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"20 ans après"
"La VRAIE histoire de l’attentat contre le Rainbow Warrior"
"Incompétence, bureaucratie et avarice sont les vraies raisons d’un scandale qui retentit dans le monde en 1985"


Publié le 24 août 2006

par Alex W. du PREL

Première publication : Tahiti-Pacifique Magazine n° 171, juillet 2005.

Publié sur Internet le 23 août 2006 par AdmiNet

AVERTISSEMENT : Cette enquête présentant un intérêt général, historique et politique, directement lié à la politique nucléaire de la France, nous estimons utile de la porter à la connaissance de nos lecteurs. Nous attirons toutefois leur attention sur le fait qu’elle met en cause à la fois des institutions et des personnes, et que les unes comme les autres ont le droit de présenter leur défense au public. Nous publierons bien volontiers leurs points de vue si nous en sommes saisis. Nos lecteurs peuvent d’ores et déjà se reporter, s’ils le jugent utile, aux ouvrages publiés par chacun des "faux époux Turenge" dont il est question dans l’article d’Alex W. du PREL, seul responsable de son contenu, ses titre, surtitre et sous-titre, que nous reprenons tels quels d’après la version diffusée par AdmiNet.

Les "vraies raisons" avancées par l’auteur pour expliquer le "scandale du Rainbow Warrior" peuvent éventuellement expliquer que l’opération ait abouti à un fiasco, c’est-à-dire à la mort d’un homme, à un scandale international ayant gravement terni l’image de la France, et à une énorme "addition" payée par les contribuables français (et par les éleveurs de moutons français), mais le sabotage lui-même ne peut s’expliquer que par les décisions prises à l’époque "au plus haut niveau de l’Etat", et par une politique nucléaire dite "de défense", toujours en vigueur, et qui représente à nos yeux le véritable scandale. Cette politique d’un coût bien plus faramineux encore est à la fois contraire au droit international (article VI du TNP), criminelle puisque fondée sur la menace de massacres de masse, et militairement inefficace. Donc condamnable à tous points de vue.

ACDN, le 24 août 2006.


Article

Le 10 juillet 1985, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure- les services secrets français) coulait le navire écologiste Rainbow Warrior dans le port d’Auckland à l’aide de deux bombes magnétiques, attentat qui tua un photographe portugais. Vingt années plus tard, après des centaines d’articles, de livres - et de désinformations - consacrée à l’évènement, il est temps de faire un bilan final de cette affaire dans laquelle la Polynésie française est très impliquée.

L’organisation internationale Greenpeace, créée en 1971 par des écologistes canadiens, des objecteurs de conscience américains et des pacifistes de toutes nationalités, base son existence sur une légitimité écologique, abstraite et supranationale, alors que la légitimité des Etats est basée sur des lois précises dans des contextes nationaux. Que ces deux conceptions portent à conflit est certain. L’affaire "Rainbow Warrior" est l’un de ces conflits.

Ainsi, le 7 juillet 1985, le Rainbow Warrior, navire amiral de Greenpeace arriva à Auckland et s’amarra au quai Marsden. Dans la nuit du 10 juillet 1985, peu avant minuit, deux engins hautement explosifs qui avaient été attachés à la coque du Rainbow Warrior détonnèrent à quelques minutes d’intervalle. La force de l’explosion fut telle qu’un trou de trois mètres de large fut ouvert dans la salle des machines sous la ligne de flottaison. Le navire coula en quelques minutes. Plus tôt, environ 30 personnes avaient célébré à bord un anniversaire et au moment de l’explosion, 12 personnes, capitaine compris, étaient encore à bord. Onze d’entre eux parvinrent à atteindre le quai. Fernando Pereira, membre d’équipage et photographe officiel fut tué par la seconde explosion alors qu’il tentait de récupérer de l’équipement photographique dans sa cabine. L’affaire a été immédiatement traité comme une enquête pour homicide sous la direction du détective principal Allan Galbraith. C’est ainsi qu’allait commencer une des enquêtes les plus vastes que la Nouvelle-Zélande aie jamais connue. La découverte d’un Zodiac en caoutchouc abandonné avec un moteur hors bord et la vue d’un mobile home bleu et blanc conduisit la Police à interroger un couple francophone deux jours plus tard, puis à les arrêter le 15 juillet.. Le Rainbow Warrior préparait alors une campagne de protestation contre les essais nucléaires français dans les Tuamotu. L’enquête de la police néo-zélandaise conduit à l’arrestation et l’inculpation, le 19 juillet 1985, des "faux époux Turenge", le capitaine Dominique Prieur et le commandant Alain Mafart, tous deux agents de la DGSE.

En août 1985, puis en mars 1986, la Nouvelle-Zélande émit des mandats d’arrêt internationaux contre trois autres officiers français, Gérald Andriès, Roland Verge et Jean-Michel Bartelo, nageurs de combat de la base d’Aspretto en Corse, accusés d’avoir transporté les engins explosifs de Nouméa en Nouvelle-Zélande à bord de l’Ouvéa, un voilier loué à Nouméa.

A la suite d’articles de presse parus en France et à l’étranger mettant en cause les services secrets, le Président Mitterrand demande le 8 août à Laurent Fabius, Premier ministre à l’époque, une enquête qu’il confia à Bernard Tricot. Le 25 août, celui-ci présenta un rapport qui "tricotait" un scénario qui mettait hors de cause le gouvernement français et la DGSE, dont le seul objectif, déclarait-il, aurait été « l’infiltration de Greenpeace ». De révélations en démentis, la crise politique culmina le 20 septembre 1985 lorsque le ministre de la Défense Charles Hernu fut contraint de démissionner, le patron de la DGSE, l’amiral Pierre Lacoste étant limogé le même jour. Deux jours plus tard, le Premier ministre Laurent Fabius, dans une déclaration inattendue et spectaculaire à l’hôtel Matignon, révéla « la vérité cruelle : Ce sont des agents de la DGSE qui ont coulé le Rainbow Warrior, ils ont agi sur ordre » et que ces faits avaient été cachés à M. Tricot.

Condamnés le 22 novembre 1985 par la justice de Nouvelle-Zélande à 10 et 7 années de prison ferme chacun, les faux époux Turenge furent confiés en juillet 1986 à la France pour être transférés sur l’atoll d’Hao en Polynésie française ; ceci en échange de l’engagement de l’Etat français de les garder sur cette île en résidence surveillée pendant trois années.

Politique débile, opération bâclée

Débile sur le plan politique car c’était bien du terrorisme d’Etat, contestable dans sa conception, l’opération contre le Rainbow Warrior aura été d’un bout à l’autre un modèle de préparation bâclée, d’organisation approximative avec des effectifs pléthoriques conçus par de vrais amateurs qui devaient se prendre pour des "pros". Ce qui est souvent la norme dans le monde des services secrets qui attire des personnes dangereusement immatures et autres casses cou qui ne grandissent jamais. Cette opération « Satanic », alias « Oxygène » était aussi une extension de la volonté politique de continuer d’effectuer des essais nucléaires dans le Pacifique malgré l’hostilité de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et des "méchants écologistes" de Greenpeace qui mettaient « en danger la souveraineté, l’indépendance et la grandeur de la France ».

