La Loi de Programmation Militaire 2014-2019 adoptée en première lecture par le Sénat et discutée à l’Assemblée Nationale les 26 et 27 novembre 2013 sera soumise au vote des députés ce mardi 3 décembre. Elle n’engage pas seulement la politique militaire et internationale de la France jusqu’à la fin de la décennie, elle aura, bien au-delà, de très graves incidences sur le destin de l’humanité, voire sa survie, et sur le sort de chacun de nous, à commencer par celui des parlementaires qui l’auront votée.
La France entend-elle contribuer à pacifier la planète, ou au contraire à l’autodestruction de l’humanité ? Telle est la question. La LPM fait le second choix : celui de préparer des crimes contre l’humanité. De ce fait, c’est une loi criminelle et anticonstitutionnelle.
En effet, cette loi ne se contente pas de "sanctuariser" le budget de la défense. De 2014 à 2019, les crédits militaires "progresseront de 3,6 %", totalisant "190 milliards d’euros courants, voire davantage", selon J-Y Le Drian, ministre de la défense (26.11.2013). Les crédits d’équipement de l’armée, qui sont de 16 milliards d’euros en 2013, atteindront en moyenne 17,2 milliards sur la période (passant de 16,5 milliards en 2014 à 18,2 milliards en 2019). Et parmi ces crédits, ceux affectés au maintien et au développement de nouvelles armes nucléaires seront préservés et augmentés.
Le député Jean Launay, rapporteur de la commission spéciale, précisait le 23 octobre qu’il convenait d’y ajouter dès 2014 "l’ouverture de 1,5 milliard d’euros au titre du programme « Excellence technologique des industries de défense », dont la majeure partie profitera au CEA, contribuant ainsi au maintien du volet dissuasion de notre outil de défense". "Nous poursuivrons le programme de simulation et la modernisation de nos forces, dans le respect du principe de stricte suffisance", a déclaré le ministre le 26 novembre.
Cette "stricte suffisance" consiste à pouvoir faire, avec 300 bombes atomiques, près d’un milliard de morts. Chacune de ces bombes est de 7 à 22 fois plus puissante que celle d’Hiroshima et peut faire plusieurs millions de morts, sans distinguer bien entendu entre civils et militaires. Ce sont des armes de crime contre l’humanité. L’Assemblée générale de l’ONU les a formellement condamnées : "Tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation." (Résolution 1653 XVI du 24 novembre 1961).
Comme toute la politique dite de "dissuasion nucléaire" de la France, la LPM 2014-2019 bafoue :
- la vie humaine et les droits de l’Homme, car une seule bombe atomique, ce sont "des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d’autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces : n’est-ce pas un crime contre l’humanité ?" (Alain Peyrefitte à Charles de Gaulle, le 4 mai 1962) ;
- le droit international, qui fait obligation aux Etats nucléaires ayant ratifié le Traité de Non Prolifération, dont la France, "de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace", comme l’a confirmé la Cour Internationale de Justice dans son avis du 8 juillet 1996 ;
- la Constitution française, qui place au-dessus de tout les droits de l’Homme et impose leur respect, ainsi que le respect des traités ;
- le bon sens, car il est illogique de défendre les valeurs républicaines, dont la fraternité, en menaçant de commettre des crimes contre l’humanité ; illogique de lier les "intérêts vitaux" de la France à l’emploi d’armes fatalement suicidaires contre un pays qui en aurait aussi ; illogique de prétendre garantir sa sécurité par ces armes, tout en les interdisant aux autres ; illogique d’encourager ainsi leur prolifération, tout en prétendant la combattre ; illogique de vouloir faire des économies et de gaspiller des milliards dans des engins de mort inutilisables ;
- la démocratie, car le peuple français n’a jamais été consulté sur la création, l’entretien et la modernisation permanente de cette force de frappe qui lui a déjà coûté plus de 300 milliards d’Euros. Et pourtant, on sait aujourd’hui d’après des sondages convergents qu’au moins huit Français sur dix souhaitent l’abolition des armes nucléaires, y compris françaises.
C’est pourquoi nous invitons
1°) les députés à ne voter en aucun cas la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 qui, en l’état, prépare des crimes contre l’humanité et bafoue le droit international, exposant la France à être poursuivie pour ces motifs, et eux-mêmes pour complicité ;
2°) les députés et sénateurs, en cas de renvoi en deuxième lecture, à déposer et voter les amendements qui permettront un véritable changement de politique de défense ;
3°) les uns et les autres à déposer une proposition de loi portant organisation d’un référendum sur la question suivante : "Approuvez-vous que la France participe avec les autres Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?"
Le rejet en l’état de la LPM par le Parlement français offrira à la France, au peuple français, et par là même aux autres peuples et aux autres Etats, l’occasion historique d’abolir les armes nucléaires. Nous en sortirons tous grandis, dans un monde plus libre, plus juste, plus fraternel, plus paisible et plus sûr : un monde vivable. Son adoption nous en éloignera, peut-être irrémédiablement. Une telle décision serait criminelle et répétons-le, passible des Cours de justice nationales et internationales.
Il faut savoir une bonne fois si la France est la patrie des droits de l’Homme ou celle de Godillot et de Tartufe.
En savoir plus :
Recours auprès du Conseil constitutionnel
Participation de la France à l’abolition des armes nucléaires : Pourquoi un référendum ? Pourquoi CE référendum ?
Signer la Lettre ouverte au président de la République
Le vote des députés