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Dissuasion nucléaire : la contestation gagne les ministres et s’affiche à l’Assemblée Nationale


Publié le 21 décembre 2013

Trois ministres de la Défense : Hervé Morin, Alain Richard, Paul Quilès ; deux Premiers ministres : Michel Rocard, Alain Juppé ; un président de la République : Valéry Giscard d’Estaing, ont d’ores et déjà remis en cause, parfois malgré eux, chacun en son temps et à sa manière, nos armes nucléaires.

Hervé Morin est le dernier à l’avoir fait : le lundi 9 décembre 2013, lors d’un colloque tenu à l’Assemblée Nationale, auquel Michel Rocard participait également.

Le lendemain, 10 décembre 2013, par un vote du Sénat en deuxième lecture, le Parlement adoptait définitivement la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 qui prévoit de consacrer plus de 23 milliards d’Euros à entretenir nos armes nucléaires et en fabriquer de nouvelles, bafouant ainsi les obligations de la France au regard du droit international, ses devoirs humanitaires et sa propre Constitution.

Cherchez l’erreur.


Le colloque était organisé par le Club "Participation et progrès", à l’initiative de son président, Pierre Pascallon, ancien député (RPR, Puy-de-Dôme), en collaboration avec les Revues "Défense Nationale" et "Défense et Sécurité Internationale", en partenariat avec Jacques Myard, député (UMP, Yvelines), qui a pu mettre à disposition la salle. Titre du colloque : "Quel avenir pour la dissuasion nucléaire française face aux défis et aux changements géostratégiques d’aujourd’hui et de demain ?". Il a rassemblé environ 150 personnes.

Prononçant le discours d’accueil, Hervé Morin, ancien ministre de la défense dans les gouvernements Fillion I et II (2007-2010), aujourd’hui député (UDI, Eure), surprend l’auditoire :

"Se pose à mon sens sur le long terme, sans naïveté, la question de l’abolition de l’arme nucléaire sur la planète. Je continue, je le disais quand j’étais ministre, mais je le disais bien entendu en cercle fermé (...) Le discours international qui consiste à considérer que nous sommes les seuls, en fonction d’une histoire révolue, à pouvoir se doter de l’arme nucléaire et empêcher des puissances plus importantes, plus influentes que la nôtre, de s’en doter est un discours qui ne tiendra pas, je suis convaincu de cela, quel que soit le succès diplomatique sur l’Iran. Et si on veut éviter un jour la nuit froide du nucléaire dans 20, 30 ou 50 ans, nous devons, nous Européens, ouvrir la question du désarmement nucléaire total de la planète. (...) Pour moi, si on veut éviter la prolifération, la question que nous devons poser, dans le cadre d’une grande initiative diplomatique qui pourrait être européenne, c’est celle-là."

Après avoir apporté quelques précisions, il conclut : "...qu’on ne nous dise pas que c’est un schéma impossible. Je vous rappelle que nombre de pays ont fini par renoncer à l’arme nucléaire dans l’histoire récente. (...) Donc je défends, pour ma part, l’idée qu’il serait un beau message de paix, qui a d’ailleurs été emprunté par le président Obama (...), et aussi, cela m’avait échappé, par d’anciens Premiers ministres de la République française... Alain Juppé et Michel Rocard. Il y a là un vrai message et une vraie question qui mérite d’être posée, non pas sur le court terme, mais sur le moyen terme, sans naïveté et en mettant Russes et Américains face à leur responsabilité." (D’après un verbatim établi par Venance Journé à partir d’un enregistrement et reproduit ici avec son aimable autorisation.)

Hervé Morin rejoint donc Michel Rocard qui avait en effet cosigné dans le Monde du 15 octobre 2009, avec trois autres signataires dont Alain Juppé, une tribune libre intitulée : "Pour un désarmement nucléaire mondial, seule réponse à la prolifération anarchique".