Analysons en détail les stupidités commises lors de ce terrible fiasco :

Selon diverses sources, l’idée aurait germé fin 1984 ou début 1985 au quartier général du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) à Pirae, Tahiti, où le COMSUP, le vice amiral Hugues, s’inquiétait auprès du DIRCEN(Directeur du centre des essais nucléaires), l’amiral Fages, de la nouvelle campagne contre les essais nucléaires à Moruroa annoncée par Greenpeace. Certainement voulait-on éviter un nouveau remue-ménage médiatique comme celui qui eut lieu lors de la « campagne de tirs » de 1973. Avisé, Charles Hernu interrogea l’amiral Lacoste sur les possibilités d’une opération de sabotage du Rainbow Warrior. Le ministre de la Défense avait été impressionné par une précédente mission réussie du SDECE en octobre 1980 : une petite équipe du "service Action" avait réussi à couler le Dat-Assawari, navire amiral de la flottille libyenne en plein milieu du port de Gênes. Aussi les ordres donnés à l’amiral Lacoste furent-ils clairs : « il faut envoyer le Rainbow Warrior par le fond ». L’amiral Lacoste prit tout de même ses précautions et se fit reconfirmer l’ordre par le chef d’état-major particulier du président de la République, le général Saulnier.

L’opération fut supervisée au cabinet d’Hernu par les colonels Heinrich et Fresnel du bureau des affaires réservées. A Matignon, le chargé de mission de Fabius auprès de la DGSE était le préfet Zilberzahn. A la "Piscine" (QG de la DGSE), le chef du service Action (SA) était le colonel Lesquer. L’auteur du plan fut le chef du bureau des opérations, le lieutenant-colonel Fabron, qui effectua personnellement des reconnaissances à Auckland.

L’équipe opérationnelle était constituée de 12 personnes. Les effectifs étaient si disproportionnés que des sous-officiers étaient persuadés qu’il s’agissait d’un exercice. Quant aux officiers, choqués par une riposte sans mesure avec la menace, ils renvoyèrent le plan à la hiérarchie pour confirmation de l’objectif. L’ordre d’opération fut alors signé par l’amiral Lacoste, et le financement des "frais de mission"(1,2 million de FF de 1985) débloqué par Matignon sur les fameux "fonds spéciaux".

Espionne lesbienne

A cette époque les services secrets français n’avaient pas d’agent "résident" en Nouvelle-Zélande bien que ce pays et son gouvernement travailliste (socialiste) était l’opposant le plus acharné contre les essais nucléaires de Moruroa et Fangataufa, éléments clé de la défense française. Le dernier "honorable correspondant" avait dû quitter le pays quelques années auparavant après la faillite de son entreprise de conserves de pâte d’huîtres. La DGSE envoya donc un agent en avril et mai 1985 afin d’effectuer la reconnaissance des lieux et infiltrer Greenpeace. Le choix de cet agent fut judicieux : comme les militants de Greenpeace Nouvelle-Zélande étaient essentiellement des femmes célibataires, ceci impliquait qu’inévitablement il y aurait des lesbiennes dans le groupe. Suivant cette logique, l’agent choisi fut le lieutenant Christine Cabon, alias Frédérique Bonlieu, lesbienne avouée, une "spécificité" qu’elle dévoila même à l’anthropologue Bengt Danielsson, auteur du livre anti-nucléaire "Mururoa mon amour", qu’elle visita lors de son passage à Tahiti. Ceci et une lettre de recommandation lui permit d’être acceptée au sein du groupe écologiste d’Auckland où, malgré une mauvaise humeur constante, elle se mit en ménage avec une journaliste écologiste d’un quotidien local. Elle loua aussi à plusieurs reprises une voiture pour bien reconnaître les sites qui serviront de lieux de rendez-vous de l’équipage de le yacht Ouvéa et du couple "Turenge". Sa mission terminée, elle prit l’avion pour Tahiti où, lors du colloque sur les récifs coralliens à Tahiti et à Moorea, elle se fit remarquer par son ignorance sur le sujet et un comportement étrange.

Les "yachtsmen" chassent la femme

L’équipe chargée de livrer les explosifs avait loué à Nouméa le yacht Ouvéa, un sloop de 12 mètres. Elle se composait de trois militaires de carrière, l’adjudant-chef Verges (Velche), les adjudants Andriès (Audrenc) et Bartolo (Barthelo) et d’un civil, le Dr Maniguet, lequel avait organisé la "croisière" par le biais d’une agence de voyage de la rue du Ranelagh à Paris. Dès le début, Châtelain, le directeur de Nouméa Yacht Charter, "sentait" que quelque chose ne tournait pas rond. Au moment de l’appareillage de son yacht avec les barbouzes à bord, il déclarait à son voisin : « L’Ouvéa, on ne le reverra plus ! »

Rarement un groupe de "yachtsmen" se fera autant remarquer. D’abord, faire de la plaisance sur ces côtes venteuses de la Nouvelle-Zélande en plein hiver austral est bien étrange et du genre masochiste. Ensuite, les braves barbouzes se trompèrent de baie en faisant leur entrée en Nouvelle-Zélande, risquant leur voilier et se mettant en exergue vis-à-vis des services d’immigration néo-zélandais. Bien qu’on doit admirer leurs talents de marins dans ces moments difficiles, on ne peut que s’étonner de leur comportement si peu discret par la suite. En effet, une fois passé les formalités avec la police du port, nos agents très secrets devinrent exubérants et flambeurs et se mirent à draguer tout ce qui portait une jupe dans les bars, cafés et restaurants des différents petits ports du North Island. Parmi l’une de leurs conquêtes figurait même l’épouse d’un officier de police du port de Whangarei, une dame coiffeuse.

Certainement le plus formidable consommateur de dames kiwi fut le Dr Xavier Maniguet, agent civil "freelance" de la mission. Selon un journaliste australien, les enquêteurs découvrirent qu’il réussit à coucher avec huit femmes différentes en l’espace de sept jours. Flambant sans compter, le capitaine de l’Ouvéa louait les plus luxueuses voitures, logeait dans les meilleurs hôtels pour chasser la gent féminine, sa grande passion. Il manqua d’ailleurs de se faire "flinguer" sur l’île du Sud lorsqu’il séduisit l’épouse d’un chasseur d’opossum ; il dut s’enfuir par la fenêtre après que le mari fut rentré à l’improviste, lequel tira des coups de feu sur le séducteur en fuite. Coureur de jupons incorrigible, il trouva à l’hôtel Sheraton d’Auckland une compagne moins d’une heure après son arrivée. Une autre dame, conquise dans un bar, fut si excitée qu’elle emmena Maniguet à l’hôtel Regent et paya même la note de la chambre. Le lendemain, la cousine de celle-ci accepta à son tour de subir avec plaisir les mêmes honneurs par le docteur français. Si la réputation mondiale de la DGSE prit un sévère coup dans cette affaire, par contre depuis, chez les Kiwis, la réputation du « French lover » vit sa cote grimper.

