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Lettre d’ACDN au Conseil d’Administration du Réseau "Sortir du nucléaire" :
Il faut cesser de bâillonner le mouvement antinucléaire


Publié le 4 avril 2014

Mesdames, Messieurs les administrateurs du Réseau "Sortir du nucléaire",

Chers camarades,

Nous souhaitons aborder avec vous plusieurs points relatifs à la démocratie interne du Réseau, qui soulèvent selon nous un grave problème de gouvernance au sein du Réseau. Nous le faisons afin de contribuer à l’émergence d’un type de coordination du mouvement antinucléaire en France différent du modèle actuel que représente le RSN, modèle dont nous sommes loin d’être les seuls à ne pas nous satisfaire.

Nous souhaitons prendre part à cette mutation. Il dépend de vous qu’elle se fasse avec, sans, ou contre le Réseau.

Nous vous invitons à prendre connaissance des deux textes qui suivent :

- I. Nucléaire : ni civil, ni militaire !

- II. Déni de démocratie à l’AG 2014 du RSN

En conclusion de nos analyses, nous vous demandons d’organiser un référendum interne au RSN à propos du référendum externe que nous lui proposons de revendiquer. Ce sera selon nous une étape dans la restitution de la parole au "peuple antinucléaire", qui doit pouvoir prendre en mains sa propre action et son propre destin.

En l’attente d’une réponse rapprochée de votre CA, nous serons heureux de connaître celle de chacun et chacune d’entre vous.

Cordialement.

- Pour le CA d’ACDN,
- Le Bureau
- Alain Dalibard, Aude Labat, Jean-Marie Matagne, Daniel Robert, Julie Thomas


I. Nucléaire : ni civil, ni militaire !

Avant d’intervenir dans le débat relatif au RSN et au destin du mouvement antinucléaire français, il nous semble opportun de rappeler à quel titre nous le faisons, et notamment d’expliquer pourquoi, fondée en 1996 un an avant le Réseau "Sortir du nucléaire", ACDN l’a rejoint au début des années 2000, l’a quitté en juin 2008, et y est revenu fin 2012.

ACDN n’a cessé de défendre au sein du Réseau la nécessité de combattre le nucléaire militaire et pas seulement le nucléaire civil, tout en défendant à l’extérieur du RSN la nécessité symétrique d’exiger la sortie du nucléaire civil et pas seulement du militaire (notamment au sein du réseau mondial "Abolition 2000", qui est aussi de cet avis, mais surtout de sa coordination française, où nous avons été bien seuls à le dire pendant des années).

Pour atteindre ce double objectif, ACDN a mis en pratique une méthode : favoriser l’union de tous les acteurs antinucléaires, encourager et soutenir toutes les actions qui permettent de populariser la sortie du nucléaire tant civil que militaire. ACDN a contribué à favoriser cette union dans le domaine militaire en organisant à Saintes, en mai 2001, les 1e Journées du Désarmement Nucléaire, et dans le domaine civil en participant aux actions du RSN ou en prenant des initiatives propres (comme le premier Colloque national : "Pourquoi et comment sortir du nucléaire civil et militaire ?", à Saintes en 2003).

Mais ACDN propose aussi depuis sa fondation - c’est inscrit dans ses statuts et c’est ce qui fait son originalité - une stratégie politique : exiger en premier lieu un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires. Car, étant par nature destinées à faire des massacres, ces armes font du peuple français la victime potentielle de crimes contre l’humanité, mais aussi le complice éventuel de leur exécution, et le complice actuel de leur préparation. C’est donc pour lui un droit et un devoir de s’exprimer sur la question. C’est aussi le seul moyen à notre disposition pour vaincre au niveau politique la résistance de l’oligarchie pro-nucléaire française, résistance tellement enracinée dans son arrière-cerveau que même la catastrophe de Fukushima, après celle de Tchernobyl, n’a pas réussi à l’entamer.

Un référendum n’est jamais gagné d’avance. Mais même s’ils perdaient ce référendum-là, les "abolitionnistes" français ne perdraient pas grand-chose : un échec ne ferait que prolonger pour au moins deux ans la politique poursuivie sans discontinuer, sans consultation ni débat, par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1945. Nous aurions en revanche de grandes chances de le gagner, vu la force de nos arguments, et vu l’état de l’opinion : plus de 8 Français sur 10 sont favorables à l’abolition des armes nucléaires selon divers sondages.