Il est paradoxal que cette tribune ait "échappé" à Hervé Morin, alors ministre de la défense. Elle a donc également échappé à la vigilance de son cabinet et de ses services de renseignement. A l’aune de cette distraction, on mesure le sérieux de l’attention prêtée en haut lieu à la dissuasion nucléaire. Qu’importe la stratégie, pourvu qu’on ait la Bombe ! Leur cout exorbitant suffit à justifier nos missiles, nos sous-marins et nos ogives nucléaires.

Il n’empêche : outre sa désarmante franchise, Hervé Morin a le mérite de s’être posé des questions et de les porter à présent sur la place publique, où sa voix compte.

Michel Rocard, lui, a le mérite de s’être inquiété du sujet dès la fin des années 1980, et de n’avoir cessé depuis. (Dommage tout de même que son inquiétude épargne le nucléaire civil et ses 58 réacteurs de puissance, qui sont autant de bombes prépositionnées chez nous par nos soins.) Certes, il lui arrive de reculer sous l’assaut des partisans de l’arme nucléaire, comme en juin 2012, lorsqu’il propose de "supprimer la force de dissuasion nucléaire" puis déclare s’être livré à "une boutade". Repli tactique, dirons-nous. Car le voici qui revient à la charge. Concluant la table ronde introduite par Hervé Morin, il le dit sans ambages : « la dissuasion nucléaire est une arme inutile et dangereuse ». C’est même le titre de son intervention. Celle du général d’Armée Aérienne Bernard Norlain, autre signataire d’octobre 2009 et ancien directeur de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, va dans le même sens : « Nucléaire : le mythe de l’arme absolue ».

Deux autres anciens ministres de la Défense, tous deux socialistes, sont absents du Colloque mais ont, eux aussi, dénoncé le mythe : Alain Richard en cosignant la tribune de 2009 ; Paul Quilès en publiant en avril 2012, sous le titre : "Nucléaire, un mensonge français", ses "réflexions sur le désarmement nucléaire" qui lui inspirent une campagne active pour ce désarmement.

Michel Rocard, Bernard Norlain, Alain Richard et Paul Quilès font partie des nombreuses personnalités internationales qui réclament l’abolition des armes nucléaires sous le chapeau de l’ONG "Global Zero". Jacques Attali les a rejoints.

Hélas, tous ces convertis à l’abolition sont des Ex. Que n’ont-ils dit la même chose lorsqu’ils exerçaient le pouvoir et auraient pu changer la politique de la France ! Il existe chez nous une sorte de règle occulte qui veut qu’on ne peut à la fois exercer le pouvoir - ou le briguer - et critiquer l’arme nucléaire. Hervé Morin en fait l’aveu : "je le disais quand j’étais ministre, mais je le disais bien entendu en cercle fermé". Bien entendu.

Alain Juppé en est la preuve vivante : rappelé aux affaires nationales dans le gouvernement Fillion III, le maire de Bordeaux succède justement à Hervé Morin, le 14 novembre 2010. Le 15, l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire lui demande par lettre ce qu’il compte faire pour mettre en œuvre les convictions exposées un an plus tôt dans la tribune du Monde, et sollicite une entrevue. Mais le 26 novembre, intervenant au Sénat sur le projet de budget de la Défense, Alain Juppé déclare : "Je rêve d’un monde sans armes nucléaires, bien sûr, mais je n’ai jamais dit que la France devait donner l’exemple avant tous les autres ! Tant que des progrès n’auront pas été faits au niveau mondial, la France ne doit pas baisser la garde." "Ne pas baisser la garde", vieux leitmotiv des adeptes du statu quo armé. Le 15 décembre, il répond au président d’ACDN : "Soyez assuré que c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris connaissance de votre correspondance. Malheureusement, mon emploi du temps, particulièrement chargé, ne me permet pas de répondre favorablement à votre requête." Son emploi du temps du même jour consiste justement à justifier sur l’antenne de France-Inter la politique nucléaire de la France. Il est redevenu ministre, il reprend le discours officiel. Cela fait partie du costume.