"Charlots" aux antipodes

Comme les agents français ne passaient pas inaperçus - c’est le moins que l’on puisse dire - leurs traces furent par la suite faciles à remonter pour les enquêteurs, tant elles étaient larges et leurs comportements voyants gravés dans les mémoires. Dans un restaurant de Whangarei, l’équipe signa même le livre d’or de l’établissement, Raymond Velche avec un croquis de plongeur et un cryptique « Peut-être y a-t-il autre chose en N.-Z. »

Mais les agents les plus lamentables de cette équipe ont certainement été les "Turenge", le commandant Alain Mafart (alias Alain Turenge) et le capitaine Dominique Prieur (alias Sophie Turenge). Supposé être en lune de miel, le couple se fera remarquer partout car Mme Turenge "faisait toujours la gueule" et parce que leur comportement entre eux étant glacial, tout comme envers les autres, une attitude très peu en phase avec leur rôle de nouveaux mariés. Dès le départ, les deux espions étaient déjà handicapés par une grossière erreur dans la préparation de leurs faux passeports suisses : bien que supposés être "délivrés" à des années différentes, les numéros des deux passeports se suivaient presque, 3024838 et 3024840, mais ce ne fut qu’une erreur mineure face aux autres bourdes.

Structure rigide

L’armée (dont fait partie la DGSE, aujourd’hui nommée DGE) était une administration de fonctionnaires régie par des fonctionnaires. Un monde de carrières où seul le diplôme prime, car seule preuve de capacité acceptée par les textes administratifs. Le capitaine Prieur fut donc choisie pour son agrégation d’anglais. Le fait qu’elle parlait à peine la langue (elle dut même mettre des écouteurs lors du procès afin d’écouter le traducteur pour comprendre les débats !) n’avait donc aucune importance puisqu’elle avait le diplôme requis. Un Français ayant grandi et vécu en Nouvelle-Zélande, qui parlerait donc comme les Kiwis et se fonderait ainsi dans la population comme un autochtone car intime avec leurs us et mœurs, ne pourrait pas être choisi pour cette mission par un tel système car il n’aurait pas les diplômes français exigés par l’administration ! La DGSE était donc piégée par son propre carcan régulatoire. La connaissance acquise par la vie et le hasard, l’hors de l’ordinaire et l’exceptionnel n’y ont pas de place puisque ces connaissances et atouts indispensables pour un travail discret à l’étranger ne peuvent s’exprimer par un quelconque diplôme français, seules valeurs reconnues par l’armée. Parmi les participants à la mission "Oxygène" seuls Mafart (qui parle avec un accent américain), Maniguet et certainement Cabon, bien qu’elle prétendait le contraire, parlaient un anglais correct acquis après des années de vie à l’étranger. Pour les autres, leur anglais donnait à rire s’il n’était carrément incompréhensible.

Pas de confiance

Pis encore, les petits rond-de-cuir du service comptabilité de la DGSE ne semblaient alors ne pas faire confiance aux agents secrets qu’ils expédiaient à l’autre bout du monde. Incroyable mais vrai, pour justifier leurs frais, les James Bond et autre Mata Hari de la "Piscine" devaient rapporter de leurs missions factures, reçus et autres justificatifs des dépenses. Même les plongeurs de l’Ouvéa exigeaient partout des reçus pour leurs achats, acte bien incohérent avec leur rôle de plaisanciers supposés être en vacances. Cette mesquine et minable paperasse fut ce qui confondit de suite les "Turenge" : lors de leur première arrestation, la police néo-zélandaise retrouvant dans le camping-car loué par le couple un paquet de reçus détaillant toutes leurs dépenses effectuées en Nouvelle-Zélande. Avec les dates et localités de ces talons, les enquêteurs purent ainsi reconstituer en moins d’une heure deux semaines d’itinéraires, donc toutes les étapes des Turenge, même apprendre les numéros de téléphone appelés depuis les hôtels... dont celui de la DGSE ! C’est ce qui leur permit de vite remonter la filière et faire la connexion avec la DGSE et l’Ouvéa, et nullement par une hypothétique trahison ou grâce à l’aide des services secrets anglais comme on a par la suite tenté de le faire croire.

Pis encore, les "époux Turenge" étaient aussi des agents "grappilleurs" et mesquins. La police découvrit avec amusement que certaines des factures avaient été falsifiées : un zéro rajouté à une note d’hôtel de 35 dollars devenait 350 dollars ; chaque petit profit était recherché pour nos minables OSS ! Ce n’est donc pas uniquement la bureaucratie tatillonne qui aura trahi Mafart et Prieur, mais surtout l’avarice et la bêtise.

Leur parcours ressemble d’ailleurs à une vraie comédie digne des films de Laurel et Hardy. Leur comportement était tellement bizarre qu’ils se firent remarquer à tous les moments cruciaux de leur mission, à tel point que le numéro de la plaque d’immatriculation de leur caravane fut constamment relevé par des témoins.

La reconnaissance du terrain était tellement bâclée que des rendez-vous furent ratés. A cause de cette mauvaise préparation, même le plongeur plastiqueur du Rainbow Warrior dut faire un détour, se débarrasser de son hors-bord et ainsi se faire repérer.

Pour 130 dollars de plus

Après l’attentat contre le Rainbow Warrior, alors que tous les autres agents de la DGSE avaient réussi à quitter la Nouvelle -Zélande sans être pris, les "Turenge" eurent le comportement le plus incroyable et impardonnable : au lieu d’abandonner leur caravane sur le parking de l’aéroport et quitter immédiatement le pays par le prochain vol, ces espions se présentèrent au bureau de la compagnie de location de leur véhicule pour récupérer un trop perçu de... 130 dollars NZ (80 euros !!!). Comme des témoins avaient déjà donné le numéro d’immatriculation du camping-car à la police en effervescence depuis l’explosion, l’agence de location avait été avisée de la recherche des Turenge depuis la veille. Voyant les Turenge arriver, la jeune fille de l’agence réussit à appeler la police et faire patienter les espions, en prétextant que le directeur arrivait pour leur rendre les 130 dollars, pendant les 20 minutes nécessaires aux forces de police pour arriver et coffrer le couple. C’est bien cette tentative mesquine de récupérer 80 euros qui permit la capture des Turenge et qui coûta par la suite à la France des dizaines de millions d’euros, ainsi qu’une atteinte terrible à son image.

La bêtise ne s’arrêta pas là

Lors des interrogatoires, Dominique Prieur s’effondra et se mit à pleurer. Le couple ne se rendit même pas compte qu’à un moment on avait introduit dans la cellule de détention un "mouton", à savoir un policier comprenant le français. Il put entendre des brides de leur conversation :

Mafart à Prieur : « Sois comme une montagne ! Ne bouge pas d’un pouce ! »

Prieur à Mafart : « Si on nous envoie en prison, est-ce qu’ils paieront toujours nos salaires et pensions à Paris ? ». On voit quelles étaient les préoccupations patriotiques de nos "James Bond" !

La Nouvelle-Zélande est un Etat de droit. Comme la police n’avait toujours pas d’évidence solide - et qu’elle n’avait surtout pas de réponse de Suisse quant à l’authenticité des passeports (c’était le week-end) -, elle dut relâcher les Turenge au bout de 24 heures et les dirigea vers un motel d’où ils avaient une totale liberté de circuler. Cette fois-ci encore, au lieu de disparaître dans la nature, ils restèrent plus de 36 heures dans leur chambre d’hôtel d’où ils appelèrent la DGSE à Paris ( !), Alain Mafart partant uniquement acheter de nouveaux billets d’avion dans une agence de voyage et prenant contact avec un avocat.

Puis le télex d’Interpol arriva de Berne. Incroyable : les passeports étaient des vulgaires faux, même pas des "vrais-faux". La police retourna à l’hôtel cueillir les Turenge pour les écrouer.