Par le seul fait de le réclamer, quand bien même on ne l’obtiendrait pas, ce référendum offre l’occasion de briser l’omerta autour de l’arme nucléaire et de pousser dans les cordes les hommes politiques adeptes de la soi-disant "dissuasion nucléaire" qui se disent démocrates, tel le président Hollande.

Ce référendum permettrait au peuple français de s’emparer pour la première fois de la question nucléaire - en priorité sous sa forme militaire mais aussi, inéluctablement, sous sa forme civile : quand on ouvre la boite de Pandore du nucléaire, la radioactivité s’en échappe, la contestation aussi. Il permettrait donc de contrer dans sa globalité la propagande nucléaire et il fraierait, en tant que de besoin, la voie à un second référendum, portant sur la décision de fermer toutes les centrales nucléaires - décision si possible assortie d’un plan de fermeture (ou de deux plans si l’on devait choisir entre deux rythmes et deux calendriers).

Le référendum ouvre donc à la France la possibilité d’agir pour un monde libéré des armes nucléaires, et sans doute aussi des centrales nucléaires. Une France entièrement dénucléarisée dans un monde qui le serait aussi, c’est ce que nous voulons. Exigeons donc d’être consultés.

L’un des griefs majeurs que l’on peut faire au nucléaire civil et militaire, mis à part les immenses dangers que l’un et l’autre comportent et leur nocivité permanente, c’est leur caractère intrinsèquement totalitaire : leur concentration entre les mains d’une poignée de décideurs (les "nucléocrates", pour les centrales) ou même d’un seul homme (le chef de l’Etat, pour la bombe atomique). La façon dont les bombes puis les centrales ont été imposées aux Français, dans les deux cas sans le moindre débat national, illustre leur nature profondément antidémocratique, oligarchique et même monarchique, pour ne pas dire dictatoriale et criminelle dans le cas de la bombe. Seule une démarche démocratique peut mettre un terme à cette dictature. Le référendum, sous certaines conditions, en fait partie.

Tel est l’ensemble des convictions qu’ACDN défend avec constance depuis 18 ans et que son président a défendues en se portant candidat dans la campagne présidentielle de 2002, ou plus récemment en poursuivant pendant 42 jours (du 15 mai au 26 juin 2012), une grève de la faim à laquelle d’autres militants se sont associés pour des durées diverses (dont un pour 25 jours), afin d’obtenir une audience auprès de François Hollande -qui avait laissé sans réponse de multiples courriers- et de lui demander d’organiser un référendum sur la question : "Approuvez-vous que la France participe avec les Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaire, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?".

C’est encore cette démarche référendaire que visait la motion présentée par ACDN, avec le soutien d’autres groupes, à l’AG de Reims du RSN (janvier 2013), puis celle présentée cette année à l’AG de Lyon (janvier 2014).

ACDN s’est retirée du Réseau en juin 2008, à regret et discrètement. Pourquoi ? Notamment en raison des procédés antidémocratiques et moralement insupportables dont notre association avait été victime avant, pendant et après l’Assemblée générale de Dijon (janvier 2008). Entre autres manoeuvres éhontées, le groupe dirigeant qui menait l’AG fit re-voter celle-ci avec des arguments spécieux, pour "geler" une modification de la Charte du Réseau qui introduisait l’élimination des armes nucléaires et radioactives parmi les objectifs du RSN, conformément à une motion d’ACDN adoptée la veille à une très large majorité.

Toutefois, soucieux de ne pas ternir "l’image" du Réseau, nous n’avons fait aucune publicité à notre démission. A tort peut-être, car si nous l’avions fait, cela aurait pu rendre les auteurs de cette forfaiture (et d’autres) plus prudents par la suite. Si nous devions quitter à nouveau le Réseau pour des motifs similaires, nous changerions certainement d’attitude et ne nous priverions pas cette fois de faire connaître les motifs de notre indignation.