Le plus illustre des "Ex" à avoir critiqué l’arme nucléaire française reste Valéry Giscard d’Estaing. Il a, "bien entendu", attendu de ne plus être président de la République pour le faire : dans le tome 2 de ses mémoires paru en 1991. Des pages qui gagnent à être connues.

Il raconte comment, lors de manœuvres organisées en mai 1980 dans la zone d’occupation française de l’Allemagne de l’Ouest en vue de tester le recours à l’arme nucléaire, il constate que l’état-major des "Bleus" renonce à employer sur le terrain l’arme nucléaire tactique (les missiles "Pluton") pour compenser un déséquilibre conventionnel avec les "Rouges". Les militaires ont réalisé qu’en employant des armes nucléaires contre un adversaire qui en a tant et plus, on s’expose à recevoir la monnaie de sa pièce avec des intérêts. L’ancien président ajoute :

"(Et puis, concernant la destruction mutuelle assurée, quoi qu’il arrive -et j’écris cela entre parenthèses pour souligner que cette décision a toujours été enfouie au fond de moi-, quoi qu’il arrive je ne prendrai jamais l’initiative d’un geste qui conduirait à l’anéantissement de la France. Si sa destruction était entamée par l’adversaire, je prendrais aussitôt la décision nécessaire pour la venger. Mais, autrement, je veux laisser à... la fidélité à leurs convictions alors cachées de ses habitants l’ultime chance de faire revivre un jour la culture française.)" (Le pouvoir et la vie, Tome II, p. 210)

Autrement dit : si la guerre froide était devenue chaude et si les tanks du pacte de Varsovie, en surnombre, avaient été sur le point d’envahir la France, le président de la République n’aurait envoyé aucun "ultime avertissement" nucléaire aux dirigeants soviétiques en bombardant leurs chars, et encore moins leurs cités. A l’anéantissement de la France, il aurait préféré l’occupation. Comme en juin 40. On cache ses convictions à l’occupant, on leur résiste secrètement en attendant des jours meilleurs, et pour finir on se relève d’une occupation. Pas d’un anéantissement.

Sans doute n’entrait-il pas dans les intentions du mémorialiste Giscard d’Estaing de mettre en cause la stratégie française dite "de dissuasion". Elle n’en est pas moins mise à mal, si ce n’est anéantie, par son aveu post-présidentiel : contre un ennemi déterminé qui la possède aussi, la bombe atomique ne sert à rien. Ni préventivement, comme menace dissuasive, ni même, quoi qu’en dise l’ex-président, comme arme de vengeance : l’employer contre les villes d’un ennemi qui l’aurait utilisée en premier et aurait ainsi "entamé" la destruction de la France, c’eût été le pousser à "achever le travail" en détruisant complètement notre pays. C’eût été, au sens littéral du terme, la "destruction mutuelle assurée". Espérons donc qu’en pareil cas, le président Giscard ne l’aurait pas non plus utilisée.

Si l’arme atomique française n’avait déjà pas de sens du temps de la guerre froide, elle en a encore moins aujourd’hui. Le président de la République en exercice, son Premier ministre, son gouvernement, son ministre de la défense devraient écouter la voix des "Ex". Et pourquoi pas, celle des Français, car le sujet mériterait certainement le débat national et le référendum que le général de Gaulle faillit faire, mais ne fit pas, au moment où il créa la force de frappe française.

Oui ou non, "approuvez-vous que la France participe avec les autres Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaires sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?" Telle est, aujourd’hui, la question qui doit être posée aux Français puisque les dirigeants en poste refusent de se la poser.

Nous avons, en tant que citoyens, le pouvoir et le devoir de faire cesser la schizophrénie qui sévit à la tête de l’Etat.

Jean-Marie Matagne, le 20 décembre 2013



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