Le lendemain 16 juillet, le tribunal inculpa les deux espions et décréta qu’ils seraient libres en échange d’une caution de 2000 dollars (1200¤) chacun. Ils n’avaient pas l’argent et sur intervention de leur avocat, le tribunal revint sur la décision du bail. Incroyable mais vrai, ils se retrouvaient libres une seconde fois, normalement jusqu’au procès prévu le 27 juillet. Mais la police était consternée par la décision de justice et décida de vite trouver un nouveau chef d’inculpation : importation en Nouvelle-Zélande d’objets acquis par des moyens frauduleux (les faux passeports). Là encore, entre-temps les Turenge ne profitèrent pas de l’occasion pour s’échapper et leur troisième arrestation, pour de bon, eut lieu tard dans la soirée dans les bureaux de leur avocat à Auckland.

Deux fois libérés, les agents secrets n’avaient pas une seule fois tenté de s’enfuir, de quitter le pays par une autre voie que l’avion régulier. Aucun plan alternatif n’avait été prévu, aucune "maison sûre" n’avait été préparée, aucun réseau de secours n’avait été organisé. Rien ! De l’amateurisme de A à Z. Le président Mitterrand ne s’y trompa pas et déclara : « Deux agents qui sont pris et qui téléphonent au ministre de la Défense. Des espions qui signent un livre d’or. Quels crasseux ! » (Attali, in "Verbatim".)

Condamnation

Le lundi 4 novembre 1985, le colonel Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur comparurent devant la cour d’Auckland pour les premières auditions après avoir plaidé non coupable aux accusations d’incendie criminel, de complot en vue d’incendie, et meurtre. Récemment restauré, le vieux bâtiment de la Haute Court d’Auckland a été choisi pour le procès. Face à une assemblée de journalistes venus du monde entier, Mafart et Prieur modifièrent subitement leur façon de plaider. Stupéfaits, l’assistance les écouta finalement plaider coupable d’incendie criminel et d’homicide involontaire. Le procès du siècle, que l’on croyait devoir durer des mois et coûter des milliers de dollars, était terminé en une demi-heure. L’avocat général expliqua au président de la cour que l’accusation était prête à accepter une condamnation pour homicide involontaire, étant donné qu’il n’était pas prouvé que Mafart et Prieur étaient personnellement responsable de la pose des bombes, ni qu’ils avaient volontairement voulu blesser ou tuer. Le 22 novembre, Mafart et Prieur comparurent à nouveau devant la haute cour d’Auckland et furent condamnés à 10 ans de prison pour homicide involontaire et 7 ans pour incendie criminel. En rendant son verdict, le juge Davison donna clairement son avis sur la possibilité d’une expulsion rapide : « Ceux qui viennent dans ce pays et commettent des activités terroristes ne peuvent espérer avoir de petites vacances et retourner chez eux en héros ». Pourtant, tel sera le cas...

Vins fins pour prisonniers

En mars 2001, le quotidien New Zealand Herald révéla qu’en 1985 le ministre de Affaires étrangères Roland Dumas et un député français (Charles Pasqua ?) avaient tenté de faire parvenir une caisse de vins fins de Bordeaux et une bouteille du meilleur cognac aux prisonniers Alain Mafart et Dominique Prieur, quelques semaines après leur emprisonnement. Une mini bataille diplomatique avait éclaté à ce sujet, les fonctionnaires des prisons de Nouvelle-Zélande ayant refusé de faire suivre les cadeaux de Noël envoyés de Paris. M.Dumas protesta en janvier 1986 par la voie de l’ambassade de la Nouvelle-Zélande à Paris et reçut une réponse laconique l’informant que l’on ne donnerait pas de traitement spécial au couple prisonnier : « Les boissons alcoolisées sont strictement prohibées dans des prisons de la Nouvelle-Zélande (...) nos autorités ne peuvent se permettre de faire une exception dans une question qui est si sensible en Nouvelle-Zélande ». L’incident fut révélé par des documents du ministère de la Justice kiwi, "déclassifiés" après 15 ans, conformément à l’Acte officiel d’information de N-Z.

Echec = récompense

Pour libérer les "Turenge", le gouvernement français négocia par trois fois. En échange de la promesse de les garder trois ans en résidence surveillée à Hao, la France accepta de :

faire des excuses formelles et non qualifiées pour l’attaque contre le Rainbow Warrior dans le port d’Auckland en 1985,

payer à la Nlle-Zélande la somme de 7 millions de dollars US en compensation des dommages subits ;

ne pas s’opposer à l’importation de beurre néo-zélandais vers le Royaume Uni en 1987 et 1988 ;

verser 2 millions de dollars US à la famille du photographe tué dans l’explosion ;

payer 9 millions de dollars US au Fonds d’amitié avec la Nouvelle-Zélande ;

payer 6 millions de dollars à Greenpeace.

ne pas s’opposer aux accords entre la NIle-Zélande et la CEE concernant l’importation de viande de mouton, d’agneau et de cabris.

En plus le gouvernement de Paris accepta, sans faire de difficulté, de payer à la société Nouméa Yacht Charter 105.000 euros pour le voilier Ouvéa sabordé en mer.

Les bourdes et comportements de Mafart et Prieur ne méritaient pas de récompenses. Pourtant les guignols des services secrets de cette affaire sortirent plutôt très bien lotis de ce fiasco. Touchant leurs soldes indexées (barème de l’ambassade de France) pendant leur emprisonnement en Nouvelle-Zélande, dès leur transfert sur la base militaire de l’atoll de Hao Mafart et Prieur verront celles-ci multipliées par 2,05 (comme tous les militaires en poste sur les "sites" dans l’archipel des Tuamotu), salaires exonérés d’IRPP auxquels se rajoutent les multiples primes octroyées à ces postes.

Sous-marin nucléaire utilisé

Le sort du voilier Ouvéa et la manière dont l’équipage est rentré en France sont longtemps restés un mystère. Quelques désinformations ou inventions avançaient cette théorie de la fin de l’Ouvéa : « La DGSE n’avait aucun moyen de prévenir l’équipage de l’Ouvéa - chargé de convoyer les explosifs jusqu’en Nouvelle-Zélande - pour les empêcher de revenir en Nouvelle-Calédonie. Le bateau n’avait pas de radio protégée à bord. Un Breguet-Atlantique les aurait repérés et un ancien du service prêta son yacht afin de recueillir l’équipage après le sabordage du bateau ».

Une dépêche de l’AFP du 26/11/91, non signée, avançait que le 23 juillet, l’Ouvéa arrivait à Papeete, d’où les agents prirent l’avion pour Paris par l’une des liaisons hebdomadaires du COTAM [vol militaire en DC-8) ». Tout à fait impossible car l’Ouvéa avait quitté l’île de Norfolk le 15 juillet et aurait ainsi dû voguer contre les alizés et parcourir 5000 kilomètres en huit jours, parfaitement impossible pour n’importe quel voilier !