Le même souci de faire l’unité au service de la cause antinucléaire nous a conduits à ré-adhérer au Réseau fin 2012, en pensant que le climat s’y était apaisé.

Il est vrai que, n’étant plus membres du réseau en 2010, nous n’avions pas connu de près les événements qui ébranlèrent le Réseau cette année-là. D’après les échos que nous en avons eus, ils ne nous ont pas surpris puisqu’ils étaient dans la droite ligne de ceux dont avions fait les frais en premier. Mais nous avons estimé avoir mieux à faire pour l’avancement de la cause antinucléaire que de nous mêler des affaires internes et des divisions du Réseau.

Aujourd’hui, malheureusement, nous constatons que rien n’a véritablement changé dans son fonctionnement, ce qui nous contraint à le contester et à ajouter nos critiques à celles dont le Réseau fait déjà l’objet.

Nous nous réservons de définir par ailleurs notre position à l’égard des affaires judiciaires dans lesquelles le Réseau a été entraîné à la suite des événements de 2010.


II. Déni de démocratie à l’AG 2014 du RSN

A Lyon les 18 et 19 janvier 2014, ACDN a présenté à l’AG du RSN une motion d’orientation intitulée "Exiger un Référendum pour abolir les armes nucléaires", motion soutenue par plusieurs autres groupes (Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs, SDN Lot, A.V.E.N.I.R, CSDN79).

Il était précisé dès le titre qu’il s’agissait d’une motion d’orientation, comme le prouve le texte original, tel qu’il a été déposé à la mi-octobre 2013.

Cette motion a été brièvement présentée à l’AG le soir du samedi 18 janvier puis soumise le 19 au vote de l’AG, qui l’a majoritairement approuvée. Elle a néanmoins été rejetée, dans des conditions telles qu’on peut parler à ce sujet de déni de démocratie.

1. Avant l’AG

Alors que la motion d’origine précisait que son impact sur le travail des salariés et les finances du Réseau serait très faible ou nul, la salariée du Réseau chargée de préparer les documents d’AG (A-L. M.) nous a demandé avec insistance, à la mi-novembre 2013 (échanges par courriels et par téléphone), que la motion détaille quand même l’impact éventuel de la campagne RAHAN (pour un Référendum et l’Abolition Historique des Armes Nucléaires), une campagne préexistante conduite par le collectif du même nom et par ACDN.

Tout en se pliant à cette demande, notre porte-parole (Jean-Marie Matagne, président d’ACDN) a insisté sur le fait qu’il s’agissait bien, toujours, d’une motion d’orientation. Il a alerté une administratrice (S.M.) et un administrateur (M.C.) pour qu’ils y veillent. Sans résultat puisque, au bout du compte, nous avons découvert dans les documents imprimés préparatoires à l’AG, envoyés aux groupes du Réseau, que la motion était classée parmi les motions de campagne, en 16e position. Nous ignorons qui est responsable de ce classement directement contraire à la volonté explicite des porteurs de la motion, et qui a jugé bon de modifier son titre sans même nous en avertir (suppression de l’expression "motion d’orientation"). Mais le moins qu’on puisse dire est que cette manipulation n’a pas contribué à attirer l’attention des groupes et des délégués sur la motion et sur son contenu. Tous l’avaient-ils lue avant l’AG ? Il est permis d’en douter et de voir là un possible motif d’abstention.

La première préoccupation du porte-parole d’ACDN à l’AG fut donc d’obtenir le "reclassement" de la motion parmi les "motions d’orientation". Saisie par lui, l’administratrice qui avait été alertée sans succès avant l’AG est alors intervenue auprès de l’équipe d’animation en charge de la séance du samedi soir, bien que n’en faisant pas partie, pour que la motion d’ACDN soit examinée avec les motions d’orientation. Ce fut fait. Mais le mal aussi était fait.

2. Durant l’AG

A. Un déroulement confus

L’animation des séances de l’AG était confiée à des binômes de bénévoles membres du CA, et la modération des prises de paroles confiée à un autre binôme (un bénévole + une salariée, non membres du CA).

