le ralliement de dernière minute de 2 abstentionnistes démocrates et de 2 opposants républicains, les 56 sénateurs démocrates sans exception ont voté pour, ainsi que 2 sénateurs indépendants ; 13 républicains ont voté pour, 26 contre et 3 se sont abstenus.
Pour avoir quelque chance d’être ratifié par les deux Parties -il doit encore l’être par la Douma russe-, le traité devait être approuvé par le Sénat des Etats-Unis au plus tard le 31 décembre 2010, c’est-à-dire avant l’entrée en fonctions, le 1er janvier 2011, du nouveau Congrès élu en novembre dernier. Le président Obama est intervenu personnellement et publiquement dans les jours précédant ce vote, lançant un appel solennel aux sénateurs en faveur de la ratification.
Ce vote favorise la poursuite des efforts de rapprochement diplomatique et du partenariat stratégique entre les Etats-Unis et la Russie.
Mais pour obtenir ce résultat, l’administration Obama a dû donner de nombreux gages aux partisans des armes nucléaires et au complexe nucléaire. Pour la modernisation des installations nucléaires US -qui permettra la fabrication de nouvelles têtes nucléaires si la décision en était prise-, la National Nuclear Security Agency s’est vu proposer par la Maison Blanche un budget en augmentation de près de 10 % pour 2011, et pour la période 2011-2020 la somme sans précédent de 80 milliards de dollars, auxquels l’administration Obama a encore ajouté 5 milliards de dollars dans les derniers jours précédant le vote du Sénat. Ceci indépendamment des 100 milliards de dollars qui seront alloués dans le même temps au développement d’un "bouclier antimissiles".
Au final, partisans et adversaires de l’abolition des armes nucléaires crient simultanément victoire, les seconds avec davantage de raisons sonnantes et trébuchantes et avec des arguments d’un remarquable cynisme.
Ainsi, après avoir reçu avec trois autres sénateurs (dont deux démocrates) une lettre personnelle de Barack Obama, le sénateur républicain du Tennessee Lamar Alexander a pu déclarer : d’après le traité, "nous pourrons déployer 1550 armes nucléaires stratégiques, dont chacune est jusqu’à 30 fois plus puissante que celle d’Hiroshima qui a mis fin à la deuxième guerre mondiale". Qui plus est, "nous obtiendrons des informations pertinentes, notamment grâce à des opérations d’inspection qui devraient nous fournir sur les activités russes un trésor de renseignements dont nous avons été privés depuis que le traité START a expiré le 9 décembre 2009". En outre, "le président s’est engagé sur un plan décennal de 85 milliards de dollars pour garantir que ces armes fonctionneront", "nos responsables militaires disent que ce plan n’interfère en rien avec le développement de notre système de défense antimissiles", et "rien dans le traité n’interdit un tel développement".
Bref, si "les Américains sont plus sûrs et mieux protégés avec le traité que sans lui" selon le sénateur Alexander, il est vrai aussi que le complexe nucléaire et militaro-industriel américain ne s’est jamais aussi bien porté, et qu’il a de beaux jours devant lui. Son homologue russe pourrait bien faire le même raisonnement et soutenir un vote similaire de la Douma.
ACDN, le 22 décembre 2010