S.E. M. l’Ambassadeur Thani Thongphakdi
Président du Groupe de travail de l’ONU à composition non-limitée (UN-OEWG)
Sur le désarmement nucléaire multilatéral
Genève
Saintes, le 25 février 2016
Monsieur le Président,
Excellence,
Au nom de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN), permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour votre nomination à la présidence de ce groupe de travail.
(...) Notre association regrette et vous prie d’excuser son absence à la présente session du groupe de travail que vous présidez, mais espère pouvoir participer aux prochaines sessions. Nous souhaitons dès à présent contribuer à la réflexion collective en vous soumettant les suggestions qui suivent.
Indépendamment du processus diplomatique à mettre en oeuvre pour parvenir à un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, nous aimerions suggérer à l’honorable assemblée de Genève d’examiner, et à vous-même, Monsieur le Président, de mettre en discussion, soit au cours de la présente session, soit au cours de la suivante, un droit fondamental de l’humanité qui n’a encore jamais été clairement énoncé, en vue de sa proclamation éventuelle par la prochaine Assemblée générale de l’ONU : le droit à la survie, et son corollaire : le droit des peuples à disposer de leur survie.
En effet, les armes nucléaires ne sont pas seulement des « armes de destruction massive », mais des armes de massacres, des armes de crimes contre l’humanité, et leur menace ne porte pas seulement sur les vies individuelles de leurs victimes potentielles, qui se compteraient par milliers, elle porte sur l’existence même de populations entières, sur la survie des peuples et la survie de l’humanité elle-même.
Moralement et politiquement, le fait que ce pouvoir d’anéantissement soit concentré entre les mains d’une dizaine de chefs d’Etats nucléaires qui peuvent décider d’en user à tout moment, sans procès ni appel, est un scandale absolu. C’est aussi ce qui explique cette incroyable résistance des armes nucléaires à toutes les tentatives de les éliminer depuis 70 ans : les peuples des Etats dotés de ces armes n’ont jamais été consultés à leur propos, pas plus que les peuples des Etats non dotés. A aucun moment il ne leur a été donné le droit et l’occasion de refuser ces armes monstrueuses, alors qu’ils sont tenus de les financer et qu’elles mettent en jeu leur propre survie aussi bien que celle des autres peuples !
Affirmer le droit de l’humanité et de tous les peuples à leur survie, ce serait donc :
1°) Expliciter un droit encore inédit dans la Charte des Nations Unies : le droit de survie.
2°) Ouvrir le champ d’un combat pour l’abolition de cette peine de mort collective que constituent les armes nucléaires, à l’instar de celui pour l’abolition de la peine de mort individuelle.
3°) Priver de toute légitimité le pouvoir exorbitant et tyrannique des chefs d’Etats nucléaires d’exécuter leurs congénères, et permettre aux peuples de s’emparer de la question pour imposer l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires ou, en un mot, leur abolition.
Chaque citoyen, chaque peuple de la planète doit savoir qu’il dispose d’un droit suprême, totalement légitime, qui est aussi un devoir : celui de refuser l’arme nucléaire. Chaque citoyen, chaque peuple doit pouvoir exiger et exercer ainsi son droit de survie.
Parmi les moyens politiques d’exprimer cette volonté, certains peuples disposent d’une forme particulière de démocratie directe : le référendum. Encore faut-il qu’ils réclament de l’exercer. Pour sa part, l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire revendique depuis vingt ans - depuis sa création - un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires.
La Constitution de la Ve République française permet en effet le recours au référendum, mais pendant des décennies elle en a réservé l’initiative au président de la République et au gouvernement, qui ont toujours pris soin de ne pas consulter le peuple français sur ce sujet.
La réforme constitutionnelle de 2008 a créé une seconde possibilité : celle du référendum « d’initiative partagée », c’est-à-dire parlementaire et citoyenne. Un cinquième des parlementaires (députés et sénateurs) doit déposer une proposition de loi référendaire qui doit ensuite recueillir le soutien d’un dixième des électeurs inscrits.
C’est cette voie que des députés français sollicités par ACDN ont décidé, en janvier 2016, d’emprunter. Ils ont constitué un groupe et s’apprêtent à soumettre à leurs collègues députés et sénateurs une proposition de loi visant à organiser un référendum sur la question suivante :
« Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
D’après un sondage de l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) effectué en octobre 2015 à la demande d’ACDN, trois Français sur quatre veulent être consultés par référendum sur cette question et sont prêts à soutenir une proposition de loi qui l’organiserait. Trois sur quatre, également, répondraient OUI à la question posée.
Ainsi, l’espoir de voir la planète enfin débarrassée des armes nucléaires peut se concrétiser si les peuples s’emparent de la question. Ils le feront d’autant plus volontiers que ce droit leur sera reconnu officiellement et internationalement, et que, partout où les institutions le permettront, la parole leur sera donnée sur cette question vitale, par référendum ou par quelque autre moyen que ce soit.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre respectueuse considération.
Pour ACDN
Jean-Marie Matagne, Président