Cette "répartition des tâches" (faut-il dire "dilution" ?) rendait le déroulement de l’assemblée pratiquement illisible. Il y avait en permanence à la tribune au moins quatre personnes, parfois davantage, plus les trois personnes de la "cellule juridique" siégeant juste à coté. Sans compter, quelque part dans la salle, les "médiateurs" censés aider à la gestion de l’AG. Si l’on y ajoute le "turn over" des binômes et la distance à la tribune, il était difficile de savoir clairement à chaque instant qui était responsable de quoi. Le seul aisément repérable était l’un des "modérateurs", qui couvrait de ses hurlements la voix de quiconque tentait de prendre la parole qu’on lui refusait.

Malgré ou à cause de cet appareil pléthorique de gestion du temps et de "contrôle" de l’assemblée, l’AG a été périodiquement livrée à un effarant tohu-bohu et à de multiples discussions procédurières, le tout lui faisant perdre énormément de temps au détriment des discussions de fond qui auraient dû avoir lieu, notamment à propos des motions d’orientation et de campagne.

B. Absence de débat

Les discussions sur la Refondation du Réseau (et sur la procédure de vote afférente) ont empiété considérablement sur le temps destiné aux 21 motions. Leur examen prévu le samedi après-midi en près de 3 heures a été repoussé au samedi soir et mené au pas de course en à peine plus d’une heure.

La motion d’ACDN "Exiger un Référendum pour abolir les armes nucléaires" n’a pas été lue au micro (contrairement à d’autres) et son porteur, Jean-Marie Matagne, a disposé de 2 minutes (au lieu des 4 prévues) pour la présenter. Michel B, qui devait intervenir au nom de SDN Lot, ne put même pas prendre la parole. Ensuite, l’AG aurait dû consacrer 3 min à entendre un avis "pour" (s’annonçant par un carton vert) et un avis "contre" (s’annonçant par un carton rouge). Au lieu quoi elle entendit deux "contre" et aucun "pour".

C. Modération des prises de parole

Il est vrai que la fonction du modérateur est délicate, que les délégués ne lèvent pas toujours le carton de la bonne couleur, et que le modérateur ne peut savoir à l’avance ce que la personne va dire.

Mais dans le cas de la motion d’ACDN, les deux participants à qui la parole fut donnée avaient tous deux signalé qu’ils intervenaient contre la motion (cartons rouges). Quelqu’un le fit remarquer. Le second intervenant (D.M.) l’a redit avant de prendre la parole. Celle-ci aurait donc dû lui être refusée. Même si on la lui laissait, il aurait fallu donner ensuite la parole à au moins un partisan de la motion. Or, lorsque Michel B. a levé son carton (vert) pour la demander, elle lui a été à nouveau refusée, sous prétexte qu’il y avait déjà eu deux prises de parole...

Ainsi, une double faute de "modération" a été commise : donner la parole à deux "contre" au lieu d’un seul, et la refuser ensuite à un "pour".

D. Faute non corrigée

Dimanche matin, 19 janvier, l’AG devait élire de nouveaux membres du CA et procéder au vote des motions de refondation puis au vote des motions d’orientation et de campagne.

S.M. (administratrice) faisait partie cette fois du binôme d’animation, dont la tâche était de "gérer le bon déroulement de tous les votes de décision de l’AG". Elle s’était engagée juste avant la séance à ce que la parole soit donnée à un partisan de la motion d’ACDN avant que celle-ci soit soumise au vote, afin de rétablir un peu l’équilibre non respecté la veille. Cette motion était en effet la seule, parmi les 21 motions examinées la veille, à n’avoir pas bénéficié de la procédure prévue : "4 minutes de présentation pour chaque motion suivie de 3 min pour une prise de parole "pour" et une prise de parole "contre").

Présente à la tribune, S.M. aurait pu le faire lorsque elle expliqua pourquoi la motion n°16 était votée en 8e position, après les 7 autres motions dites "d’orientation". Elle ne le fit pas. Nous avons du mal à comprendre pourquoi. Nous savons qu’au moins deux délégués étaient disposés à intervenir en faveur de la motion et il est raisonnable de penser qu’après cela, il y aurait eu nettement plus de votes POUR, et en tout cas beaucoup moins d’abstentions.