Par contre, la date du 23 juillet de l’AFP se combine parfaitement avec une autre théorie diffusée par les médias anglo-saxons, mais aussi par l’organisation Greenpeace : le sous-marin d’attaque nucléaire Rubis, en « visite de présence » dans le Pacifique Sud (cas unique pour un sous-marin nucléaire français !) fit escale à Nouméa pour y déposer le ministre Charles Hernu à bord. Le Rubis quitta la Nouvelle-Calédonie le 5 juillet, attendit au large de l’île Norfolk. Le 16, il se dirigea vers une balise radio émettrice déclenchée par l’Ouvéa (truffé d’antennes) au nord de l’île de Norfolk, fit monter à bord les membres de l’équipage qui sabordèrent le voilier en ouvrant les vannes, puis prit la route directe vers Tahiti où il arriva le 22 juillet. Après son arrivée fortement médiatisée à Papeete, le capitaine du Rubis fit des déclarations étonnantes face à la presse et aux caméras de RFO (alors FR 3) télévision (nous citons de mémoire) :

« Oui, nous faisons un voyage de présence dans le Pacifique... mais aussi quelques autres missions. »

Reporter de FR 3 : « Quel genre de mission ? »

Capitaine du Rubis : « Des missions secrètes... très secrètes ! » (Rires).

Mon Dieu, que les marins peuvent parfois être bavards !

Le lendemain, comme annoncé par l’AFP, l’équipage de l’Ouvéa prenait l’avion de Tahiti vers Paris.

Destination Club Hao

Après avoir passé moins d’un an dans les geôles néo-zélandaises, Dominique Prieur et Alain Mafart, arrivèrent le 22 juillet 1986 sur leur lieu français de détention, l’atoll de Hao.

Le mercredi 23 juillet à 2h30 (heure locale), un avion P3 Orion "turboprop" de la Royal New Zealand Air Force (RNZAF) décolla de Wellington en direction du territoire français de Wallis avec à son bord Mafart et Prieur. De son côté, le 22 juillet (heure de Tahiti, un jour en retard sur Wallis et Auckland, ligne de changement de date oblige), un jet Gardian, version militaire du Falcon Dassault, de l’escadrille 12S décolla dans la nuit de l’aéroport de Tahiti Faa’a pour une destination « inconnue ». En fait, l’appareil, avec à son bord Gaston Flosse alors sous-secrétaire d’Etat au Pacifique Sud, faisait aussi route vers Wallis où il se posa vers 9 heures du matin, une heure avant l’arrivée de l’appareil de la RNZAF.

Les faux époux Turenge furent accueillis à l’aéroport de Hihifo par Gaston Flosse (qui menait là une mission demandée par le Premier ministre Jacques Chirac), mais aussi par le préfet Clauzel, directeur de cabinet du ministre de la Défense. Les poignées de mains et les embrassades furent filmées par un cameraman amateur qui fut immédiatement arrêté par les gendarmes de Wallis qui lui saisirent son matériel.

Alors que l’avion kiwi décollait vers son pays, le Gardian, terminait ses pleins et quittait Wallis pour un vol sans escale jusqu’à l’atoll de Hao. L’on apprendra que le vol s’est effectué sans problèmes et que l’ambiance à bord du Gardian était des plus détendue. « Prieur et Mafart n’étaient pas particulièrement affectés, mais visiblement heureux de quitter la Nouvelle-Zélande » confia l’un des participants à ce vol mémorable. Vers 14 heures, alors que le Gardian passait à 8000 mètres à la verticale de Tahiti, le champagne coulait à flot dans la cabine. Vers 16 heures l’appareil se posait sur la piste de Hao où Mafart et Prieur étaient accueillis par le lieutenant colonel Belli, commandant de la base. Après une prise de carburant, le Gardian de la 12S quittait Hao pour Tahiti avec à son bord Gaston Flosse. Mission accomplie.

Atoll secret et... shopping à Tahiti

L’arrivée des deux agents à Hao suscita, comme on s’en doute, un vif intérêt des journalistes et surtout des photographes qui espéraient prendre des clichés des deux « détenus » de Hao. L’armée, scrupuleuse du secret, mit en place un dispositif impressionnant destiné à protéger Alain Mafart et Dominique Prieur. Les photos furent interdites sur le site militaire et même les appelés durent laisser leurs appareils photos sagement dans leur housse. Par ailleurs la population civile fit, elle aussi, l’objet de contrôles, plus discrets toutefois mais tout aussi efficaces de la part des services de la sécurité militaire et tous les vols d’Air Tahiti pour Hao furent sévèrement contrôlés pour éviter l’intrusion sur le site de journalistes ou de curieux. Il est vrai que les photos des deux agents se seraient alors négociées une petite fortune. Le secrétaire général de l’ONU par lequel l’accord entre la France et la Nouvelle-Zélande était intervenu, avait demandé et obtenu du gouvernement l’engagement qu’aucune publicité, interview ou commentaire ne serait fait autour de la vie des faux époux Turenge.

Ainsi, Hao avait soudain supplanté Moruroa en devenant le nouvel « atoll du grand secret ». Seul appareil photo habilité sur le site, celui du photographe de l’armée qui, un an après l’arrivée des deux agents, effectua des prises de vues d’une cérémonie de passation de commandement. Ces clichés - sur lesquels apparaissait Dominique Prieur - trompèrent la vigilance des autorités militaires et furent remis aux quotidiens de Papeete afin d’illustrer cette manifestation.

Quoi qu’il en soit, la vie s’écoulait paisiblement sur l’atoll où le commandant Mafart partait faire de grandes virées en planche à voile, passant même quelques fois la nuit sur un des motu du lagon. Soleil, cocotiers et lagon valaient assurément bien mieux que les geôles néo-zélandaises. Alain Mafart fut aussitôt promu "adjoint terre" et Dominique Prieur "officier adjoint au commandant de la base". Le mari de Dominique Prieur, alors capitaine du génie commandant les sapeurs-pompiers de la caserne de la rue du Vieux Colombier à Paris, fut muté à Hao en étant promu commandant de la base. En avril 1996, on apprenait que c’est Jacques Chirac en personne qui avait suggéré en 1986 à Dominique Prieur de tomber enceinte afin de pouvoir quitter l’atoll de Hao. Selon Le Canard Enchaîné, elle resta néanmoins désespérément infertile malgré la présence sur l’île de son époux et plusieurs célèbres gynécologues de Paris durent alors faire le déplacement vers l’atoll auprès de Mme Prieur.

Mafart mit à profit son séjour pour préparer l’Ecole de Guerre, quant à Dominique Prieur, elle n’avait pas à se plaindre non plus de son séjour sur l’atoll, puisque outre son (léger) travail et ses loisirs, elle partait assez fréquemment et dans la discrétion la plus absolue à Tahiti, en infraction patente avec l’engagement fait par la France devant l’ONU. Le cérémonial de ces voyages était immuable : Dominique Prieur était transportée depuis Hao (en Gardian la plupart du temps) et à son arrivée à Tahiti-Faa’a l’attendait une voiture avec chauffeur. Perruque vissée sur la tête, lunettes noires sur le nez, elle s’engouffrait dans la voiture puis prenait ses quartiers au laorana Villa, l’hôtel militaire pour gradés de Punaauia. Ses sorties en ville étaient étroitement surveillées par les agents de la sécurité militaire, mais aucun incident n’a jamais émaillé ces escapades. Une seule fois, dans un magasin de vêtements du centre Vaima, elle fut reconnue, ce qui lui fit quitter prestement la boutique avant l’arrivée de la presse locale. Le soir même elle regagnait Hao...

