Saintes, le 25 mars 2010
A M. Hervé Morin, Ministre de la Défense, de passage à Saintes
Objet : Votre politique de défense
P.J. : Lettre au président de la République en date du 11 mars 2010
Monsieur le ministre,
Le journal nous apprend que vous tenez aujourd’hui à Saintes une réunion publique de votre parti, le Nouveau Centre.
Un décès brutal survenu dans ma famille ne me permettra pas d’assister à votre réunion ni d’y intervenir. C’est pourquoi je me permets de vous écrire cette lettre, qu’une personne dévouée à la République a bien voulu vous transmettre.
Si vos services ne vous en ont pas déjà informé, apprenez, Monsieur le ministre, car c’est d’abord au ministre que je m’adresse, qu’en tenant cette réunion à Saintes, qui plus est dans l’Auditorium Saintonge, vous provoquez nombre de Saintais.
En effet, par décision unanime de son Conseil municipal, toute majorité et toute opposition confondues, Saintes a adhéré en juin 2000 au réseau "Abolition 2000" et aux "Maires pour la Paix" en mars 2008. Ces deux réseaux internationaux luttent conjointement pour l’abolition des armes nucléaires ; le second regroupe plus de 3600 villes dans le monde. Saintes a reçu en juillet 2004 la visite de la Mission d’Hiroshima pour la paix mondiale.
L’Auditorium Saintonge est lui-même un haut lieu de la résistance aux politiques que vous incarnez. Il a accueilli en mai 2001 les premières Journées du Désarmement Nucléaire, en 2003 le premier Colloque national pour la sortie du nucléaire civil et militaire, en 2004, 2006 et 2008 les 1e, 2e et 3e Rencontres internationales pour le désarmement nucléaire, biologique et chimique.
Saintes héberge, à la prairie de la Pallu, l’arbre d’Hiroshima et l’arbre de Nagasaki, plantés à l’occasion des rencontres de 2006 et 2008.
Saintes a allumé en mai 2001, précisément dans la cour Saintonge qui jouxte l’Auditorium, la Flamme du Désarmement Nucléaire. Elle y est périodiquement rallumée quand ce n’est pas à côté du monument aux morts et du Palais de Justice, comme en novembre 2009 avec la Flamme d’Hiroshima, portée par la Marche mondiale pour la paix et la non-violence. A côté de cette Flamme et devant le monument aux morts, les Anciens combattants ont alors abaissé leurs drapeaux, pour une minute de silence en mémoire de tous les morts de toutes les guerres.
Je regrette de ne pouvoir saisir l’occasion de votre venue à Saintes pour vous interpeller publiquement sur la politique que vous menez au nom de la France et obtenir enfin, peut-être, un semblant de réponse aux questions que l’association nationale que je préside ne cesse de poser depuis sa création à Saintes en 1996.
Je regrette que vous laissiez sans réponse les courriers qui vous sont adressés, que ce soit par les victimes militaires et civiles des essais nucléaires français ou par nous-mêmes, y compris le dernier courrier qui a transité par l’Elysée, comme le directeur de cabinet du président de la République me l’a personnellement fait savoir au début de ce mois.
Je regrette surtout que, tout en vous réclamant de « l’humanisme » centriste, vous conduisiez sous la houlette du président Sarkozy une politique qui fait de la France un Etat parjure au regard de l’article VI du TNP, un agent moteur de la prolifération nucléaire civile et militaire, une source d’irradiation planétaire, un marchand d’armes de tout premier plan, pourvoyeur de guerres, un obstacle majeur au mouvement initié à Prague par le président Obama en vue de l’abolition des armes nucléaires. Enfin et surtout, un Etat dont la soi-disant défense repose sur la préparation et la menace de commettre des crimes contre l’humanité.
Et tout cela dans la plus parfaite tartuferie, puisque dans le même temps la France se pose en championne du désarmement, tant conventionnel que nucléaire.
Je n’ai pas le loisir ni l’envie, dans les circonstances particulières où je me trouve, de démontrer point par point l’exactitude de chacune de ces accusations. Pour en savoir plus, je vous invite, ainsi que les lecteurs de cette lettre ouverte, à vous reporter au site d’ACDN, www.acdn.net.
Je vous prie enfin, Monsieur le ministre, de prendre connaissance de la lettre ci-jointe au président de la République que le porte-parole de Monde Sans Guerres et Sans Violence et moi-même pour ACDN lui avons adressée le 11 mars dernier.
Mme Catherine Quéré, députée de Saintes et Saint Jean d’Angély la lui a envoyée le 16 mars.
Nous appelons toutes les citoyennes et tous les citoyens français, en particulier les députés, sénateurs et autres élus, à se l’approprier et à l’envoyer au Président de la République.
Pourquoi pas vous, Monsieur le ministre ?
En tant que chef de parti, vous avez laissé entendre au Monde, dans une interview parue hier, que vous pourriez vous présenter à l’élection présidentielle de 2012. Sachez donc, Monsieur Morin, que vous n’aurez aucune chance si vous persistez dans la politique actuelle.
Jusqu’à présent, les "présidentiables" croyaient impératif d’adopter la "force de frappe". En 2012, ce sera le contraire. En tout cas, c’est notre intime conviction, et vous pouvez compter sur mes amis et moi-même pour travailler à la faire entrer dans les faits.
Le monde, l’Europe, la France seront dénucléarisés, ou ils s’autodétruiront. Pensez-y vite, Monsieur le ministre.
Jean-Marie Matagne, président d’ACDN