Ainsi, il n’a été possible à aucun moment de débattre, ni d’apporter des éclaircissements, ni de répondre aux objections de délégués n’ayant pas lu la motion ou l’ayant mal lue, ce qui était manifestement le cas du second objecteur (D.M.) : il a affirmé, sans fondement, que le référendum nous empêcherait de mener d’autres actions, et aussi que nous risquerions de le perdre - objection a priori plausible, mais qui trouvait sa réponse dans la motion (Cf. nos remarques ci-dessus). Après une discussion en privé, D.M. a d’ailleurs reconnu son erreur... et souhaité bonne chance à notre motion ! Mais c’était trop tard, car, faute de l’entendre dire publiquement, ses objections ont selon toute vraisemblance poussé un certain nombre de délégués à voter contre et d’autres à s’abstenir.

Or, ce sont justement les abstentions qui ont abouti au rejet de la motion.

E. Tromperie sur le sens des abstentions

En effet, malgré les embûches placées sur sa route, la motion a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, avec près de 54 % (28 pour, 24 contre). Mais avec 28 abstentions sur 80 votants, elle a été rejetée en vertu de l’article 12-8 du Règlement intérieur, qui stipule :

Une proposition soumise au vote n’est adoptée que si les deux conditions suivantes sont simultanément remplies :
- le nombre de "pour" est supérieur à 50 % du nombre de votes exprimés ;
- le nombre de "pour" est supérieur à 45 % du nombre de votants.

Si l’une de ces deux conditions n’est pas remplie, la proposition est rejetée."

L’article 12.8 explique le pourquoi de cette exigence :

Plus le taux d’abstention est élevé, moins la majorité absolue des votes exprimés suffit pour dégager une tendance représentative. Par conséquent, l’Assemblée générale prend ses décisions selon la règle suivante, dite de la "majorité absolue renforcée"...

Mais le Règlement intérieur, apparemment soucieux de faire émerger une volonté majoritaire claire, n’en sème pas moins la confusion en se contredisant allègrement :

12.5 - Votes exprimés :

Sont désignés comme "votes exprimés" les votes "pour" et "contre" comptabilisés conformément à l’alinéa "12.3-Votes". Le vote "abstention" n’est pas un "vote exprimé".

12.6 - Abstention :

Le vote "abstention" exprime le choix de ne pas prendre position "pour" ou "contre" la proposition soumise au vote, quelles que soient les raisons de ce choix.
L’abstention passive, qui est le simple fait de n’exprimer aucun vote au sens de l’alinéa "12.4 - Votes", n’est pas comptabilisée.

Ainsi, premier paradoxe (à vrai dire bénin), le vote "abstention" n’est pas un "vote exprimé" d’après l’article 12.5, mais "l’inexprimé" exprime quand même quelque chose d’après l’article 12.6. Quoi donc ? "Le choix de ne pas prendre position "pour" ou "contre" la proposition soumise au vote". La formulation est maladroite, mais l’idée parait logique : une abstention ne saurait être comptabilisée ni parmi les "POUR" ni parmi les "CONTRE", cela tombe sous le sens. Le RSN s’aligne donc sur le sens commun et les abstentionnistes étaient parfaitement fondés à penser qu’en s’abstenant, ils ne prenaient position ni pour, ni contre la motion.

Mais, paradoxe beaucoup plus grave car il s’agit là d’une véritable tromperie : l’abstentionniste qui croit ne pas prendre position -"quelles que soient les raisons de ce choix"- prend en réalité position, volens nolens, pour le rejet de la motion, puisqu’il contribue à la priver de la fameuse "majorité absolue renforcée". En ne prenant position ni pour, ni contre... il prend position contre.

Ces incohérences avaient de quoi tromper de nombreux délégués, d’autant plus qu’à aucun moment au cours de l’AG, notamment pas au moment où la motion d’ACDN a été votée, aucun membre de "l’équipe d’animation" ni de la "cellule juridique" n’a cru bon de rappeler le subtil distinguo entre "abstention passive" (ne pas prendre part au vote, par exemple en bayant aux corneilles) et "l’abstention active". Personne n’a signalé les effets pervers de cette dernière, qui est tout sauf une abstention puisque son "activité" s’exerce exclusivement contre la motion soumise au vote, jamais pour. Le RSN excluant la formule "ne prend pas part au vote" pourtant admise dans de nombreuses organisations, si vous voulez que votre abstention en soit vraiment une, il ne vous reste plus qu’à faire un tour au bar, aux toilettes, à rentrer chez vous... ou à quitter le Réseau.