Aucun des deux agents ne termina ses trois années de séjour à Hao, comme promis par la France devant l’ONU. Le 11 décembre 1987, un certain Serge Quillan, menuisier de profession, embarquait à Tahiti à bord du vol UTA UT 508 en direction de Paris. M. Quillian, en réalité Alain Mafart, quittait la Polynésie au grand dam des Néo-Zélandais avec un autre vrai-faux passeport, après un séjour de 17 mois seulement sur l’atoll. Des raisons de santé étaient alors invoquées pour justifier son « rapatriement sanitaire » mais elles s’avérèrent fausses et la France fut encore condamnée. En mai 1988, Dominique Prieur, enfin enceinte, partit à son tour vers Paris, par avion spécial dans un grand tamtam médiatique, juste à la veille des élections présidentielles, ultime mais vain effort pour promouvoir le candidat Jacques Chirac. Elle est restée en tout 22 mois sur l’atoll, et pas toujours, puisqu’elle fut plusieurs fois aperçue en train de faire son "shopping" à Tahiti. A l’hôtel militaire "Iaorana Villa" de Tahiti, réservé aux gradés, on donna même discrètement le sobriquet de "suite Prieur" au bungalow que cette dame utilisait. Le non respect de la parole donnée par les autorités françaises eut, là encore, un certain effet médiatique en Nouvelle-Zélande. La solitude pesant tout de même, Dominique Prieur accueillait avec joie son mari Joël, capitaine des sapeurs-pompiers muté à Hao où il arriva le 23 août 1986.

Et après ?

Le Rainbow Warrior fut renfloué le 21 août 1985. Après expertise, Greenpeace dut se résoudre à saborder le navire, les dégâts étant trop importants pour être réparés. Il fut coulé dans la baie de Matauri Bay, au nord d’Auckland, où un mémorial fut érigé. C’est dorénavant une destination touristique prisée de Nouvelle-Zélande.

Le capitaine Prieur fut par la suite "planquée" au service statistique du ministère de la Défense à Paris et le colonel Mafart entra à l’Ecole de Guerre. En 1989, le commandant Mafart fut promu lieutenant-colonel, mais aussi chevalier dans l’ordre national du Mérite en mai 1991, puis promu colonel en 1994. En juillet 1993, le colonel Louis-Pierre Dillais, commandant de l’opération "Satanic - Oxygène", fut nommé chef du bureau des affaires dites "réservées" au ministère de la Défense.

L’affaire du Rainbow Warrior resurgit brièvement dans l’actualité en novembre 1991 lors de l’arrestation par la police helvétique de Gérald Andriès, l’un des nageurs de combat de l’Ouvéa. Lors de la conclusion des accords de compensation, le gouvernement français avait tout simplement oublié d’exiger de la Nouvelle-Zélande la levée des mandats d’arrêts internationaux.

Le 18 avril 1995, lors de l’émission « Foreign Correspondant » diffusée sur la chaîne nationale australienne ABC, le directeur du contre-espionnage français (la DST) de l’époque, Yves Bonnet, interviewé par Justin Murphy, précisait que l’ordre de la mission contre le Rainbow Warrior avait été donné par le président François Mitterrand en personne...

Une semaine après la publication du premier dossier de TPM en mai 1995, la presse métropolitaine s’extasiait sur le livre "Agent secrète" de Madame "Turenge", bouquin dans lequel l’ex capitaine Prieur, promue commandant depuis et aidée par un journaliste, racontait "sa vérité". Plus intéressantes étaient ses interviews. A France-Inter, la Mata Hari nationale déclarait : « C’était difficile. Nous n’avions pas l’expérience d’utiliser des passeports étrangers... » , On se demande où peut se trouver cette difficulté. Pis encore, interviewée pour le journal télévisé de France 2, elle donna plus de détails sur la "difficulté" de sa mission : « C’était une opération dans un pays lointain. donc difficile ». Pitié ! Quel triste spectacle que cette femme trop banale, fade, sans éclat ni panache, tentant de justifier l’injustifiable sur le banc d’un parc parisien. Ça, un agent secret ? En effet, ignares que nous sommes, nous croyions que les agents secrets du monde entier avaient deux grands impératifs, règles immuables de cette ancienne profession :

1) Ne pas se faire prendre.

2) Et surtout savoir se taire. Après avoir misérablement failli à la première règle, Madame Prieur venait donc de violer aussi médiocrement la seconde. Dans son livre, elle explique en détail comment elle savait très bien que leur camping-car avait été repéré et le numéro noté à Auckland. Malgré cela, elle a quand même été à l’agence de location attendre une demi-heure pour tenter de récupérer les 130 dollars NZ et ainsi se faire prendre !!! Ça, hélas, elle ne l’explique pas !

En mai 1999, ce fut au tour d’Alain Mafart de publier un bouquin sur son désastreux rôle dans le plus grand fiasco de l’histoire de l’espionnage français. ("Carnets secrets d’un nageur de combat", par Alain Mafart. Albin Michel, Paris, 1999.) Dans une des pages, il répond à notre dossier : « nous n’avions pas à conserver les fameuses P.J. (pièces justificatives) qui sont le fardeau bureaucratique des opérations usuelles. Donc, quand nous avons été arrêtés, la police n’a rien découvert sur nous, si ce n’est un portefeuille bien garni, qui ne sera saisi que lorsque nous serons inculpés. » Mensonge puisque c’est grâce à ces notes de frais que la police néo-zélandaise (c’est dans le rapport de police) a de suite réussi à reconstituer l’itinéraire des "Turenge". Et s’ils avaient eu un « portefeuille bien garni » comme M. Mafart le prétend, comment se fait-il qu’ils n’ont pas pu poster la caution de 2000 dollars N.Z. et disparaître ?

Second mensonge : « Nous pensions abandonner le camping-car. Mais à la réflexion, cette décision pourrait se révéler néfaste : si nous sommes recherchés, nous serons attendus à l’aéroport. (...) Donc, nous ne pouvons courir le risque d’être ennuyés pour une banale grivèlerie, que les policiers mettraient à profit pour nous retenir et nous faire rater l’avion. Et de toute manière, s’ils nous attendent déjà chez notre loueur, ils sont aussi à l’aéroport. »

Mais comment pouvait-il y avoir une grivèlerie puisque la location du camping-car était prépayée et encore valide pendant deux jours ? Ils auraient donc pu le garer n’importe où et filer.

« L’arrivée à l’agence de location se passe bien. Une jeune femme commence à traiter aimablement notre dossier. Mais au bout de quelques instants, elle se fige et quitte soudainement sa place en bredouillant quelques mots. Elle s’éclipse dans un bureau et revient, pâle comme un linge, s’occuper tant bien que mal de nous (...) Le numéro du camping-car a bien été noté et fourni à la police. Le suspense ne dure pas : quelques minutes après, crissement de pneus, claquements de portières, un petit groupe de policiers, en civil et en uniforme, envahit en trombe l’agence. »

Pourtant les Turenge sont bien allés à l’agence pour récupérer la caution de 130 dollars NZ et, comme le spécifie très clairement les rapports de police, ils attendirent pendant plus de 20 minutes, et non « quelques minutes ». Minable ! A cause de cela la France à été la risée du monde et a été obligée de payer des dizaines de millions de dollars, à la Nouvelle-Zélande comme à Greenpeace. D’ailleurs, rien que pour obtenir le transfert de Mafart et Prieur vers l’atoll de Hao, la France a payé 50 millions FF (un milliard de francs Pacifique), comme Mafart l’écrit lui-même.