F. Deux poids, deux mesures, et trois tours de passe-passe

Appliquée à la motion d’ACDN, la règle des 45 % de votants ne l’a pas été à toutes les motions, loin s’en faut. Elle ne l’a pas été aux motions portant sur la "mise en oeuvre expérimentale" des scénarios dits de "régionalisation".

Trois scénarios étaient en compétition. Pour les départager, l’AG finit par s’entendre, après d’interminables discussions dans l’après-midi du samedi, sur "une prise de décision à 3 tours" :
- "1) 1er tour à la majorité normale (article 12.8 du RI) sur les 3 scénarios (1 vote pour chacun des 3 scénarios)
- "2) 2e tour à la majorité normale (article 12.8 du RI) sur les 2 scénarios majoritaires au 1er tour (1 vote pour chacun des 2 scénarios)
- "3) 3e tour à la majorité qualifiée aux 2/3 (article 3 des statuts) sur le scénario majoritaire au 2e tour."

Bref, 3 tours et 6 votes, pas moins, l’affaire étant des plus sérieuses.
Les résultats de ces votes et des autres votes se trouvent ici :
http://ag.sortirdunucleaire.org/IMG/pdf/DECISIONS-AG2014.pdf
Il vaut la peine de les consulter : on en apprend de belles.

Au 1er tour, le scénario N°3 (le plus élaboré, le plus complexe, le plus long... donc aussi le moins lu) fut éliminé sans appel (avec 11 pour, 55 contre et 14 abstentions). Le scénario N°2 fut adopté en dépassant de peu la barre des 45% de votants, avec 45,6 %.

Mais le scénario N°1, voté en premier, fut lui aussi déclaré "adopté", alors qu’il n’avait recueilli que 44,4 % des voix des votants et que l’article 12.8 exige un taux supérieur à 45 %. Ainsi, le scénario N°1 aurait dû être éliminé dès le 1er tour. Mais il ne le fut pas !

Néanmoins, grâce à cette fraude, les scénarios 1 et 2 sont restés en compétition au 2e tour.

Cette fois, ce fut le scénario N° 2 qui n’obtint que 44,4 % des votants. Il fut néanmoins déclaré "adopté", lui aussi. Il est vrai qu’on ne pouvait décemment pas le déclarer "refusé" après avoir déclaré "adopté" au 1er tour, avec exactement le même pourcentage des votants, le scénario N°1, inspiré ou soutenu par la direction lyonnaise du Réseau. (Le RSN a son siège social à Lyon, mais ici nous entendons par "direction lyonnaise" : Philippe Brousse et ses soutiens parmi les salariés et les administrateurs du RSN, qu’ils résident ou non à Lyon.)

Dans les deux cas, le fameux article 12.8 du RI a donc été ignoré et bafoué. Mais personne, dans la salle, ne s’en est aperçu ! On peut supposer que cette "distraction", dont on a du mal à croire qu’elle ait été le lot de tout le monde, aura été facilitée, par exemple en projetant au tableau les résultats en chiffres bruts, sans leur pourcentage par rapport aux votants.

Quoi qu’il en soit, la loi, c’est la loi, et elle vaut pour tout le monde. C’était donc une infraction à la loi du Réseau, une manipulation des chiffres et des esprits.

G. Une règle saugrenue

Ironie de l’histoire, les scénarios 1 et 2 avaient recueilli au 1er tour exactement le même nombre de voix pour : 36. Mais le scénario 1, avec 81 votants et 16 "abstentions actives" aurait dû, sans la fraude, être rejeté, les 36 pour ne suffisant pas à lui faire passer la barre des 45% de "majorité absolue renforcée". Le scénario 2, au contraire, en dépit d’un nombre plus élevé de voix contre (30 au lieu de 29) et d’une moindre majorité des suffrages exprimés (54,44 % au lieu de 55,38 %), passait mécaniquement la barre de la "majorité absolue renforcée" : malgré ou plus exactement grâce à une moindre participation (deux "abstentions passives" réduisant le nombre des "votants" de 81 à 79, ce qui renforçait le poids des 36 pour).