Ni gratitude, ni sens du devoir

Y a-t-il eu par la suite la moindre gratitude de la part cet "OSS" raté envers ceux qui l’ont sorti des geôles néo-zélandaises ? Hélas non, bien au contraire, comme il l’écrit lui-même dans son bouquin : Môssieur s’indigne lorsqu’on lui demande de travailler à Hao (sa solde y est pourtant multipliée par 2,05) car il ne veut faire que de la voile et de la plongée. Ensuite, après avoir quitté avant l’heure Hao sous prétexte de « séquelles de problèmes de santé d’adolescent » et après qu’un médecin désigné par la Nouvelle-Zélande constate sa pleine forme, il « reste pantois » que le Premier ministre Michel Rocard ose lui demander de retourner sur l’atoll afin de respecter l’accord signé par la France... et refuse net. Là encore, la France devra payer des compensations à cause de cet homme qui n’accepte pas ses responsabilités : « L’Etat porte dans l’affaire du Rainbow Warrior des responsabilités écrasantes. Il est hors de question que je serve de victime expiatoire ». Aussi, plonger et bronzer dans nos atolls bleus des Tuamotu était pour lui une punition insupportable ! (Quelle "promotion" pour notre tourisme !)

Enfin, pour couronner le tout, Mafart explique tout fièrement dans son livre comment il obtint, contre l’avis du gouvernement, sa promotion au grade de colonel grâce à une exploitation tatillonne des textes, alors que Rocard avait tenté de lui expliquer : « Comprenez qu’on peut difficilement opposer des dispositions administratives aux intérêts de l’Etat ». Et pour couronner notre indignation, le colonel nouvellement promu nous raconte fièrement comment en 1994, à l’âge de 43 ans seulement, il prit sa retraite. Ce qui était, certes, un soulagement pour « le bras secret de la France » qui se débarrassa là d’un nul qui avait amplement démontré la justesse de cette qualification, mais ce qui était moins réjouissant pour le contribuable qui va devoir lui payer une belle rente à vie. Certainement une longue vie de repos et de plaisir car, soudainement et miraculeusement en très bonne santé, le Mafart se balade depuis en kayak « des glaces de l’Arctique au soleil de l’hémisphère Sud » car il est devenu, affirme-t-il, un « écologiste authentique ». Peut-être va-t-il bientôt rejoindre l’organisation Greenpeace ?

Enfin, début mai 2005, Alain Mafart et Dominique Prieur déposaient à Wellington un référé en justice demandant à interdire la chaîne publique Television New Zealand (TVNZ) de diffuser des extraits des films tournés lors des interrogatoires et du procès des agents français car cela « porte atteinte à leur vie privée ». Dans un jugement du 7 mai TVNZ fut autorisée par la Haute Cour à diffuser des images du procès des "faux époux Turenge". Le procès avait été filmé pendant deux semaines, mais aucune image n’avait été rendue publique. Le 13 mai, Mafart et Prieur déposèrent un recours en appel de cette décision de justice, on les comprend : la triste et minable vérité sera exposée. Selon l’avocat de la chaîne TVNZ, les "Turenge" ont renoncé à un quelconque droit de restreinte dans cette affaire en publiant chacun un livre sur le sujet et que les films sont un « enregistrement public d’un événement important de l’histoire de la Nouvelle-Zélande ».

Une enquête

d’Alex W. du PREL

avec divers correspondants

de Tahiti-Pacifique , dont D.H.

Sources : J.-M. Caraclec’h, L’Express 27/11/1993 ; Insight Rainbow Warrior", Sunday Times, 1986, Londres ; J. Chesneaux "Transpacifiques", La découverte, Paris 1987 ; C. Lecomte "Coulez le Rainbow Warrior", Messidor, Paris 1985 ; DAT, « ’La Dépêche de Tahiti" ; M. King, "Death of the Rainbow Warrior", Auckland 1986 ; "Nouvelles de Tahiti" ; documents Greenpeace ; J. Derogy & J.M. Pontaut, "L’Express" 16/9/85, Caron, "Fri Alert", Dunedin 1974, Mémorial Calédonien, Nouméa 1994, Dyson, "Sink the Rainbow Warrior »’, Auckland 1986, New Zealand Herald, 4/7/86 ; documents Greenpeace, archives TPM et de nombreux, nombreux interviews.

Les décisions juridiques Internationales de l’affaire

L’affaire du Rainbow Warrior donna lieu à un différend entre la France et la Nouvelle-Zélande. Suite à l’abandon par la France de sa déclaration de juridiction obligatoire en 1974, l’affaire ne fut pas traitée par la Cour internationale de justice. Les deux parties firent appel au Secrétaire général des Nations Unies (alors Javier Pérez de Cuéllar) en lui demandant de rendre un règlement obligatoire pour les deux parties, ce qu’il fit en juillet 1986.

La décision accorda une double réparation à la Nouvelle-Zélande : d’abord, une satisfaction sous la forme d’excuses officielles de la France, ensuite, une réparation de 7 millions de dollars US de dommages et intérêts. Le 9 juillet, trois accords sous forme d’échanges de lettres sont signés pour régler le problème. Conformément à ces accords, les deux agents français furent transférés sur l’atoll de Hao (Polynésie française) avec interdiction de revenir en métropole pour 3 ans. Mais en décembre 1987, le commandant Mafart est rapatrié pour « danger de mort » sur sa personne, suivi en mai 1988 du capitaine Prieur, pour raisons personnelles et médicales. La Nouvelle-Zélande porte alors l’affaire devant un tribunal arbitral.

Le jugement du Secrétaire général des Nations Unies

de juillet 1986

« Ma décision est la suivante :

1. Excuses : la Nouvelle-Zélande demande des excuses : la France est prête à les présenter. J’estime que le Premier ministre français devrait présenter au Premier ministre néo-zélandais des excuses formelles et sans réserve pour l’attentat commis en méconnaissance du droit international le 10 juillet 1985 contre le « Rainbow Warrior » par des agents des services français.

2. Indemnisation : La Nouvelle-Zélande demande une indemnisation pour le préjudice subi par elle et la France est prête à verser une certaine indemnité. Toutefois les deux Parties divergent sur le montant de celle-ci. La Nouvelle-Zélande a exposé que l’indemnité ne devrait pas être de moins de 9 millions de dollars US, la France qu’elle ne devrait pas dépasser 4 millions de dollars US. J’estime que le gouvernement français devrait verser au gouvernement néo-zélandais une somme de 7 millions de dollars US en réparation de l’ensemble des préjudices subis par la Nouvelle-Zélande.

3. Les deux agents des services français : C’est sur ce point que les deux Gouvernements ont à l’évidence rencontré les plus grandes difficultés dans leurs tentatives d’aboutir sur une base bilatérale à une solution négociée d’ensemble, avant de prendre la décision de me soumettre l’affaire.