Preuve, s’il en était encore besoin, que les abstentions sont bien comptabilisées CONTRE les motions soumises au vote.

Voilà donc concrètement à quoi peut aboutir la règle dite "de la majorité absolue renforcée" :

- invalider une majorité absolue pourtant supérieure à 55% ;
- valider une majorité absolue moins élevée ;
- permettre à deux "abstentionnistes passifs" (deux inscrits n’ayant pas pris part au vote) de changer (peut-être) le cours de l’histoire !

Car si la règle avait été respectée, le scénario 1 aurait été refusé dès le 1er tour, tout comme le scénario 3. Ainsi, le scénario 2 serait resté seul en lice... grâce aux deux "abstentionnistes" ayant négligé (ou refusé) de lever leur carton. Bouleversant la procédure prévue, il aurait fallu sauter le 2e tour et passer directement au vote à la majorité qualifiée des 2/3 (prévu la veille après moult discussions). On ne peut garantir ce qui en serait sorti.

Pour s’affranchir de la règle et de ses effets aberrants, il a fallu tricher et falsifier les résultats proclamés.

Pour autant, ce n’est pas elle qui empêcherait une motion d’être adoptée avec seulement dix voix pour, par exemple. Prenez 21 "votants" : avec 10 pour, 9 contre, 2 "abstentions actives" (et toutes les "abstentions passives" que vous voudrez - des dizaines, pourquoi pas !), la motion obtiendra quand même "la majorité absolue renforcée". Et toc pour le reste du Réseau.

Le plus drôle -si l’on ose dire- c’est qu’au terme de ces votes en rafales et de ces palabres infinies, aucun scénario de régionalisation ne put être adopté !

Au 2e tour, en effet, les partisans du scénario 3 s’étant reportés préférentiellement sur le scénario 2, le scénario 1 (80 votants : 34 pour, 37 contre, 9 abstentions), n’obtint ni la majorité renforcée, ni la majorité ordinaire. Il fallut se rendre à l’évidence et le déclarer "refusé".

Le scénario 2 (81 votants : 36 pour, 33 contre, 12 abstentions) obtint la majorité absolue des suffrages exprimés... Etant resté seul en piste, on le déclara "adopté". Illégalement, puisqu’il n’avait obtenu que 44,4 % des votants ! Mais on ne pouvait invoquer la règle contre lui et le refuser sans révéler les fraudes précédentes.

Troisième fraude, donc. Cette règle de "majorité absolue renforcée" est décidément à éclipses.

Le scénario N°2 ne perdait rien pour attendre. Son compte fut scellé au 3e tour : avec 38 pour, 33 contre et 10 abstentions, il obtint 53,5 % des suffrages exprimés et 46,9 % des votants. Il était donc "dans les clous"... mais loin de la majorité des deux tiers opportunément retenue la veille par l’AG, sur proposition de la "direction lyonnaise".

Conclusion : "REFUSE" !

Tous les scénarios ayant été successivement refusés, il n’y aura pas de régionalisation.
La "direction lyonnaise", qui redoutait d’y perdre un peu de son pouvoir, peut respirer.

H. Faux-semblants

On l’a vu par tout ce qui précède, malgré son apparente rigueur, la règle dite "de majorité absolue renforcée" n’a rien de rigoureux. Elle profère des inepties et aboutit à des absurdités. Elle ne sert qu’à rendre un peu plus difficile l’adoption d’une motion émanant de groupes adhérents au Réseau. Il s’agit en fait d’une règle de "majorité qualifiée", mais perverse car elle ne dit pas son nom et affecte TOUS les votes de l’AG sans exception (du moins quand on la respecte...). Une AG du RSN ne peut jamais adopter aucune décision à la majorité simple, même s’il s’agit de définir la couleur du papier peint.

Ce n’est en réalité qu’une des multiples dispositions dont le RSN (autant dire sa direction, avec plus ou moins de succès selon la résistance des groupes) s’est bardé au fil des ans et des AG pour se protéger des effets délétères d’un manque flagrant d’esprit démocratique et convivial.

La liste -non exhaustive- de ces dispositions est longue :
- présence obsessionnelle, au cours et au cœur de l’AG, d’une "cellule juridique" (incluant un avocat payé par le Réseau) chargée de "dire le droit" (surtout le droit interne au réseau !) et consultée à tout instant ;
- mise en place d’un "comité de médiation", théoriquement chargé de désamorcer les conflits en cours d’AG comme en cours d’année ;
- perpétuel remaniement du Règlement intérieur (un vrai palimpseste !) ;
- multiplication des protocoles d’accord Réseau-salariés ;
- réglementation paranoïaque du travail du CA, avec la mise en place de procédures d’avertissement, d’exclusion, et même l’adjonction réussie cette année d’un article ainsi libellé :

"- Article 32 : Respect mutuel
- Tous les administrateurs sont tenus à un respect mutuel. En cas de manquement grave à cette règle, le conseil d’administration sera saisi pour discuter des mesures éventuelles à prendre."

(Bonjour l’ambiance !)

- formatage toujours plus sévère des motions ;
- avis de "recevabilité" et d’"irrecevabilité" des motions par le CA (sur proposition éventuelle de la "direction"), préalablement à la tenue de l’AG, laquelle faillit bien, sans une levée de boucliers à Reims (AG de janvier 2013), être privée de tout pouvoir sur ce point, de même que sur son ordre du jour ;
- "priorisation" des motions : il ne suffit pas qu’une motion soit adoptée pour être appliquée, il faut encore qu’elle soit "priorisée" en bonne place...

Conclusion

1° Les délibérations de l’AG du RSN à Lyon les 18 et 19 janvier 2014 ont été entachées d’irrégularités, voire de fraudes.

2° Tout le temps consacré par l’AG à la "régionalisation" du Réseau a été usé en pure perte.

Le débat autour de la régionalisation n’a eu d’autre effet que de :
- plonger l’AG dans une stérile bataille de procédure,
- écarter toute perspective de "régionalisation",
- perpétuer un mode de gouvernance antidémocratique,
- écarter toute perspective de réforme du RSN,
- écarter tout débat stratégique de fond,
- écarter la motion d’ACDN, la seule motion qui proposait une stratégie de sortie du nucléaire capable d’inquiéter réellement le lobby nucléaire et de donner enfin la parole aux Français sur les questions fondamentales, de société et de survie, que sont le nucléaire militaire et civil.

3° La présentation et le vote de la motion d’orientation intitulée "Exiger un référendum pour abolir les armes nucléaires", présentée par ACDN et soutenue par le Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs, SDN Lot, A.V.E.N.I.R, CSDN79, ont été affectés de graves irrégularités, qui remettent en cause la sincérité du vote et le rejet de la motion en vertu d’une règle très discutable de "majorité absolue renforcée" qui n’a pas été respectée par ailleurs.

En conséquence, nous demandons au CA du Réseau "Sortir du nucléaire" d’envoyer cette motion à la totalité des groupes fédérés et revendiqués par le Réseau, et de leur poser la question suivante :

"Voulez-vous que la France s’engage activement dans le processus d’interdiction et d’abolition des armes nucléaires et que le Réseau « Sortir du nucléaire » soutienne par tous moyens à sa disposition la campagne en cours (campagne RAHAN) pour exiger et obtenir un référendum sur la question suivante : "Approuvez-vous que la France participe avec les autres États concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?"
"

En d’autres termes, nous vous demandons de pallier les défaillances et irrégularités constatées dans la préparation et le fonctionnement de la dernière AG du Réseau en organisant un référendum interne, suivant des modalités à convenir entre le CA du RSN, ACDN et les groupes qui soutiennent la susdite motion.

Nous pensons que le CA du Réseau s’honorera en rendant la parole au "peuple antinucléaire".

Fait à Saintes le 4 avril 2014

- Pour le CA d’ACDN
- Le Bureau
- Alain Dalibard, Aude Labat, Jean-Marie Matagne, Daniel Robert, Julie Thomas



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