Le gouvernement français demande le retour immédiat des deux officiers. Il souligne que leur emprisonnement en Nouvelle-Zélande est injustifié, compte tenu en particulier du fait qu’ils ont agi sur ordre de l’autorité militaire et que la France est prête à présenter des excuses à la Nouvelle-Zélande et à lui verser une indemnité pour le dommage subi. La Nouvelle-Zélande estime, quant à elle, que la destruction du « Rainbow Warrior » constitue non seulement une méconnaissance du droit international, mais encore une infraction grave au droit néo-zélandais pour laquelle les deux officiers ont été condamnés à une peine de longue durée par un tribunal néo-zélandais. La partie néo-zélandaise expose que leur retour à la liberté porterait atteinte à l’intégrité du système judiciaire néo-zélandais. Au cours des négociations bilatérales avec la France, la Nouvelle-Zélande était prête à explorer les conditions dans lesquelles les prisonniers auraient pu accomplir leur peine hors de Nouvelle-Zélande. Mais il était, et reste essentiel en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande, qu’il n’y ait pas de libération, que tout transfert se fasse vers un lieu de détention et qu’il puisse être vérifié qu’il en est bien ainsi. La France répond sur ce point qu’il n’existe aucune base en droit international ou en droit français permettant aux deux officiers d’exécuter en France même une partie de la condamnation prononcée à leur encontre en Nouvelle-Zélande et qu’ils ne sauraient faire l’objet de nouvelles poursuites pénales après leur transfert aux autorités françaises. Sur ce point, et afin de remplir mon mandat de manière appropriée, je dois trouver une solution concernant les deux officiers qui respecte et réconcilie ces dispositions divergentes.

Ma décision est la suivante :

Le gouvernement néo-zélandais devrait transférer le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur aux autorités militaires françaises. Immédiatement après, le commandant Mafart et le capitaine Prieur devraient être transférés sur une installation militaire française sur une île isolée, hors d’Europe, pour une période de trois ans.

Il devrait leur être interdit de quitter l’île sous quelque motif que ce soit, sauf accord entre les deux gouvernements. Leurs contacts pendant leur affectation sur l’île devraient se limiter au personnel militaire ou assimilé et à leurs proches (parents et amis). Tout contact avec la presse ou les autres moyens de communication par oral, par écrit ou de toute autres manières devrait leur être interdit. Ces conditions devraient être strictement respectées et les mesures appropriées devraient être prises pour en assurer l’application conformément aux règles de la discipline militaire.

Le gouvernement français devrait transmettre tous les trois mois au gouvernement néo-zélandais et au Secrétaire général des Nations Unies, par la voie diplomatique, toutes informations concernant la situation du commandant Mafart et du capitaine Prieur au regard des dispositions des précédents paragraphes, en vue de permettre à ce gouvernement de s’assurer que ces dispositions sont exécutées.

Si le gouvernement néo-zélandais le demande, une visite de l’installation militaire en cause pourrait, par commun accord entre les deux gouvernements, être effectué par un tiers agréé.

Je me suis renseigné sur les installations militaires existant hors d’Europe. Sur la base de ces renseignements, j’estime que le transfert du commandant Mafart et du capitaine Prieur sur l’installation militaire française se trouvant sur l’île isolée de Hao en Polynésie française faciliterait au mieux la mise en œuvre des conditions énumérées aux paragraphes a) à d) ci-dessus. J’estime que telle devrait être leur destination immédiatement après leur transfert.

4 - Questions commerciales : le gouvernement néo-zélandais a soutenu que les questions commerciales ont fait leur entrée dans l’affaire à la suite d’actions françaises prises ou envisagées. Le gouvernement français le nie, mais il a indiqué qu’il est prêt à prendre certains engagements relatifs au commerce demandés par la Nouvelle-Zélande. C’est pourquoi, j’estime que la France :

Ne devrait pas s’opposer à la poursuite des importations de beurre néo-zélandais au Royaume-uni en 1987 et en 1988 aux niveaux proposés par la Commission des Communautés Européennes, dès lors que ceux-ci ne dépassent pas ceux figurant dans le document COM(88) de 1983, c’est-à-dire 77.000 tonnes en 1987 et 75.000 en 1988 ;

ne devrait pas prendre de mesures qui pourraient porter atteinte à l’exécution de l’accord entre la Nouvelle-Zélande et la Communauté économique européenne sur le commerce des viandes de mouton, d’agneau et de chèvre, entré en vigueur le 20 octobre 1980. (...)

Nouvelle Zélande c/ France :

arbitrage international du 30 avril 1990

Sentence du Tribunal composé de : Eduardo Jiménez de Arechaga, président, Sir Kenneth Keith, Prof. Jean-Denis Bredin, membres.

Le Tribunal arbitral à la majorité

déclare que la République française ne s’est pas rendue coupable d’une violation de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande en rapatriant le commandant Mafart de l’île de Hao le 13 décembre 1987 ;

déclare que la République française s’est rendue coupable d’une violation substantielle de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande en manquant d’ordonner le retour du commandant Mafart à l’île de Hao à partir du 12 février 1988 ;

déclare que la République française s’est rendue coupable d’une violation substantielle de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande en ne faisant pas effort de bonne foi pour obtenir, le 5 mai 1988, le consentement de la Nouvelle-Zélande au départ du capitaine Prieur de l’île de Hao ;

déclare qu’en conséquence la République française s’est rendue coupable d’une violation substantielle de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande en manquant d’ordonner le retour du Capitaine Prieur de l’île de Hao les 5 et 6 mai 1988 ;

déclare que la République française s’est rendue coupable d’une violation substantielle et continue de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande en manquant d’ordonner le retour du capitaine Prieur à l’île de Hao ;

à la majorité déclare que les obligations de la République française exigeant la présence du commandant Mafart et du capitaine Prieur sur l’île de Hao ont pris fin le 22 juillet 1989 ;

en conséquence déclare qu’il ne peut être fait droit aux demandes, de déclaration et d’ordre, de la Nouvelle-Zélande, tendant à obtenir le retour commandant Mafart et du capitaine Prieur sur l’île de Hao ;

déclare que la condamnation de la République française à raison des violations de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande, rendue publique par la décision du tribunal, constitue, en ces circonstances, une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés à la Nouvelle-Zélande ;

à la lumière des décisions qui précèdent, recommande que les gouvernements de la République française et de la Nouvelle-Zélande constituent un fonds destiné à promouvoir d’étroites et amicales relations entre les citoyens des deux pays, et que le gouvernement de la République française remette à ce fonds une contribution initiale équivalente à 2 millions de dollars US.

Fait en anglais et en français à New York, le 30 avril 1990.

Sir Kenneth Keith, Arbitre, ajoute une opinion séparée à la décision :
Apports juridiques :

Classification des faits illicites : on distingue le fait illicite instantané (sabordage du Rainbow Warrior) du fait illicite continu (le non-retour des deux agents français à l’île d’Hao).

Mise en œuvre de la responsabilité internationale (formes de la réparation) :

la réparation d’un préjudice immatériel (moral) peut être tout aussi bien une compensation (financière) qu’une satisfaction (morale). En l’espèce, le Secrétaire général accorde à la Nouvelle-Zélande une double réparation, à la fois une compensation financière et une satisfaction sous la forme d’excuses officielles. Par ailleurs, la satisfaction d’un préjudice juridique (moral) peut prendre diverses formes, en l’espèce, la condamnation de la France constitue « une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés à la Nouvelle-Zélande » (sentence arbitrale) : « la constatation de l’illicéité du fait par un tribunal international compétent peut constituer en elle-même une forme appropriée de satisfaction » (projet de la CDI, art.10-3).

Source : Le droit international public, P-M Dupuy, Dalloz.


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